Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PHONOLOGIE

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par , et

Les phonologies structurales

Divergences et convergences

Les divergences existant entre les différentes écoles structurales sont importantes, notamment celles qui opposent globalement les écoles américaines aux écoles européennes. Elles se manifestent dans le domaine théorique comme dans le domaine méthodologique et sont dues aussi bien aux pesanteurs du contexte théorique et idéologique, spécifique à chaque foyer, qu'aux différences de tâches descriptives à accomplir. Ainsi l'esprit de système, le poids du comparatisme et de la psychologie qui dominent les préoccupations de la vie linguistique européenne du début du siècle ne se retrouvent-ils pas avec le même impact aux États-Unis où la psychologie behaviouriste parvient, avec Bloomfield, à avoir de profondes répercussions sur les développements de la linguistique. Par ailleurs, la nécessité de conduire rapidement la description de nombreuses langues amérindiennes sans écriture a amené les linguistes américains à développer d'autres méthodes d'analyses qu'en Europe où les langues, relativement bien connues, avaient déjà fait, au cours du xixe siècle, l'objet d'un classement généalogique.

Toutefois, ces écoles structurales partent de présupposés communs qui leur donnent à toutes un air de famille :

– d'une part, l'idée selon laquelle les phonèmes doivent faire l'objet d'une procédure de découverte, permettant à la phonologie de réorganiser en classes le matériel phonétique d'une langue ; il en résulte que le phonème devra être défini en des termes qui lui confèrent une existence autonome par rapport au son ;

– d'autre part, l'idée que le matériel phonique d'une langue relève d'un niveau spécifique d'organisation ; ainsi les phonèmes d'une langue s'organisent en système, dont la connaissance doit permettre une analyse du fonctionnement synchronique et diachronique de cette langue.

Les procédures de découverte des phonèmes

Après avoir envisagé un instant la distinction phonologie/phonétique à partir de l'opposition saussurienne entre langue et parole, l'école de Prague l'a fondée sur une différence de point de vue : analyse physique pour la phonétique, analyse fonctionnelle pour la phonologie.

La phonétique est une science expérimentale qui traite des caractéristiques physiques du signal phonique ainsi que des conditions de sa production et de sa réception. La phonologie est une science humaine qui traite du fonctionnement du matériel phonique dans une langue déterminée. Cette analyse fonctionnelle repose sur le principe d'opposition et sur la commutation. Ainsi, l'opposition entre [p] et [b], en français, a une fonction dans la communication puisqu'elle permet à tout locuteur de distinguer [pa] « pas », de [ba] « bas » ou encore [po] « peau » ou « pot » de [bo] « beau ». On dit d'une telle opposition qu'elle est distinctive.

En revanche, l'opposition entre [r] (« r » roulé) et [ʁ] (« r » non roulé) n'a pas de fonction en français dans la mesure où jamais un locuteur ne pourra l'utiliser pour distinguer des messages : [tri] et [tʁi] renverront à une même signification « tri ». On dira que cette opposition est non distinctive. L'analyse fonctionnelle invite à faire de / p / et / b / des phonèmes différents et de [r] et [ʁ] des réalisations phoniques d'un même phonème / r /. Savoir si une opposition, comme p / b, est ou n'est pas distinctive exige de recourir à des formes, comme [pul] « poule » / [bul] « boule », c'est-à-dire à des couples de mots, appelés paires minimales, qui ne se différencient que par la commutation de [p] par [b].

L'analyse fonctionnelle est donc subordonnée à la possibilité de trouver suffisamment de paires minimales pour[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de sciences du langage à l'université de Provence, Aix-Marseille-I
  • : linguiste, maître de conférences en sciences du langage, directeur du département des sciences du langage, Aix-en-Provence, université de Provence-Aix-Marseille-I
  • : docteur d'État, professeur de linguistique générale à l'université de Provence-Aix-Marseille-I

Classification

Pour citer cet article

Jean Léonce DONEUX, Véronique REY et Robert VION. PHONOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Langue polonaise : les phonèmes consonantiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Langue polonaise : les phonèmes consonantiques

Autres références

  • PHONOLOGIE ARTICULATOIRE

    • Écrit par et
    • 1 040 mots
    • 2 médias

    La phonologie articulatoire est une théorie phonologique, proposée dans les années 1980 par Cathy Browman et Louis Goldstein, qui s’appuie sur des observations empiriques. Elle a été influencée par les idées de Sven Öhman et de Carol Fowler sur la coproduction (production simultanée) des consonnes et...

  • ANALYSE & SÉMIOLOGIE MUSICALES

    • Écrit par
    • 5 124 mots
    • 1 média
    En linguistique, le modèle phonologique a pour objectif de déterminer quels sons appartiennent en propre à une langue : le japonais ne distingue pas entre l et r, le français distingue entre le é de « chantai » et le è de « chantais », l'allemand entre le ch de « Kirche » (église)...
  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Langue

    • Écrit par et
    • 6 289 mots
    • 2 médias
    L'anglais possède des consonnes occlusives (ou momentanées) et fricatives (ou continues), sourdes (comme p ou f) ou sonores (comme b ou v), et des consonnes résonnantes sonores (nasales, latérales et semi-voyelles). Toutes ces consonnes se trouvent en position d'initiales de mots, à l'exception...
  • APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

    • Écrit par et
    • 1 847 mots
    D’où l’importance du second mécanisme, le décodage ou déchiffrage, qui consiste à trouver pour chaque symbole le son correspondant. Le décodage est au cœur de l’apprentissage de la lecture. Son efficacité repose sur deux bases : d’une part, les symboles de la majorité des systèmes d’écriture...
  • APPRENTISSAGE DES LANGUES ÉTRANGÈRES

    • Écrit par
    • 1 242 mots

    Les recherches sur l’apprentissage des langues étrangères ont d’abord été liées au domaine de la psycholinguistique, puis à celui du bilinguisme. Elles prennent actuellement davantage en compte les concepts de la psychologie cognitive : modalités d’apprentissage, automatisation, coût cognitif....

  • Afficher les 51 références