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BISMARCK OTTO VON (1815-1898)

La fin de l'« homme fort »

Guillaume Ier était mort le 9 mars 1888, et son successeur, Frédéric III, avait prié Bismarck de conserver la chancellerie. Mais le nouveau souverain, atteint d'un cancer, meurt le 15 juin, laissant le trône à son fils Guillaume II. Le nouvel empereur a vingt-neuf ans, le chancelier soixante-treize. Leurs caractères ne tardent pas à se heurter. Impatient de régner, le jeune souverain supporte mal le poids de l'expérience du chancelier ; son entourage le pousse dans cette voie en critiquant l'autoritarisme du « ministre tout-puissant ». Diplomatie, politique sociale, attitude envers le socialisme, qui regagne des voix aux élections de 1890 : autant d'occasions de conflits inévitables. Les ministres prussiens ayant pris l'habitude d'exposer leurs projets à l'empereur sans en référer à Bismarck, celui-ci leur rappelle qu'une ordonnance de 1852 place les ministres sous le contrôle du ministre-président. De son côté, Guillaume II reproche à Bismarck d'avoir reçu chez lui Windthorst, chef du parti du centre, sans l'en avoir avisé – prétention que Bismarck rejette le 15 mars 1890, au cours d'une visite orageuse de l'empereur à la chancellerie. Le 18 mars, le chancelier rédige sa lettre de démission que Guillaume II accepte le 20.

Bismarck vivra encore huit ans, dans une retraite morose à Friedrichsruh. Il ne peut se résigner à son inactivité. Sa rancune envers son successeur Caprivi et d'autres ennemis s'exhale dans les interviews données à des journaux allemands ou étrangers (c'est alors qu'il révèle l'affaire de la dépêche d'Ems). Friedrichsruh devient un foyer d'opposition dont Guillaume II redoute les intrigues et leurs effets sur l'opinion publique. Un semblant de réconciliation entre l'empereur et l'ex-chancelier, en 1894, ne doit pas faire illusion. Et c'est dans la disgrâce et l'isolement grandissant que Bismarck s'éteint le 30 juillet 1898.

Député, ambassadeur, ministre, chancelier : mais quoi de l'homme ? Quelle est cette personnalité puissante qui a dominé l'Allemagne et l'Europe de son temps ?

S'il fallait définir d'un mot sa personnalité si complexe et parfois contradictoire, c'est assurément le terme de réaliste que l'on retiendrait : un homme sans préjugés, qui ne croit qu'à la force, mais appliquée où et quand il le faut. « Le plus beau pâté s'effondre, s'il est retiré trop tôt du feu », disait-il dans son style imagé. Réalisme qui lui a permis de marquer l'histoire de son temps d'une empreinte indélébile.

— Michel EUDE

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen

Classification

Pour citer cet article

Michel EUDE. BISMARCK OTTO VON (1815-1898) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Allemagne, 1870-1871 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Allemagne, 1870-1871

Le Prince Otto von Bismarck en uniforme, F.S. von Lenbach - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Le Prince Otto von Bismarck en uniforme, F.S. von Lenbach

Bismarck impose ses conditions - crédits : Ullstein Bild/ Ullstein Bild/ Getty Images

Bismarck impose ses conditions

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    ...l'œuvre du Parlement de 1848. En Prusse, libéraux et progressistes détiennent la majorité au Landtag et engagent la lutte contre le ministère, dont Bismarck prend la tête en 1862. Mais, précisément, la personnalité du futur chancelier pose aux libéraux un grave problème. Les hommes du Nationalverein...
  • BAVIÈRE (histoire)

    • Écrit par Universalis, Michel EUDE
    • 3 156 mots
    • 2 médias
    ...fédérale contre la Prusse. Battues à Kissingen le 4 juillet, ses troupes résistent encore le 26 juillet, deux jours avant la signature d'un armistice. Bismarck ménage la Bavière, ne lui impose que des cessions de territoires minimes, et conclut avec elle un traité d'alliance secret (22 août 1866)....
  • BUND

    • Écrit par François IGERSHEIM
    • 364 mots

    Mot allemand signifiant accord, contrat, et qui par extension désigne ceux qui sont liés : ligue, alliance, confédération. Le terme de Bund est au centre des controverses constitutionnelles allemandes du xixe siècle entre partisans de la Fédération (Bundesrat) et de la Confédération...

  • BERLIN CONFÉRENCE DE (1884-1885)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 221 mots
    • 1 média

    La conférence de Berlin, qui s'est tenue de novembre 1884 à février 1885, fut organisée par le chancelier Bismarck afin d'établir les règles qui devaient présider à la colonisation de l'Afrique. En effet, depuis 1880 environ, le mouvement des explorations était devenu franchement...

  • Afficher les 23 références

Voir aussi