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MARSILE DE PADOUE (1275 ou 1280-env. 1343)

Fils d'un « notaire » de l'université de Padoue, Marsile de Padoue (Marsilius Patavinus) appartient à un milieu de magistrats, d'obédience guelfe, qui a joué un rôle prépondérant dans la cité padouane au xiiie et au xive siècle. Pourtant, son appartenance attestée au parti gibelin le fait s'enrôler, dès ses années d'apprentissage, au service de l'empereur, par vicaires impériaux interposés, notamment ceux de Vérone et de Milan. Il se rend à Paris après avoir fait des études de droit et de médecine ; il est recteur de l'université de Paris en 1313. C'est là qu'il se lie d'amitié avec Jean de Jandun, l'un des représentants les plus notoires du courant de l'aristotélisme hétérodoxe. Magister artium, il correspond avec Pietro d'Abano, connu aussi pour ses attaches avec l'averroïsme latin. Réfugié à la cour de l'empereur Louis de Bavière après la publication du Défenseur de la paix (Defensor pacis) en 1324, il est excommunié par Jean XXII ; à Munich, il rivalise de zèle avec les franciscains « spirituels » (réfugiés eux aussi à la suite de la querelle de la pauvreté méritoire) pour garder le premier rang au titre de conseiller de l'empereur.

On a trop longtemps considéré Marsile comme l'auteur d'un seul livre, le Defensor pacis qui fit grand bruit à sa parution et exerça une influence majeure durant le Grand Schisme, fournissant des arguments au gallicanisme naissant et inspirant nombre de courants qui devaient aboutir à la Réforme. Néanmoins, ses œuvres mineures manifestent qu'il continua, à la cour, un combat d'idéologue de la cause impériale, en butte à la doctrine de la plénitude de puissance pontificale (plenitudo postestatis), luttant à la fois contre l'ennemi extérieur (les partisans de la suprématie pontificale) et les adversaires de l'intérieur, notamment Guillaume d'Ockham, dont les doctrines politiques, pour être au service de la même cause, diffèrent notablement de celles de son « frère » d'exil.

Contre la doctrine théocratique, revendiquant pour la papauté une domination universelle, dans le domaine spirituel et dans le domaine temporel, Marsile de Padoue tente de restaurer l'autonomie de l'Empire et son indépendance. L'autorité spirituelle de la papauté, unanimement reconnue à l'intérieur de la respublica christiana, son enracinement historique depuis Charlemagne rendaient possible aux partisans de la théocratie l'affirmation d'un droit de regard et d'intervention sur les pouvoirs temporels, singulièrement sur l'Empire, dont le pape était considéré comme le chef spirituel, l'empereur devant rester cantonné dans son rôle d'« avoué » de l'Église.

L'analyse marsilienne du pouvoir politique se déroule dès lors sur deux plans : le premier, celui d'une analyse théorique des fondements de ce pouvoir, le second, celui de sa relation à l'Écriture sainte, qui s'ouvre sur des perspectives ecclésiologiques qui vont culminer dans l'élaboration de la doctrine conciliaire. À ces deux niveaux, Marsile est un précurseur : c'est tout le rapport entre l'Église et l'État, entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, qu'il pose en termes nouveaux dans son œuvre.

S'inspirant des thèses de la Politique d'Aristote, Marsile définit la communauté civile comme civitas ou regnum, c'est-à-dire comme la forme la plus parfaite et la plus achevée de l'organisation politique. À la suite des commentateurs d'Aristote, il s'interroge sur les fondements du pouvoir politique. Sa réponse est originale ; c'est la doctrine du legislator humanus : « Le législateur [...] est le peuple ou l'assemblée des citoyens, ou sa partie prépondérante, par le moyen de leur vote ou l'expression de leur volonté[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur ès lettres, professeur et directeur du département de philosophie à l'université de Paris XII-Créteil

Classification

Pour citer cet article

Jeannine QUILLET. MARSILE DE PADOUE (1275 ou 1280-env. 1343) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

Voir aussi