Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DIX OTTO (1891-1969)

Depuis les années 1970, la renommée du peintre allemand Otto Dix a largement dépassé les frontières de son pays. Des rétrospectives à Milan, Paris, Madrid ont permis au public international de reconnaître en lui l'un des artistes les plus singuliers du xxe siècle.

La confrontation avec l'expressionnisme, le passage par Dada et par la Nouvelle Objectivité, où il joue un rôle capital, marquent autant d'étapes dans une œuvre qui se distingue par une critique féroce de la société. Face à la guerre ou aux turpitudes de la grande ville, le recours à la caricature devient le moyen de saisir le réel dans toute sa violence.

« DadaDix »

Otto Dix est né le 2 décembre 1891 dans une famille ouvrière de Gera, près de Dresde. Son père était mouleur dans une fonderie. Son intérêt pour l'art lui est venu, enfant, d'un cousin, Fritz Amann, peintre régionaliste auquel il rendait souvent visite dans son atelier. Après ses études primaires, il se tourna vers un apprentissage de peintre décorateur. Cet apprentissage terminé, il obtint à l'automne de 1909, grâce à son ancien instituteur, une bourse d'études pour l'École des arts décoratifs de Dresde, où il fut élève jusqu'en 1914.

De cette scolarité datent ses premières œuvres connues : dessins, aquarelles, quelques tableaux de petits formats. D'une manière vaguement impressionniste, Dix représente d'abord des paysages de Thuringe. En 1912, une exposition Van Gogh, à Dresde, est pour lui une révélation, qui l'incite à se rapprocher du mouvement sur lequel toute l'attention du milieu artistique est en train de se focaliser en Allemagne : l'expressionnisme.

Cette influence de Van Gogh l'oriente vers un maniement plus savant des couleurs, une recherche de contrastes et d'effets de lumière, la volonté de traduire subjectivement le dynamisme vital de la nature. Elle se conjugue à celle de Nietzsche, qui lui donne à imaginer le monde en fonction d'un système de violentes forces opposées : la Vie et la Mort, Éros et Thanatos. Par ailleurs, en 1912-1913, il décide de se concentrer sur des autoportraits. Travail toujours dans la filiation de Van Gogh, comme en 1913 un Autoportrait en fumeur, mais qui le pousse à approfondir aussi avec application le sens du « métier » légué par les maîtres allemands du xvie siècle.

La guerre va constituer pour lui une expérience déterminante. Engagé volontaire, il est envoyé sur le front français, puis russe. Des Flandres à la Somme, le voici plongé dans la boue des tranchées et confronté à ce qu'il nomme, dans un carnet de notes, « l'œuvre du diable ». Horrible destruction des hommes qu'il crayonne sur des cartes postales régulièrement expédiées à une amie, comme s'il assurait un reportage. En 1916, la galerie Arnold présente à Dresde une partie de ces dessins, où il décrit les épreuves quotidiennes des soldats.

Cette vision de désagrégation et de chaos annonce un tournant dans la construction de ses toiles. L'espace même du tableau vole en éclats. Dans sa désillusion et sa révolte, Dix entre en convergence avec le branle-bas de ceux qui, en Allemagne, se proclament dadaïstes. En 1920, John Heartfield et George Grosz l'invitent à participer à Berlin à la première foire internationale Dada. À son inauguration, le 25 juin, ses Invalides de guerre occupent tout un pan de mur. « DadaDix », ainsi que l'appellent ses amis, partage avec eux la pratique de la dérision et de la satire sociale. Adepte, comme eux, du collage, il intègre à ses compositions tous les matériaux possibles : journaux, tissus, photos, cheveux, tickets de bus. Démystification à la fois du « grand art » et des « héros de la guerre » (Les Joueurs de skat, 1920, Nationalgalerie, Berlin).

Quarante ans plus tard, il a expliqué qu'il s'en prenait aux conventions de[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Lionel RICHARD. DIX OTTO (1891-1969) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEMAGNE / ANNÉES 1920 / NOUVELLE OBJECTIVITÉ / AUGUST SANDER (exposition)

    • Écrit par Éric DARRAGON
    • 1 629 mots
    • 1 média
    ...Max Beckmann laisse peu présager de cette « objectivité transcendantale » qu’il appelait de ses vœux et qu’exprimera en 1934 Voyage sur lepoisson. Les toiles d’Otto Dix, en particulier le Portrait de la danseuse Anita Berber (1925), montrent à quel point le peintre était foncièrement, au cœur de son...
  • CENSURE (art)

    • Écrit par Julie VERLAINE
    • 2 631 mots
    • 4 médias
    ...ensuite du côté du fascisme. Le mouvement dada et les expressionnistes s'emploient, chacun à sa manière, à montrer l'horreur de la guerre. Otto Dix avec La Tranchée (1918) livre un cauchemar de sang, de chairs déchiquetées et de fumée, métonymie d'un monde en lambeaux : le musée...
  • LES DÉSASTRES DE LA GUERRE (exposition)

    • Écrit par Françoise COBLENCE
    • 1 093 mots
    • 1 média
    ...grands conflits du xxe siècle et les guerres de masse apparaissent les difficultés des artistes à montrer l’ampleur des destructions en temps réel. Otto Dix doit attendre l’après-Première Guerre mondiale pour sortir du cauchemar et tenter d’approcher l’atrocité de la vie quotidienne dans les tranchées,...
  • NOUVELLE OBJECTIVITÉ

    • Écrit par Lionel RICHARD
    • 2 146 mots
    ...Suisse, Niklaus Stoecklin, les trente-deux peintres retenus par lui étaient allemands. Pour la plupart, ils étaient assez bien connus : Max Beckmann, Otto Dix, George Grosz, Alexander Kanoldt, Carlo Mense, Georg Scholz, Georg Schrimpf, entre autres. En majorité, ils avaient été plus ou moins liés...

Voir aussi