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ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)

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De la théorie à la pratique

Palazzo Rucellai, Florence - crédits : K & B News Foto, Florence,  Bridgeman Images

Palazzo Rucellai, Florence

L'œuvre construite est peu importante en quantité. Alberti, homme de cabinet, ne fut pas présent sur les chantiers, comme le révèle par exemple la lettre dans laquelle il donne des instructions très précises à Matteo de' Pasti, chargé de l'exécution de San Francesco à Rimini. Dans d'autres cas, son intervention n'est pas prouvée. On lui attribue généralement la paternité du palais Rucellai, à Florence. Le palais fut construit en deux étapes par Bernardo Rossellino (1448-1455, apr. 1457 et av. 1469), mais l'humaniste est vraisemblablement l'inspirateur d'une façade qui présente pour la première fois trois niveaux de pilastres appliqués sur le revêtement à bossage typique des palais florentins. Cette superposition d'ordres inspirée de modèles antiques (Colisée, théâtre de Marcellus), l'utilisation d'une corniche à l'antique et, à la base de l'édifice, d'un opus reticulatum, sont tout à fait dans l'esprit d'Alberti, qui apparaît ainsi comme l'inventeur d'un type de façade sans précédent à Florence. En 1450, Sigismondo Malatesta avait appelé Alberti à Rimini pour moderniser San Francesco et en faire un mausolée dynastique, d'où son nom de tempio Malatestiano. Le Florentin conçut une enveloppe moderne, habillant la façade et les flancs de l'ancien édifice, ainsi qu'une rotonde, dans le prolongement du chœur, couverte d'une immense coupole ; toutefois, ce dernier projet ne put être mené à bien. À Florence, Alberti réalisa à la demande de Giovanni Rucellai le Saint-Sépulcre de l'église San Pancrazio, petit édicule supporté par des pilastres cannelés (1467), et surtout la façade de Santa Maria Novella (1457-1458). Quant aux édifices prévus pour Mantoue, ils ne furent pas terminés : San Sebastiano n'a jamais reçu la façade que prévoyait Alberti, et c'est Filippo Juvara qui construisit au xviiie siècle la coupole de Sant'Andrea. De même, l'église de Rimini resta inachevée.

Tempio Malatestiano, Rimini - crédits :  Bridgeman Images

Tempio Malatestiano, Rimini

Santa Maria Novella, Florence - crédits :  Bridgeman Images

Santa Maria Novella, Florence

San Sebastiano et Sant' Andrea, Mantoue - crédits : Encyclopædia Universalis France

San Sebastiano et Sant' Andrea, Mantoue

Nef de Sant'Andrea, Mantoue - crédits :  Bridgeman Images

Nef de Sant'Andrea, Mantoue

Tous ces édifices sont cependant très importants pour l'histoire de l'architecture, car ils posent, d'entrée de jeu, les deux problèmes cruciaux de l'architecture religieuse de la Renaissance : celui du plan (centré ou longitudinal) et celui de l'adaptation des formules antiques aux façades des églises modernes. San Sebastiano, construit sur l'emplacement d'un ancien oratoire, a un plan en croix grecque. Sant'Andrea, église destinée à accueillir de nombreux fidèles, comporte pour cette raison une nef sans bas-côtés, mais dotée de chapelles latérales et couverte d'une puissante voûte en berceau reposant sur des piliers disposés entre les chapelles, dans un rythme inspiré de l'arc de triomphe antique. Enfin, le temple des Malatesta devait combiner une nef longitudinale et un sanctuaire en forme de rotonde. Les principales solutions qu'adopta l'architecture religieuse des siècles suivants se trouvent ici définies : le plan central fut celui du Saint-Pierre projeté par Bramante et par Michel-Ange ; le plan longitudinal de Sant'Andrea préfigure celui du Gesù construit à Rome par Vignole ; la combinaison de la nef et de la rotonde, souvenir du Saint-Sépulcre de Jérusalem, se retrouve à la Santissima Annunziata de Florence ; elle fut reprise par Diego de Siloé pour la cathédrale de Grenade.

L'autre grand problème était celui de la façade. Les modèles antiques utilisant les ordres – le portique de temple avec fronton et l'arc de triomphe – s'adaptent difficilement à l'élévation d'une église chrétienne comportant une nef haute et des bas-côtés. À Santa Maria Novella, Alberti adopta la solution la plus simple : deux niveaux d'ordres superposés, large au rez-de-chaussée et plus étroit à l'étage, avec de part et d'autre de ce niveau supérieur[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au C.N.R.S., centre d'études supérieures de la Renaissance, Tours

Classification

Pour citer cet article

Frédérique LEMERLE. ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Leon Battista Alberti - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Leon Battista Alberti

San Sebastiano, Mantoue - crédits :  Bridgeman Images

San Sebastiano, Mantoue

Sant'Andrea, Mantoue - crédits :  Bridgeman Images

Sant'Andrea, Mantoue

Autres références

  • TRAITÉ DE LA PEINTURE, Leon Battista Alberti - Fiche de lecture

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