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VEYNE PAUL (1930-2022)

Né à Aix-en-Provence le 13 juin 1930, Paul-Marie Veyne fut un historien et un intellectuel. Titulaire de la chaire d’histoire de Rome au Collège de France de 1975 à 1998, il a publié de nombreux ouvrages sur la Rome impériale, en laquelle il voyait une déclinaison singulière de la civilisation grecque : ainsi Le Pain et le Cirque (1976) et L’Empire gréco-romain (2005). Mais, à considérer l’ensemble de sa bibliographie ou la volumineuse anthologie de ses textes (publiée en 2020 par les éditions Robert Laffont sous le titre Une insolite curiosité), on découvre une œuvre qui ne se limite pas à l’histoire proprement dite.

Un historien singulier

Inclassable, Veyne ne se connaissait ni maîtres ni élèves, mais seulement quelques amis : Georges Ville, dont il publia en 1981 la thèse sur les gladiateurs romains ; Michel Foucault, qui aimait accueillir chez lui à Paris ce provincial de quatre ans son cadet (Foucault, sa pensée, sa personne, 2008) ; et un « héros de toujours », son « voisin » provençal René Char, poète et résistant. Il avait su se créer une existence libre de se tourner exclusivement vers « l’intéressant », comme il le confie dans le livre d’entretiens (avec Catherine Darbo-Peschanski) Le Quotidien et l’intéressant, en 1995.

Direct et volubile, Veyne n’a pas fait mystère de sa carrière ni de sa vie privée, auxquelles il a consacré un ouvrage entier : Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas (2014). Il lui fallait endosser sans gêne une rare difformité congénitale du visage, leontiasisossea; rendre compte de sa passion pour l’Antiquité, depuis la découverte inopinée d’une pointe d’amphore sur les hauteurs de Cavaillon, et la lecture d’Homère ; dire sa honte d’avoir été fils de « collabos » (son père, négociant en vins, avait trouvé avantage à l’ordre imposé par l’occupant) ; affirmer son amour pour les femmes (il se maria trois fois) ; expliquer le devoir qu’il s’imposa, pour se racheter, malgré le danger, de soutenir clandestinement le FLN ou de se passionner tant pour l’alpinisme que pour la morale stoïcienne (il introduisit longuement l’œuvre de Sénèque) ; regretter d’être dépourvu de tout esprit religieux (une tare, à ses yeux, pour un historien, qui devrait pouvoir comprendre les faits de croyance autant du dedans que du dehors), mais noter avec soin ses quelques expériences d’extases et d’hallucinations ; enfin, relater comment il avait su, de succès en succès, conquérir le loisir nécessaire à la recherche.

Paul Veyne avait été admis à l’École normale de la rue d’Ulm en 1951. Il obtint l’agrégation de grammaire (1955), séjourna à l’École française de Rome (de 1955 à 1957), et enseigna à l’université d’Aix-en-Provence (à partir de 1961), puis au Collège de France (de 1975 à 1998) que lui avait ouvert Raymond Aron. Il passa enfin sa retraite à Bédoin, au pied du mont Ventoux, où il mourut le 29 septembre 2022.

Paul Veyne ne dit rien, en revanche, des distinctions et des médailles qu’il accumula.

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Écrit par

  • : directrice d'études émérite, École pratique des hautes études, Paris

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