ZODIACALE LUMIÈRE
En l'absence de lumière parasite – crépusculaire, lunaire et artificielle –, un fuseau lumineux approximativement axé sur l'écliptique est visible au début ou à la fin de la nuit, surtout quand la latitude et la saison sont telles que l'angle écliptique-horizon est grand. On trouve peu de traces d'observations assidues de cette lueur avant celles qui furent effectuées entre 1683 et 1693 par Jean-Dominique Cassini, qui l'attribua à un nuage lenticulaire de matière diffuse entourant le Soleil. Diverses observations ayant montré que l'éclat décroissant du fuseau pouvait parfois être suivi jusqu'à 900 et davantage d'élongation solaire, il devint clair pour Jean Jacques d'Ortous de Mairan (1733) que le nuage zodiacal englobe nécessairement l'orbite terrestre. On constata au xixe siècle que la lueur peut, dans des conditions et pour des vues exceptionnelles, se distinguer très faiblement tout au long de l'écliptique (bande zodiacale) et qu'elle présente un léger renforcement à l'opposé du Soleil, la lueur antisolaire, ou Gegenschein.
Des controverses, dont plusieurs restent ouvertes, apparurent bientôt : sur la variabilité de la lumière zodiacale d'une nuit ou d'une saison à l'autre, et d'une phase à l'autre du cycle solaire ; sur le spectre et la polarisation de la lueur ; et, naturellement, sur la distribution spatiale, le calibre, la dynamique, la nature physico-chimique, l'origine et l'évolution des grains de poussière et/ou des corpuscules qui diffusent ainsi la lumière solaire. La faiblesse de cette diffusion, dès qu'on s'écarte angulairement du Soleil et de l'écliptique, limita longtemps les progrès. Si des études photopolarimétriques correctes des régions relativement brillantes ont pu être faites visuellement dès 1874 par Arthur W. Wright et photographiquement dès 1928 (Jean Dufay), l'incertitude était encore grande dans les années 1960 sur les régions de latitude écliptique forte ou moyenne.
Depuis lors, l'élaboration de méthodes enfin cohérentes pour extraire la lumière zodiacale des autres composantes du ciel nocturne, ainsi que la continuité et l'homogénéité de certains programmes d'observation au sol ont beaucoup amélioré la situation. Y ont largement contribué aussi : le perfectionnement des récepteurs ; les avantages des ballons, des fusées et des satellites pour s'affranchir des émissions et extinctions atmosphériques, et ceux des sondes spatiales, pour se libérer du « carcan circumterrestre » en embarquant des photopolarimètres – hélas minuscules – beaucoup plus près ou plus loin du Soleil. Depuis 1983, grâce notamment au satellite Iras (Infrared Astronomy Satellite), la connaissance de l'émission thermique des grains interplanétaires est venue compléter celle de la lumière solaire qu'ils diffusent ; il s'agit là d'une avancée majeure.
Un aspect nouveau de l'importance des observations de la lumière zodiacale réside dans le fait que, en tant que bruit, cette source interpose un « voile » devant les objets lointains. Sévissant dans toutes les directions, quoique très inégalement, et dans l'infrarouge comme dans le domaine visible, le bruit zodiacal peut dégrader notablement les signaux faibles ; pour la meilleure détection de ces derniers par les télescopes spatiaux, comme Hubble, on doit en tenir grand compte.
Motifs d'intérêt, comme signal ou comme bruit
Historiquement, le nuage interplanétaire a toujours bénéficié d'un intérêt lié aux interrogations sur la formation et l'évolution du système solaire. Au milieu du xixe siècle, la théorie de Robert Mayer n'attribuait rien moins que l'entretien de l'énergie solaire aux impacts de matière météoritique. Actuellement, le problème le plus ardu est celui du bilan évolutif entre les apports cométaires ou astéroïdaux et divers processus d'appauvrissement (effet Poynting-Robertson, qui fait décrire aux grains des spirales en direction du Soleil) ou de fractionnement (bombardement corpusculaire du vent solaire, collisions mutuelles). Bien que ces mécanismes soient théoriquement trop actifs pour que le nuage zodiacal contienne encore beaucoup de vestiges non altérés de la nébuleuse protosolaire, ce nuage peut nous apprendre beaucoup, au moins indirectement, sur la composition primitive du système solaire. Si, en effet, la matière interplanétaire est surtout de la matière cométaire éparpillée par le Soleil autour de lui, l'étude de cette dernière s'en trouve facilitée, ne serait-ce que parce qu'on peut l'observer en permanence et dans toutes les directions. L'intérêt particulier porté à la matière cométaire, en tant que témoin probablement bien conservé du système solaire en formation, rejaillit donc logiquement sur la matière interplanétaire. Or l'origine cométaire du nuage zodiacal, depuis longtemps vraisemblable, l'est davantage encore depuis que fonctions de phase et courbes de polarisation des grains cométaires et interplanétaires, de moins en moins mal connues, laissent apparaître leurs ressemblances (R. H. Giese, 1980 ; A.-C. Levasseur-Regourd et al., 1990).
D'un point de vue tout différent (et que ne pressentaient même pas, dans les années 1970, les photométristes qui en découvraient l'étendue et en dessinaient la carte), le « voile zodiacal », qui recouvre tout le ciel, est l'un des principaux obstacles que rencontrent, sur le plan du rapport signal/bruit, les ambitions de l'astronomie moderne à détecter des astres très faibles, notamment extragalactiques. À titre d'exemple, le télescope spatial Hubble a pour cibles, avec ses récepteurs les plus sensibles, des objets dont la magnitude va jusqu'à 28 ou 29. Or la brillance d'origine interplanétaire, moyennée sur tout le ciel à plus de 300 du Soleil, équivaut à deux cents étoiles de magnitude 28 dans un champ d'une seconde d'angle carrée.
Pour les sources ponctuelles, la petitesse du pixel, souvent inférieur à cette surface, intervient certes pour réduire l'importance relative du bruit ; mais une limite incontournable est celle qui est due à la diffraction, car, dans la tache d'Airy d'un miroir d'une ouverture de 240 centimètres, idéalement stigmatique, tache dont la surface est de 0,01 seconde d'angle carrée environ aux longueurs d'onde du visible, le bruit zodiacal moyen reste donc de deux étoiles de magnitude 28. Sans compter qu'en sus de ce minimum théorique toute imperfection de l'optique, en étalant les images, dégrade d'autant le rapport signal/bruit d'origine zodiacale.
Il est donc évident qu'une bonne connaissance de la distribution céleste de la brillance zodiacale est requise si l'on veut minimiser les seuils qu'elle impose aux performances des grands télescopes spatiaux. Le Space Telescope Science Institute recommande aux utilisateurs qui s'intéressent aux sources faibles de déterminer le bruit zodiacal d'après la cartographie photométrique obtenue à Ténériffe par R. Dumont et F. Sánchez, révisée par A.-C. Levasseur-Regourd et R. Dumont (1980). Le fait que les isophotes de la figure, qui sont tirées de ce travail, suivent le mouvement apparent du Soleil, implique qu'une optimisation du rapport signal/bruit passe par un bon choix de la saison d'observation, pour une cible donnée.
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Écrit par
- René DUMONT : astronome de 1er échelon honoraire à l'Observatoire de Bordeaux. lauréat de l'Institut
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