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BEETHOVEN LUDWIG VAN (1770-1827)

Composition et sincérité

La condition d'une telle recherche, c'est qu'elle sache se refuser à toutes les sollicitations qui ne la favorisent pas. Ce n'est pas par raideur congénitale, c'est par nécessité organique que Beethoven écarte tout ce qui le détournerait de son chemin. Lui, si habile dans sa jeunesse à exprimer le caractère des autres ou à contrefaire le jeu et la manière de ses rivaux, à mesure qu'il prend conscience de sa propre tâche et qu'il décide de la mener à bien, devient de plus en plus rétif à l'idée de traiter un sujet étranger à son cœur.

Beaucoup plus extraverti, beaucoup moins occupé d'exprimer sa vie, le génie de Mozart fait contraste ici, par sa plasticité merveilleuse, avec celui de Beethoven. Il se plie sans effort à la variété des commandes et à la diversité des livrets. Peut-être même est-il secrètement reconnaissant de cette multiplicité qui lui permet de réaliser tant de virtualités musicales qu'il devine en lui. La musique est pour Mozart la justification suprême. Beethoven, lui, consacre sa vie à la musique, il aime passionnément son art. Mais Beethoven existe avant d'être musique. Il est d'abord lui-même, et c'est pour exister davantage qu'il crée son œuvre. Ses Stimmungen n'existent pas pour devenir de la musique, c'est la musique qui existe pour exprimer ses Stimmungen. L'art n'est pas une fin en soi, il est au service de l'existence.

La conséquence de cette manière de concevoir l'œuvre musicale, qui est de plus en plus celle de Beethoven, se déduit facilement. Alors que la musique de Mozart est essentiellement théâtrale, la musique de Beethoven est essentiellement lyrique. Quand nous nommons aujourd'hui Beethoven, nous pensons spontanément aux neuf symphonies, aux sonates pour piano, aux quatuors. Nous ne réalisons plus d'emblée à quel point la proportion des différents genres qui caractérisent l'œuvre de Beethoven est exceptionnelle à son époque. Haydn seul lui fraye la voie dans cette direction, et encore couronne-t-il sa carrière par deux oratorios. Mais tous les autres musiciens les plus célèbres du temps, de Gluck et de Mozart à Weber et à Rossini, sont précisément célèbres d'abord ou essentiellement comme auteurs d'opéras. Au fond de lui, Beethoven a conscience de son originalité : « C'est la symphonie où je suis dans mon élément à moi. Quand j'entends quelque chose en moi, c'est toujours le grand orchestre. » Or ce choix, non pas exclusif, mais préférentiel, de la musique instrumentale est dicté à Beethoven par le caractère de lyrisme personnel qu'il donne à son œuvre. Le texte d'un chant apporte encore avec lui un sens conceptuel, même vague, une référence à l'extérieur. Beethoven préférera confier aux seuls instruments la tâche d'exprimer avec une sécurité totale son univers intime. C'est pourquoi l'Hymne à la joie sera exposé par l'orchestre seul avant d'être repris par les voix.

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Pour citer cet article

Brigitte MASSIN et Jean MASSIN. BEETHOVEN LUDWIG VAN (1770-1827) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Beethoven - crédits : Rischgitz/ Getty Images

Beethoven

Ludwig van Beethoven - crédits : A. Dagli Orti/ DeAgostini/ Getty Images

Ludwig van Beethoven

<it>Fidelio</it> représenté à Londres, 1956 - crédits : Denis De Marney/ Getty Images

Fidelio représenté à Londres, 1956

Autres références

  • FIDELIO (L. van Beethoven)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 817 mots
    • 1 média

    Unique opéra de Ludwig van Beethoven, Fidelio connut une genèse difficile, qui explique peut-être qu'en dépit de ses traits de génie, certains, mettant en doute le sens dramatique du compositeur, le jugent imparfaitement réussi. Le livret est une traduction et une adaptation par Joseph von Sonnleithner...

  • MORT DE BEETHOVEN

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 226 mots

    Le 26 mars 1827, Ludwig van Beethoven meurt à Vienne. Considéré par certains comme le premier des romantiques, par d'autres – de culture germanique – comme un musicien intemporel, une sorte de préromantique dont l'impact s'étend bien au-delà de son temps, Beethoven occupe dans l'histoire de la ...

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...particulièrement instructif de ces arrangements dans lesquels la lettre du texte est modifiée pour que l'esprit en reste immuable est celui, fait par Beethoven lui-même, de la Sonate pour piano en mi majeur, op. 14 no 1 pour quatuor à cordes. Un exemple célèbre d'arrangement (orchestration) extrêmement...
  • ARRAU CLAUDIO (1903-1991)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 930 mots
    • 1 média

    Un des derniers représentants de la tradition lisztienne, le pianiste américain d'origine chilienne Claudio Arrau naît à Chillán, au Chili, le 6 février 1903 ; sa mère lui donne les bases de sa formation musicale avant de le confier à un professeur du nom de Paoli. Dès l'âge de cinq ans, il commence...

  • BACKHAUS WILHELM (1884-1969)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 929 mots
    • 2 médias
    Parmi ses grands enregistrements figure une intégrale des trente-deux sonates pour piano de Beethoven, réalisée pour Decca (1950-1954) et considérée comme une des plus équilibrées en dépit de son caractère souvent austère. Sa gravure des cinq concertos pour piano de Beethoven avec l'Orchestre philharmonique...
  • BARENBOIM DANIEL (1942- )

    • Écrit par Jean-Luc MACIA
    • 1 784 mots
    • 1 média
    ...carrière de soliste, jouant des concertos sous la direction de Josef Krips et de Leopold Stokowski, donnant des récitals dans plusieurs capitales mondiales. Dès 1960, il interprète en public l'intégrale des sonates de Beethoven tout en amorçant une carrière de chef d'orchestre, métier qui l'attire tout particulièrement....
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Voir aussi