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SÉRUSIER PAUL (1863-1927)

Sérusier, le « nabi à la barbe rutilante », selon la dénomination des nabis eux-mêmes, est avant tout, avec Maurice Denis, le théoricien et l'« intellectuel » du mouvement. Après des études brillantes il avait été massier à l'académie Julian, où il avait retrouvé Denis, Bonnard, Ranson, Ibels. En 1888, il se rend à Pont-Aven : Gauguin le convertit à la peinture « symboliste et synthétiste » et lui fait exécuter sous sa direction le Talisman, petit paysage peint au bois d'Amour sur le couvercle d'une boîte à cigares : « Comment voyez-vous cet arbre : il est bien vert ? Mettez donc du vert, le plus beau vert de votre palette ; et cette ombre, plutôt bleue ? Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. » Sérusier rapporte l'œuvre à ses amis : c'est bientôt la fondation du groupe des nabis (prophètes) qui comprendra également Vuillard et Roussel. « Esprit cultivé, raisonneur, à la fois logique et paradoxal », comme le décrit Maurice Denis, il constitue une doctrine à partir des idées de Gauguin, avec lequel il garde le contact au Pouldu en 1889-1890. L'influence de ce dernier est alors très sensible dans son œuvre, de même que celle du style et des thèmes d'Émile Bernard (Mélancolie, 1890). Par la suite, il ne fera qu'accentuer ses tendances littéraires, idéalistes et mystiques qu'appuient de nombreuses lectures, de Plotin au père Didier ou aux Grands Initiés de Schuré (Les Mystères d'Éleusis, 1895 env.). Ces recherches le rapprochent de M. Denis, avec lequel il fait un premier voyage en Italie en 1895, et l'orientent vers le décor de théâtre : il travaille pour L'Œuvre de Lugné-Poe. Sa peinture se dépouille progressivement et tend vers un archaïsme médiéval faussement naïf. Cette sévérité ne fait que se renforcer avec les visites qu'il fait en 1897 et en 1903 à son ancien élève, le père Verkade (1868-1946), retiré au monastère bénédictin de Beuron. Les théories mathématiques, celles du nombre d'or en particulier, tiennent une place croissante dans son œuvre et dans son enseignement à l'académie Ranson (à partir de 1908) : il les développera largement dans son ouvrage doctrinal l'ABC de la peinture publié en 1921 et réédité par M. Denis en 1942. Depuis 1914, il s'était installé définitivement en Bretagne ; il devait mourir à Morlaix. Citons encore M. Denis : « On peut discuter ses doctrines, ses partis pris, sa technique. Mais on doit admirer la conception élevée et rationnelle qu'il a de l'art. »

<it>Le Talisman, ou Paysage du bois d'Amour</it>, P. Sérusier - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Talisman, ou Paysage du bois d'Amour, P. Sérusier

<it>Ève bretonne ou Mélancolie</it>, P. Sérusier - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Ève bretonne ou Mélancolie, P. Sérusier

— Jean-Paul BOUILLON

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art moderne et contemporain à l'université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul BOUILLON. SÉRUSIER PAUL (1863-1927) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Talisman, ou Paysage du bois d'Amour</it>, P. Sérusier - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Talisman, ou Paysage du bois d'Amour, P. Sérusier

<it>Ève bretonne ou Mélancolie</it>, P. Sérusier - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Ève bretonne ou Mélancolie, P. Sérusier

Autres références

  • IMPRESSIONNISME

    • Écrit par Jean CASSOU
    • 9 484 mots
    • 32 médias
    ...volonté de style. Il est certain que le fameux « Talisman », ce couvercle de boîte de cigares barbouillé sous la direction de Gauguin, au bois d'Amour, par Sérusier et que celui-ci a apporté à ses amis de l'académie Julian comme les tables de la nouvelle loi, marque une orientation de la peinture dans des...
  • LACOMBE GEORGES (1868-1916)

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 311 mots

    Trois rencontres auront marqué la vie de Georges Lacombe : celles de Sérusier en 1892, de Gauguin un an plus tard, de Théo van Risselberghe en 1904. Lacombe adopta très vite les idées de Paul Sérusier et s'intégra aux nabis. Ses tableaux s'inspirent de la technique des teintes...

  • NABIS

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 3 183 mots
    • 5 médias

    Nabi (nebiim au pluriel) signifie prophète en hébreu. À la fin de l'année 1888, quelques très jeunes peintres, entraînés par l'aîné d'entre eux, Paul Sérusier, choisirent de se grouper sous ce terme quelque peu mystérieux, qui leur fut révélé par leur ami Auguste Cazalis. Sérusier,...

  • PONT-AVEN ÉCOLE DE

    • Écrit par Antoine TERRASSE
    • 1 006 mots
    • 1 média

    En mai 1886, à Paris, eut lieu la huitième et dernière exposition des impressionnistes : douze années s'étaient écoulées depuis leur première manifestation chez Nadar. Au sein du groupe, des divisions s'étaient opérées. Les uns, comme Monet, demeuraient attachés à une analyse fidèle de...

Voir aussi