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JUILLET MONARCHIE DE

La crise de 1846-1847 et la fin du régime

L'usure du système politique

Les élections d'août 1846, survenues après une période de prospérité, ont vu se diviser l'opinion en deux tendances : d'un côté, les conservateurs ministériels ont bénéficié de l'atout que représentait le développement des affaires aux yeux de la bourgeoisie de province et ont profité aussi des pressions administratives, si bien que ces candidats sont souvent des fonctionnaires ; d'un autre côté, les opposants sont souvent arrivés à former un bloc entre la gauche et des légitimistes. Pourtant deux cent quatre-vingt-onze ministériels sont élus, contre cent soixante-huit opposants de toutes nuances ; l'effort des légitimistes s'est soldé par un recul de leur représentation. Dans la nouvelle Chambre il y a cent quatre-vingt-huit fonctionnaires, pour la plupart ministériels. À Paris, on compte seulement deux ministériels élus sur douze députés ; plusieurs radicaux représentent la capitale, ce qui traduit un divorce lourd de menaces entre Paris et le ministère. La forte majorité ministérielle obtenue par Guizot aux élections de 1846 réduit l'opposition à la Chambre des députés, où tous les projets de réforme échouent (en mars 1847, les propositions de réforme électorale pour l'abaissement du cens présentées par Duvergier de Hauranne, de réforme parlementaire pour rendre les fonctionnaires inéligibles, par Charles de Remusat). L'opposition s'exprime alors davantage devant le pays et y provoque des passions plus violentes.

Les intérêts locaux ou personnels dominent de plus en plus les combinaisons électorales et parlementaires : le ministère, qui ne tient pas compte de l'opinion en dehors des Chambres (il a pourtant la grande majorité de la presse et de la députation de Paris contre lui), transforme la stabilité en immobilisme, toute réforme remettant en question la majorité ; sa longue durée exaspère les opposants, qui trouvent un appui éloquent auprès de Lamartine, tactique près de Thiers, et mécontente même plusieurs fractions du Parti conservateur (Louis Mathieu Molé, Émile de Girardin).

Le succès diplomatique dans l'affaire des mariages espagnols en 1846 a consacré la rupture de l'alliance avec l'Angleterre ; le rapprochement avec Metternich, dans l'affaire du Sonderbund, dans la reconnaissance de l'annexion de Cracovie, heurte l'opinion française qui dénonce comme antinationale et réactionnaire la diplomatie de Guizot. Une série de scandales en 1847 viennent déconsidérer les catégories dirigeantes, comme le procès pour concussion de deux anciens ministres, Jean-Baptiste Teste et Amédée de Cubières, l'assassinat, par le duc de Choiseul-Praslin, pair de France, de son épouse, fille du maréchal Sébastiani. Ces dénonciations, par une presse remettant en question le régime, atteignent une opinion que mécontente une grave crise économique.

Les difficultés économiques

Le gouvernement de Guizot avait rallié la majorité de la bourgeoisie en lui assurant la paix et la prospérité économique : « Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne », avait-il dit. Or une grave crise économique pèse d'abord sur l'agriculture en 1846 à la suite de mauvaises récoltes de céréales suivant une maladie de la pomme de terre ; les spéculations sur les blés ont réveillé l'antique peur de la disette et provoqué des troubles agraires au début de 1847 alors que la crise agricole se termine dès l'été ; l'importation de blé russe a facilité la soudure ; cette crise a fait diminuer la consommation de produits industriels et a provoqué du chômage surtout dans les industries textiles. Au printemps 1847, huit mille des treize mille ouvriers de Roubaix sont en chômage.

Mais cette crise industrielle et commerciale, en partie déclenchée par la crise[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux

Classification

Pour citer cet article

André Jean TUDESQ. JUILLET MONARCHIE DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Louis-Philippe - crédits : Hulton Royals Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Louis-Philippe

Abd el-Kader - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Abd el-Kader

<it>Monsieur Bertin</it>, J. D. A. Ingres - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

Monsieur Bertin, J. D. A. Ingres

Autres références

  • AVENIR L'

    • Écrit par Pierre ALBERT
    • 555 mots

    Quotidien parisien qui parut du 16 octobre 1830 au 15 novembre 1831. Après son départ du Drapeau blanc, Lamennais inspira le Mémorial catholique (janvier 1824-été de 1830) de l'abbé Gerbet et le premier Correspondant (1829-1831). La révolution de 1830 offrait à Lamennais et à ses...

  • BALTARD LOUIS-PIERRE (1764-1846) ET VICTOR (1805-1874)

    • Écrit par Universalis, Renée PLOUIN, Daniel RABREAU
    • 1 361 mots
    • 1 média

    Le nom Baltard est intimement lié aux Halles de Paris, dont Zola, au temps de leur opulence, a donné une magistrale description dans Le Ventre de Paris. Mais il y a Baltard et Baltard, le père et le fils, que l'on confond souvent. Le premier, Louis-Pierre Baltard, a effectué une importante carrière...

  • BARROT ODILON (1791-1873)

    • Écrit par Universalis
    • 282 mots

    Homme politique français, né le 19 juillet 1791 à Villefort (Lozère), mort le 6 août 1873 à Bougival.

    Monarchiste libéral, Camille Hyacinthe Odilon Barrot commence sa carrière en 1814 comme avocat à la Cour de cassation. Sa notoriété de défenseur des libéraux lui vaut d'être élu président de...

  • BERRYER PIERRE (1790-1868)

    • Écrit par André Jean TUDESQ
    • 634 mots

    Fils d'un avocat au parlement de Paris célèbre sous l'Empire, élève de Juilly, marié en 1811 à la fille d'un directeur de la marine et de la guerre, Berryer devint lui-même avocat. Royaliste dès l'époque impériale, il s'engagea dans les volontaires royaux en 1815, mais il assista son père et Dupin...

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Voir aussi