NOMADISME
Évolution du nomadisme pastoral
La fixation des nomades
Aujourd'hui le nomadisme connaît, en revanche, une phase de recul et de régression. La sécurité revenue, la pacification du désert entraînent une dégradation de la situation sociale des nomades et, par voie de conséquence, de leur situation matérielle. Les esclaves se sont affranchis. Les razzias ne sont plus tolérées.
De plus, le déclin du commerce caravanier supprime des ressources. Les nomades se rapprochent des oasis ou des régions cultivables, et n'estiment plus déchoir en se consacrant à des activités agricoles.
À ces causes spontanées de déclin vient s'ajouter une volonté systématique des États sédentaires, aujourd'hui détenteurs de l'autorité, qui, notamment dans le Proche-Orient, voient dans le nomadisme un système humain périmé et voué à la disparition, même dans le désert. La fixation des nomades apparaît ainsi l'expression d'une revanche des citadins que la crainte des Bédouins avait longtemps confinés dans leurs murailles.
Les modalités de cette sédentarisation sont fort variées. Des mécanismes spontanés – fixation par appauvrissement de nomades ayant perdu leur cheptel ou par enrichissement de nomades disposant d'un excédent de bétail et achetant de la terre – ont alimenté, au cours des siècles, un courant permanent. La fixation peut être soit collective, sur initiative seigneuriale ou sous la pression administrative, soit individuelle, par infiltration dans la société sédentaire, généralement au niveau social le plus bas, de nomades détribalisés.
Ces processus jouent, avec une intensité très inégale, en fonction des conditions économiques et sociales locales, ainsi que de la politique des États. Le nomadisme pastoral est ainsi encore en progrès, en valeur numérique absolue sinon en valeur relative, sur toute la bordure méridionale du Sahara, de l'Atlantique à la mer Rouge. Le recul est, en revanche, rapide sur toute la bordure septentrionale, de l'Afrique du Nord au Proche-Orient et à l'Asie centrale, à l'exception de l'Afghanistan où la politique de la monarchie afghane, qui est l'expression des tribus nomades, les a favorisées jusqu'à une date récente et leur a largement ouvert depuis trois quarts de siècle les montagnes centrales du pays.
Le semi-nomadisme
En fait, cette évolution doit rester prudente. Le nomadisme montagnard de l'Asie sud-occidentale, en pays pourtant propice à l'agriculture pluviale, constitue cependant, dans le système agricole actuel, en l'absence de support fourrager permettant une vie pastorale stabilisée de type alpestre, le seul mode d'utilisation possible de toute la gamme des pâturages. On a pu montrer, dans le cas de l'Iran, que la fixation immédiate de tous les nomades du pays entraînerait un manque à gagner de l'ordre de 10 p. 100 du revenu agricole global. L'évolution doit être lente et passer autant que possible par l'intermédiaire du semi-nomadisme.
Ce genre de vie suppose l'existence d'habitations permanentes et d'une occupation non exclusivement pastorale à laquelle est consacrée une période définie de l'année. Au désert, les cultures de céréales dans les fonds d'oueds ou de dépressions et la possession des palmeraies attirent, à dates fixes, les nomades. Mais c'est surtout une évolution caractéristique des steppes marginales, où existent, calqués sur le nomadisme à grandes oscillations saisonnières, des semi-nomades à hivernage dans la zone désertique, ou à estivage en zone cultivable, selon l'emplacement de l'établissement fixe. On définit de même des variétés montagnardes : le semi-nomadisme direct et le semi-nomadisme inverse (habitats fixes respectivement dans les séjours d'hiver et d'été) ; il peut même exister des villages doubles, avec migrations multiples en fonction des nécessités des calendriers agricoles.[...]
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Écrit par
- Xavier de PLANHOL : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea
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Médias
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