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MÉLANCOLIE

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En deçà de la psychose

C'est à ce point problématique que les recherches actuelles semblent s'arrêter, s'abritant, pour la plupart, derrière la solution stérile de l'étiquette psychotique. Mais appuyons-nous encore une fois sur la tradition philosophique – dont s'inspire également la psychanalyse existentielle avec Ludwig Binswanger et Hubertus Tellenbach – avec un penseur comme Kierkegaard, par exemple, qui n'a pas ménagé les références à sa propre mélancolie. Nous observons que c'est autour de la question du non-sens et de l'absurde, une fois résolue par la résignation ou par l'humour, que s'inscrit la mélancolie dans ce qu'elle révèle de savoir irréductible, plus communément de déjà su, de déjà vu et de déjà entendu. Le mélancolique ne serait-il pas le sujet qui sait déjà avant même l'avènement de la parole, et que l'horreur de ce savoir reléguerait éternellement au banc des accusés ? Et ce savoir ne serait-il pas relatif au statut même du sujet si, devant le miroir, l'illusion de l'image n'avait pas fonctionné et si l'enfant s'était trouvé ainsi devant l'erreur suprême du reflet dont il n'aurait compris que plus tard la vérité fatale ?

Faute d'un regard proche qui lui aurait signifié son contour, l'enfant n'a pu, à ce stade lacanien du miroir, ni tomber dans l'illusion de la ressemblance du double, ni assumer la vérité de l'erreur. Englouti dans la faille de l' identification originaire, le mélancolique se trouve condamné ou bien à errer en marge de ses frères ou bien à se raccrocher à des signes de reconnaissance qu'il aurait élus chez l'un d'eux. Aussi, lorsque ce référent est amené à disparaître, le mélancolique se trouve-t-il renvoyé au vide de son identité et au seul recours du cannibalisme archaïque. On comprend dès lors que la nosographie psychiatrique ne suffit pas à caractériser l'état mélancolique, à moins qu'on ne fasse du maintien de l'identité du sujet un stade d'apprentissage au sens de la psychologie classique ; or, la notion d'identité reste par définition fort précaire chez tout individu, ce qui, par ailleurs, explique la parenté de l'approche clinique de la mélancolie avec une approche philosophique. Comme maladie de l'identité, il resterait cependant, au-delà des études kleiniennes de la position dépressive de l'enfant, à tenter de spécifier cette faille du spéculaire, de manière à élaborer l'entité clinique de la mélancolie dont l'éventuelle structure risque d'occuper une position transversale par rapport à la nosographie classique.

— Marie-Claude LAMBOTTE

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Pour citer cet article

Marie-Claude LAMBOTTE. MÉLANCOLIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Mélancolie, E. Degas - crédits : AKG-images

Mélancolie, E. Degas

<em>La Mélancolie</em>, L. Cranach l’Ancien - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Mélancolie, L. Cranach l’Ancien

Autres références

  • MÉLANCOLIE. GÉNIE ET FOLIE EN OCCIDENT (exposition)

    • Écrit par
    • 905 mots

    Annoncée comme l'une des dernières expositions de Jean Clair, celle du moins qui couronnait sa carrière de directeur du musée Picasso à Paris, Mélancolie. Génie et folie en Occident, au Grand Palais du 13 octobre 2005 au 16 janvier 2006, condensait les thématiques de ses précédentes expositions....

  • L'ANATOMIE DE LA MÉLANCOLIE, Robert Burton - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 115 mots

    Somme d'érudition, d'intelligence et d'humour, L'Anatomie de la mélancolie a prêté à Robert Burton (1577-1640) la réputation, plus artificieuse que justifiée, d'un Montaigne anglais. Leur démarche est, en fait, parallèle et distincte, en ce sens que l'un se nourrit de son expérience...

  • BURTON ROBERT (1577-1640)

    • Écrit par
    • 691 mots

    Né à Lindley, dans le comté de Leicester, le 8 février 1577, Burton fit ses études à Oxford où il obtint une licence de théologie en 1614. Il devint pasteur en 1616 et obtint des bénéfices ecclésiastiques dans le Lincolnshire et le Leicestershire de 1624 à 1631. Burton consacra sa vie au travail et...

  • COTARD SYNDROME DE

    • Écrit par
    • 111 mots

    Délire de négation, décrit par Cotard en 1880. Le malade, après avoir développé des préoccupations hypocondriaques et des troubles cénesthésiques, sent ses organes se putréfier et se détruire. Puis il en nie l'existence et étend enfin sa négation au monde extérieur et à sa propre existence. N'étant...

  • DÉLIRE (histoire du concept)

    • Écrit par
    • 2 913 mots
    Les troubles de l'humeur peuvent également donner lieu à des manifestations délirantes. La mélancolie délirante est assez banale, avec sa douleur morale figée dans des thèmes de culpabilité centrifuge, parfois universelle, et ses réactions suicidaires d'autopunition. La manie elle-même...
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