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PHILOSOPHIE ANALYTIQUE

Phases, pôles et types d'analyse

Wittgenstein - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wittgenstein

Il reste que les analystes n'ont pas la même théorie de cette pratique, de son type d'objet, et de ses résultats. On associe les théories analytiques soit avec la vue métaphysique que Russell appela « atomisme logique », soit avec les doctrines supposées antimétaphysiques du positivisme logique, soit avec une conception sans arrière-plan dogmatique : celle de Moore et plus tard des oxfordiens, soit encore avec une sorte de nominalisme radical comme chez Ryle. Même diversité quant au terme de l'analyse : Wittgenstein (Tractatus) ne déclare pas que le retour à l'ultime peut être mené à bien, il ne dit pas non plus quels sont les ultimes éléments ; au début, les positivistes logiques s'engagent davantage en les identifiant à des contenus sensibles. Mais, si les uns et les autres veulent que le squelette linguistique de la nouvelle logique fournisse la structure formelle des énoncés ultimes, Moore avant Wittgenstein seconde manière (Investigations) ne s'engage ni sur la nature des éléments ni sur la forme des énoncés. Enfin, l'école d'Oxford ne se lie plus à aucun modèle (pattern) qu'il s'agirait de révéler. Un bref historique s'impose donc afin de découvrir derrière les phases du mouvement les formes de l'analyse.

Après une période préanalytique dominée par le réalisme néo-aristotélicien des deux disciples de Brentano (Meinong et Husserl), on voit émerger au début du siècle une ligne de développement en Angleterre puis en Pologne. La théorie des objets de Meinong et la contribution à la philosophie de l'esprit de Twardowski préparent la réaction de Russell. De même que la théorie de l'externalité des relations de celui-ci devait faire échec à l'idéalisme moniste, sa méthode des constructions logiques, sa théorie des descriptions, des fonctions propositionnelles et l'analyse formelle qui en procèdent sont mises au point pour résoudre les difficultés logiques de ce réalisme radical.

En Pologne, la génération de l'école de Lwow-Varsovie s'instruit à la lecture des Principles of Mathematics(1903), développe des propres idées en relation avec les Principiamathematica(1910) et bientôt contre eux. Les Polonais reprennent le travail analytique sur la fondation des mathématiques et de la logique là où Russell l'abandonna. L'interprétation nominaliste et pragmatiste de Tarski et Lesnievski sera réintroduite par eux dans le monde anglo-saxon, où elles agissent sur les recherches récentes de Quine et de Goodman. L'homogénéité et la continuité du rameau polonais (l'influence du second Wittgenstein y est quasi nulle) en fait un mouvement sans autre histoire que sa rencontre avec le marxisme qu'il pénètre de certaines habitudes analytiques, avant d'être éliminé comme philosophie indépendante.

En Angleterre, le mouvement prend figure chez Moore et Russell, trouve un achèvement et comme un classicisme provisoire avec le Tractatus(1921), s'ouvre au positivisme logique au début des années trente... Tandis qu'en Pologne Łukasiewicz et Kotarbiński gardaient leurs distances à l'égard du cercle de Vienne, Ayer réussit la conjonction avec la pratique analytique en sauvant le meilleur de la tradition empiriste anglaise. Le mouvement tente alors de se réfléchir dans ses présupposés au cours des premières controverses analytiques. Wisdom fait la philosophie de la philosophie analytique. Stebbing systématise ses procédures. Parallèlement à l'autocritique de Wittgenstein, l'analyse dite classique marque le pas. Un certain nombre d'articles publiés avant la Seconde Guerre mondiale annoncent un élargissement (ou une dénaturation) : l'analyse deviendrait élucidation, moins réductive que descriptive. Certes, la continuité entre cambridgiens et oxfordiens semble assurée chez Ryle, dont la [...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Rennes
  • : docteur en philosophie de l'université Paris-I, chargé de cours à l'université de Paris-I, ancien assistant au Collège de France

Classification

Pour citer cet article

Francis JACQUES et Denis ZASLAWSKY. PHILOSOPHIE ANALYTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

Ryle - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Ryle

Wittgenstein - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wittgenstein

Autres références

  • AJDUKIEWICZ KAZIMIERZ (1890-1963)

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 725 mots

    Philosophe et logicien polonais, né en Galicie, mort à Varsovie. Ajdukiewicz étudie à l'université de Lwów avec Twardowski et Łukasiewicz. Ses thèses de doctorat ont pour titres L'Apriorité de l'espace chez Kant et Méthodologie des sciences déductives. Il étudie aussi...

  • ANALYTIQUE PROPOSITION

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 459 mots

    Le mot « analytique » a au moins trois sens.

    1. Au sens large, une proposition est dite analytique si elle est vraie en vertu de la signification des termes qu'elle contient. La simple considération des significations suffit à donner l'assurance de sa vérité. À ce sens se rattachent le...

  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...linguistique et historique, à l'architecture générale de la doctrine, à la forme des questions et aux présuppositions et attentes qu'elles impliquent. Le courant analytique, représenté aujourd'hui par la majorité des auteurs de langue anglaise (J. L. Ackrill, J. Barnes, etc.), fait abstraction de toute...
  • ATOMISME

    • Écrit par Jean GREISCH
    • 1 366 mots
    • 4 médias
    ...la chasse gardée des « sciences dures ». Dans le champ philosophique, l'atomisme va connaître un nouveau printemps grâce à certains représentants de la philosophie analytique. C'est le courant de l'atomisme logique, illustré par Bertrand Russell (1872-1970) et le « premier » Wittgenstein (1889-1951)....
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Voir aussi