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MANDCHOUS

Membres du groupe toungouso-mandchou (sous-groupe des Tungus méridionaux) les Mandchous (Manchu ou Manču) sont localisés principalement en Mandchourie (ou, pour adopter la terminologie moderne, dans la Chine du Nord-Est) ainsi que, sporadiquement, en diverses provinces de la Chine proprement dite et en Mongolie-Intérieure. Complètement sinisés, ils ont, à quelques exceptions près, oublié leur langue. Leur passé a pourtant été si glorieux que cet effacement total de la scène de l'histoire peut surprendre : il faut y voir un effet de la puissance d'assimilation de la civilisation chinoise. Le premier peuple protomandchou à faire parler de lui est celui des Jürčen qui, au xiie siècle, dominent en Chine du Nord (dynastie Jin). Leur langue, un dialecte de l'ancien mandchou, était encore en usage au xviie siècle, mais il nous en reste bien peu de chose — tout juste quelques bribes notées dans une mystérieuse écriture dérivée des caractères chinois, ou en transcriptions phonétiques chinoises.

Puyi, le dernier empereur - crédits : Hulton Archive/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Puyi, le dernier empereur

À la fin du xvie siècle, Nurhači (1559-1626), chef de la famille Aisin Gioro du peuple dit Jürčen de Jianzhou, c'est-à-dire les futurs Mandchous (en fait, ce ne sont pas les vrais descendants des Jürčen du xiie siècle), commence à unifier de proche en proche sous son autorité les tribus qui l'entourent, ainsi que le fit Gengis khān à ses débuts, et, comme lui, il soude ses conquêtes par une solide organisation à la fois militaire, politique, sociale et économique, capable de s'étendre à l'ensemble d'un empire : dès 1615, le système des Huit Bannières (baqi) est mis en place ; l'année suivante, le nom dynastique de Jin est emprunté à la dynastie du xiie siècle, et le trône de Chine, qui tombera en 1644, est revendiqué. C'est Abahai (1592-1643), le fils de Nurhači, qui, se proclamant empereur, change en 1636 le nom de son peuple en « Mandchou » (chin. Manzu) et prend le nom dynastique chinois de Qing. Évincés en 1912 par la République (le dernier empereur, Puyi, reviendra comme chef puis empereur du fugace Manzhouguo de 1932 à 1945), les Qing avaient, aux xviie et xviiie siècles, porté loin à travers le continent asiatique la gloire de la Chine et élevé à un très haut niveau les recherches confucéennes. Malgré la profondeur de leur culture chinoise, les empereurs mandchous avaient cherché par tous les moyens à protéger l'identité culturelle de leur ethnie. Mais en vain. La colonisation, bien qu'interdite en théorie dans les régions mandchoues, s'était développée à un point tel qu'à la fin du xixe siècle, sur quatorze millions d'habitants recensés en Mandchourie (Jehol exclu), 80 p. 100 étaient chinois. L'aristocratie, incorporée dans le système mandarinal, s'était sinisée, tandis que le peuple resté dans ses terres d'origine, forestières et montagneuses, avec un mode de vie très primitif (chasse, pêche, comme les Tungus de Sibérie, agriculture rudimentaire, religion chamanique), se fondait dans la masse des paysans chinois immigrés, qui lui apportaient, d'une façon toute relative, la civilisation.

C'est ainsi que le mandchou est devenu, vers le milieu du xixe siècle, une langue littéraire sortie de l'usage parlé (la langue standard, perfectionnée par les empereurs lettrés Kangxi [règne 1661-1722] et Qianlong [règne 1736-1796], ayant d'ailleurs un caractère artificiel, qui la coupait de la réalité). De nos jours, on ne connaît plus qu'un dialecte mandchou encore vivant : le xibo, utilisé par 21 000 personnes environ, dans le Xinjiang (région de Kulja) où leurs ancêtres s'étaient installés dans la seconde moitié du xviiie siècle, après la disparition des Mongols occidentaux. Il faut citer aussi le cas des Solon, quelques milliers d'individus établis dans le nord-ouest et le nord-est de la Mandchourie,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)

Classification

Pour citer cet article

Françoise AUBIN. MANDCHOUS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Puyi, le dernier empereur - crédits : Hulton Archive/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Puyi, le dernier empereur

Autres références

  • ČAKHAR ou TCHAKHAR

    • Écrit par Françoise AUBIN
    • 801 mots

    Principale tribu des grands khans mongols du xvie siècle, les Čakhar (ou Tchakhar ou Chakhar) sont les descendants de Gengis Khan. Au début du xviie siècle, leur souverain, le grand khan Ligdan Khan (ou Legdan Khan, ou Lingdan Khan), dont le règne se situe entre 1604 et 1634, tente de...

  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par Jean CHESNEAUX, Jacques GERNET
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    Les circonstances de la conquête de la Chine par les Mandchous sont bien connues et révèlent que cette conquête est venue mettre un terme à une crise sociale et économique si profonde qu'elle devait, dans tous les cas, amener la chute de la dynastie des Ming. Les zones de rébellion, nées des difficultés...
  • LA CITÉ INTERDITE. VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE DES EMPEREURS DE CHINE, 1644-1911 (exposition)

    • Écrit par Anne CHAYET
    • 1 233 mots

    Organisée au musée du Petit Palais à Paris (9 novembre 1996-23 février 1997), l'expositionLa Cité interdite. Vie publique et privée des empereurs de Chine (1644-1911) propose une présentation somptueuse, mais peut-être conventionnelle, d'un choix d'objets provenant de l'ancien palais...

  • DYNASTIE QING

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 222 mots

    Les Jurchen, descendants lointains des tribus qui avaient fondé au xiie siècle l'Empire des Jin dans les territoires du Nord-Est et en Chine du Nord, prennent en 1635 le nom de Mandchous (Manzhou) et, l'année suivante, leur souverain, Abahai, change le titre dynastique de Jin en Daqing (grands...

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Voir aussi