Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LE GAI SAVOIR, Friedrich Nietzsche Fiche de lecture

Il s'agit certainement du livre le plus joyeux que Friedrich Nietzsche (1844-1900) ait écrit, même s'il garde les traces du long hiver de souffrances enduré. La vie semble retrouvée, réconciliée avec elle-même, la maladie surmontée. La période « voltairienne » et critique d'Humain trop humain, du Voyageur et son ombre (1878-1879) et d'Aurore (1881) s'achève. Les quatre premiers livres qui composent le Gai Savoir verront le jour en 1882. La seconde édition paraîtra en 1887 augmentée d'une Préface, d'un cinquième livre (rédigé après Ainsi parlait Zarathoustra) et d'un appendice poétique, Les Chansons du Prince Hors-la-Loi.

Une science nouvelle

Gai savoir ? Gaya Scienza – die Fröhliche Wissenschaft. Nietzsche trouve la joie encore trop sérieuse. Il lui préfère la gaieté plus affirmative et bondissante, légère. Superficielle, mais « superficielle par profondeur », comme les anciens philosophes grecs. La vérité comme valeur philosophique est soupçonnée, mais la connaissance est célébrée, en ce qu'elle permet de se libérer des illusions naïves, des croyances anthropocentriques, finalistes : « Pourquoi l'homme serait-il maintenant plus méfiant et plus méchant ? – Parce que maintenant il a une science – il a besoin d'une science ! » Une science au service de la vie, critique et difficile, tentante et inquiétante, une science toujours entraînée cependant vers le dogmatisme, le besoin de fixer en formules des vérités définitives, lourdes d'un sens figé. Nietzsche cherche à formuler les principes de cette science qui ne serait plus tributaire de la croyance, qui serait enfin libre de tout « esprit sacerdotal », de tout esprit religieux. C'est pourquoi il met en avant l'essence fondamentalement artistique de la connaissance créatrice, impérieuse et impérative, destructrice de toute idole, capable de se transformer en « gai savoir ». Conjointement à cette affirmation esthétique de la connaissance, le très célèbre aphorisme 125 (L'Insensé) est porteur d'une annonce difficile à entendre : celle de la « mort de Dieu ». Le premier aphorisme du cinquième livre (no 343) lui fait écho : « Le plus important des événements récents – le fait que „Dieu soit mort“, que la foi dans le Dieu chrétien ne soit plus digne de foi – commence déjà à projeter sur l'Europe ses premières ombres. » Le fragment 341 « Le Poids le plus lourd », donne à lire l'énigmatique révélation de l'« éternel retour » qui suscita nombre de questions essentielles d'interprétations contradictoires et épineuses.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Francis WYBRANDS. LE GAI SAVOIR, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 1 270 mots

    En août 1881, au bord du lac de Silvaplana, proche du village de Sils-Maria, dans l’actuel canton suisse des Grisons où il passait ses étés, Friedrich Nietzsche (1844-1900) eut une illumination : la « vision du Retour Éternel » (parfois dénommée « vision de Surléï »), qui le conduisit quelques...

  • CORPS (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 102 mots
    ...métamorphose alors en force créatrice puisque, à travers mon individualité, se manifeste et se poursuit au-delà de moi une œuvre d’une infinie durée. Dans Le Gai Savoir, Nietzsche présente comme sa grande découverte cette présence de l’infinité du passé dans notre corps : « J’ai découvert pour ma part que...
  • SCIENCES ET PHILOSOPHIE

    • Écrit par Alain BOUTOT
    • 17 713 mots
    • 6 médias
    Dans le Gai Savoir, Nietzsche entreprend de dissiper une illusion entretenue par les positivistes et les rationalistes de tous bords. Nous pensons d'ordinaire que les progrès de la science ont repoussé les frontières de la foi, qu'en devenant plus savants nous sommes devenus moins croyants....

Voir aussi