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ENFANCE, Maxime Gorki Fiche de lecture

Gorki - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Gorki

Enfance (1913) est le premier volet de la trilogie autobiographique de Gorki (1868-1936), poursuivie avec En gagnant mon pain (1916) et Mes Universités (1923). Déjà célèbre pour ses Récits et croquis (1898), ses pièces de théâtre (Les Bas-Fonds, 1903), ses romans (La Mère, 1907) et d'autres œuvres sur la province russe nourries des impressions et des expériences de jeunesse, Gorki écrivit Enfance à Capri, où il vécut comme réfugié politique de 1906 à 1913.

Violence et lumière

Enfance s'ouvre par la mort du père, Maxime Pechkov, ébéniste puis agent d'une compagnie fluviale, victime du choléra en 1871 à Astrakhan, et se termine par la mort de la mère, Varvara Kachirina, en 1879. Entre ces deux événements, le livre montre une suite d'« empreintes », de scènes qui ont frappé le jeune Alexis Pechkov (Gorki – l'Amer – étant le nom de plume, choisi en 1892) : recueilli à Nijni-Novgorod par les parents de sa mère, qui se remariera bientôt, l'enfant découvre en témoin et en victime un monde de haine, de cruauté, dominé par le grand-père, tyran familial, patron d'une entreprise artisanale de teinturerie, en lutte avec ses deux fils qui réclament leur part d'héritage. Les scènes les plus saisissantes de cet éveil au monde sont la première volée de verges administrée pour une bêtise par le grand-père (« comme si on l'eût écorché, mon cœur devint extraordinairement sensible à la moindre offense, à la moindre souffrance, que ce fût la mienne ou celle des autres »), l'incendie de l'atelier, la ronde des morts et des naissances, les réactions de l'enfant aux injustices – polissonneries, mais aussi coup de couteau porté au beau-père qui brutalisait sa mère –, les débuts à l'école primaire, l'évocation de la bande de jeunes voleurs et de chiffonniers, grâce à laquelle l'enfant vient en aide à sa grand-mère, quand le grand-père ruiné retombe dans l'avarice.

Tout n'est pas sombre, cependant, dans le tableau que brosse l'écrivain. La grand-mère, Akoulina, est un rayon de lumière dans ce royaume des ténèbres, au point que Gorki pensa un moment intituler son livre Grand-Mère. Elle est « l'être le plus proche et le plus cher », l'incarnation de la Russie populaire, avec son parler pittoresque et chantant, son trésor de contes, de légendes, de chants (certains figurent dans le livre), qui seront toujours pour Gorki un élément essentiel du patrimoine culturel de la Russie : « Grand-mère était longue à s'endormir ; les mains croisées sous la tête, elle s'animait et, sans se préoccuper d'être écoutée ou non, racontait quelque histoire. Mais elle avait l'art de choisir toujours le conte qui rendait la nuit plus significative et plus belle encore. » Il y a surtout sa foi en un Dieu familier et miséricordieux, présent dans toute la création, qui s'oppose au « Dieu de grand-père », sévère et lointain, objet de prières ritualistes : ce « Dieu de grand-mère », « ami de tout le vivant », était « ce qu'il y avait de meilleur et de plus radieux dans le monde qui m'entourait ». Cette divinité dédoublée représente les deux âmes de la Russie, à la fois cruelle et miséricordieuse, servile et libre, et les « deux âmes » de Gorki lui-même, partagé entre le cœur et la raison, la dissidence et la violence étatique. L'écrivain hérite de sa grand-mère à la fois la sensibilité et la force : « Son amour désintéressé du monde m'enrichit et m'insuffla une force invincible pour les jours difficiles. » Non que cette « sainte » fût sans faiblesses. Seulement, pour Gorki, le bien et le mal sont mêlés en chaque être : le grand-père lui-même, malgré ses colères, initie son petit-fils à la lecture et lui donne un exemple de force de caractère et d'opiniâtreté. Ainsi, ce sont les caractères ([...]

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Écrit par

  • : professeur de langues et littératures slaves à l'université de Caen

Classification

Pour citer cet article

Michel NIQUEUX. ENFANCE, Maxime Gorki - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Gorki - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Gorki

Autres références

  • GORKI MAXIME (1868-1936)

    • Écrit par Michel NIQUEUX
    • 2 718 mots
    • 2 médias
    ...1879, l'enfant est recueilli par son grand-père maternel, doyen de la corporation des teinturiers de Nijni-Novgorod et despote familial bientôt ruiné. En 1913, Gorki évoquera dans Enfance le premier volume de sa trilogie autobiographique, les « empreintes » qui le marquèrent à jamais et ancrèrent en...

Voir aussi