Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LETTRISME

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Une poétique de la création

L'année 1956 marque une rupture dans les créations de ces artistes et chercheurs, qui se tournent vers le versant imaginaire de l'art, en pensant que tout ou presque a été tenté dans le réel. Dans l'art « infinitésimal » (terme inspiré des mathématiques de Leibniz) ou « imaginaire », l'objet proposé est pré-texte à une notation qui permet d'imaginer des sphères mentales infinies selon les vœux de l'auteur initial de l'œuvre. « La découverte du domaine infinitésimal de l'art décuple les pouvoirs des expressions en douant celles-ci d'inédits terrains à explorer » (Isou). Cet élargissement s'avère vite insuffisant puisque dès 1960, Isou explore les dimensions temporelles en créant la « structure supertemporelle », un cadre vierge où les membres autrefois passifs du public sont invités à participer pratiquement à l'œuvre, pendant une durée donnée ou illimitée – c'est-à-dire « jusqu'à la nuit des temps ». Ces manifestations marquent d'autant plus leur époque qu'elles sont contemporaines de l'art conceptuel et du happening, désormais reconnus sur la scène internationale.

Le mouvement lettriste fait alterner des périodes d'intense activité artistique (écrits théoriques, manifestations dans les musées ou dans les galeries...) et des moments d'action « sur le terrain » qui prennent leur source dans un écrit commencé en 1949 et à travers lequel Isou redéfinit les secteurs actifs et révolutionnaires de la population. Il s'agit de l'Économie nucléaire ou Soulèvement de la jeunesse qui oppose à un noyau dur d'« internes » une masse d'électrons plus flexibles et très ambitieux, gravitant autour de ce noyau – les « externes ». Les premiers sont des « assis-possédants » qui accomplissent des activités sclérosées pour maintenir à leur service le circuit économique auquel ils participent ; les seconds sont plutôt jeunes – au moins d'esprit – ouverts à toutes les inventions, mais sans aucun bien personnel, ce qui nourrit leur révolte. Une lutte entre ces deux masses peut se solder soit par la « créativité pure » – des aides aux externes inventifs qui pourront ainsi innover –, soit par la « créativité détournée » – révoltes, révolutions ou guerres. Le mouvement lettriste s'est présenté plusieurs fois à des élections nationales pour soutenir la jeunesse, source vive du développement des sociétés.

Longtemps seul groupe structuré sur la scène culturelle – Isou a également tenté de bouleverser les mathématiques, la chimie, la physique, la médecine, la technique... –, le lettrisme a représenté pendant de longues années une avant-garde artistique importante de la seconde moitié du xxe siècle.

— Frédérique DEVAUX

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : enseignante à l'université de Paris-VII et à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, écrivaine

Classification

Pour citer cet article

Frédérique DEVAUX. LETTRISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'avant-garde

    • Écrit par
    • 11 954 mots
    • 3 médias
    Un mouvement artistique pluridisciplinaire voit le jour en France dès l’après-guerre : le lettrisme, pratiqué essentiellement par Isidore Isou et Maurice Lemaître (mais auquel ont aussi appartenu Gabriel Pomerand, Gil J. Wolman, Guy Debord, Roland Sabatier ou Frédérique Devaux), qui anticipe nettement...
  • DUFRÊNE FRANÇOIS (1930-1982)

    • Écrit par
    • 894 mots

    « Anarchiste discipliné », comme l'a surnommé Bernard Heidsieck, François Dufrêne fut « le premier au monde, en tant que poète », en 1953, à utiliser le magnétophone comme « stylo vocal » pour enregistrer directement des poèmes phonétiques : les « crirythmes ». La spontanéité d'improvisation...

  • ILIAZD (1894-1975)

    • Écrit par
    • 944 mots

    Iliazd, de son vrai nom Ilia Mikhaïlovitch Zdanevitch, connu comme éditeur de bibliophilie, mais aussi comme poète et critique d'art, est né le 21 mars 1894 à Tiflis, dans une famille mixte polonaise et géorgienne de russification récente. Ces origines complexes et son enfance à Tiflis, cité cosmopolite...

  • ISOU ISIDORE GOLDSTEIN dit ISIDORE (1925-2007)

    • Écrit par
    • 1 026 mots

    Jean Isidore Isou Goldstein, dit Isidore Isou, est né à Botosani (Roumanie) en janvier 1925. Dans Agrégation d'un Nom et d'un Messie (1947), il retrace son initiation spirituelle à travers les livres et l'évocation de différents maîtres. Ces années d'apprentissage le conduiront, écrit-il,...