- 1. La découverte des terres rares
- 2. État naturel
- 3. Séparation et purification
- 4. Propriétés Physiques
- 5. Propriétés chimiques
- 6. Toxicité des terres rares
- 7. Applications liées aux propriétés chimiques
- 8. Applications liées aux propriétés optiques
- 9. Applications liées aux propriétés magnétiques
- 10. Économie des lanthanides
- 11. Bibliographie
LANTHANE ET LANTHANIDES
Propriétés Physiques
Rayons ioniques et électronégativité
Le volume occupé par un ion dans un cristal dépend de sa charge électrique, du nombre et du type de ligandes (coordination) et du caractère ionique de la liaison (covalence). Les terres rares présentent le paradoxe d'avoir des rayons ioniques décroissants lorsque le numéro atomique augmente. C'est la contraction lanthanidique qui atteint 20 p. 100 de la distance maximale à la fin de la série. Elle s'explique par une attraction plus forte du noyau lorsque le nombre atomique augmente, alors que l'électron gagné va se loger dans la couche 4f, bien protégée au cœur du cortège électronique et sans créer d'espace supplémentaire. Au contraire, l'électronégativité, caractérisant l'affinité d'un élément pour un gain d'électrons, est moyenne et ne varie que relativement peu avec l'ion (tabl. 1). Toutefois, le lanthane, le gadolinium et le lutécium constituent une rupture dans l'évolution de l'électronégativité, en raison de leurs caractères à couche électronique f respectivement vide, demi-pleine et pleine.
Configurations électroniques
Les propriétés des terres rares sont intimement liées à leurs configurations électroniques (tabl. 6). Celles des atomes neutres sont [Xe]6s24fN+1, [Xe] représentant la configuration électronique à couches complètes du xénon. N, le nombre d'électrons 4f, varie de 0 à 14 avec le numéro atomique croissant de l'élément. Toutefois, les configurations de La, Gd et Lu, sont différentes : [Xe]6s25d14fN (N = 0, 7 et 14) correspondant à des couches électroniques 4f respectivement vides, à demi-pleine et pleine. L'état d'oxydation le plus stable étant trivalent, les configurations correspondantes sont [Xe]4fN. Cela implique que les propriétés physiques de ces éléments dépendent en grande partie des caractéristiques de la partie radiale de la fonction d'onde associée aux orbitales atomiques f.
Parmi tous les éléments connus de la classification périodique, seuls les lanthanides et les actinides possèdent de telles orbitales. La caractéristique principale de l'orbitale 4f est d'être interne dans les couches électroniques successives, en raison d'une distance moyenne au noyau plus faible, protégée par des orbitales externes de type 5s et 6p. Il en résulte que la liaison chimique modifiera peu l'orbitale atomique et que le champ électrique (champ cristallin) créé par l'environnement des atomes voisins sera faible, ce qui explique une grande partie des propriétés optiques et magnétiques.
Les configurations électroniques des terres rares sont parfaitement analysées par la théorie des spectres atomiques développée au milieu du xxe siècle. L'application des méthodes de la théorie des groupes finis et infinis ouvre une voie royale pour leur compréhension formelle. Ce n'est que depuis le début des années 1970 que leur simulation se fait aisément ; il suffit de nos jours d'un simple ordinateur de bureau. On considère que les électrons des couches incomplètes sont soumis à des interactions perturbatrices à l'action d'un champ central, représentant l'attrait des électrons par le noyau. On les exprime selon la méthode quantique des perturbations de Dirac. Si l'on considère au départ une situation sans perturbation, la configuration électronique 4fN se définira par sa dégénérescence, c'est-à-dire le nombre de déterminants de Slater qu'il est possible de construire sur la base des différentes valeurs prises par les nombres quantiques principaux (n), orbitaux (l) et de spin (s) des électrons 4f. Cette situation serait associée à une seule valeur énergétique. L'ion libre, supposé un moment isolé de tout environnement chimique, tel qu'on le rencontre dans un plasma, aura cette dégénérescence partiellement levée sous l'effet des différentes perturbations. Les principales sont la répulsion électrostatique et le couplage entre le spin et l'orbite des électrons. On verra ainsi apparaître une série d'états avec des énergies différentes. Ils sont labellisés 2S+1LJ. Dans le modèle de couplage de Russell-Saunders, S, L et J sont les valeurs prises par les nombres quantiques, respectivement de spin, de moment angulaire et de moment angulaire total.
Si l'on considère maintenant la situation réelle, celle de l'ion dans un cristal, une nouvelle perturbation, dite du champ cristallin, contribuera à la continuation de la levée de dégénérescence. Cette perturbation s'assimile à un champ électrique créé par une répartition spatiale connue de charges électriques (les ligandes). Le nombre de niveaux d'une configuration électronique dépendra, in fine, de la symétrie du cristal dans lequel l'ion libre est inséré ; encore une fois, l'analyse qualitative suit les règles de la théorie des groupes. La valeur des énergies associées dépendra aussi du matériau considéré dans lequel la symétrie du cristal, la nature des ligandes, leur nombre de coordination et les distances à la terre rare sont les facteurs constitutifs du champ cristallin. La figure 3 donne une représentation typique de l'éclatement énergétique des configurations électroniques 4fN. La position des niveaux d'énergie dépasse largement la zone correspondant à la partie visible du spectre des radiations électromagnétiques, délimitée par deux lignes horizontales sur la figure. En outre, la première configuration excitée, 4fN–15d, recouvre largement la configuration de base vers les hautes énergies, ce qui complique un peu la situation. La connaissance des états d'une configuration électronique et des fonctions d'onde associées permet de comprendre puis de modéliser les propriétés optiques et magnétiques.
Origine des propriétés optiques
Les transitions électroniques entre niveaux d'énergie d'une même configuration ayant une même parité quantique (4fN → 4fN) sont théoriquement interdites. Toutefois, des mélanges interconfigurations induits par le champ cristallin les permettent (mélange avec la configuration 4fN–15d, par exemple). Ces transitions n'ont de sens physique que dans la mesure où la transition isolant-métal rejette la bande de conduction vers les hautes énergies. Un spectre d'absorption des radiations électromagnétiques entre le niveau de base et les niveaux excités permet de mesurer précisément la position des niveaux. L'obstacle principal est celui de la position de bande d'absorption de la matrice et/ou de la bande de transfert de charge terre rare-ligande qui limite l'observation. En général, les matrices isolantes commencent à absorber à partir de l'U.V. (environ 30 000 cm–1 sur la figure 3). Certaines matrices fluorées sont transparentes jusqu'à des énergies plus grandes (vers 40 000 cm–1) et l'on cherche actuellement parmi ces matrices de nouveaux matériaux lasers et luminophores émettant dans le bleu. On peut également opérer des mesures d'émission de lumière sous excitation continue ou pulsée (fluorescence), à partir de sources de forte énergie et à spectre large (tube cathodique, lampe U.V., lasers à excimères) ou sous excitation à faible bande passante (laser à solide, à colorant). Si le matériau est un cristal, le spectre d'émission se compose de plusieurs dizaines de raies, en général à faible bande passante, réparties dans tout le spectre. Leur énergie est inférieure à celle de l'excitation. Dans quelques cas, on observe un phénomène d'addition de photons (up-conversion) par lequel l'addition de l'énergie de deux ou plusieurs photons conduit à l'émission d'une radiation dont l'énergie est supérieure à celle de chaque photon d'excitation (fig. 4) . Si le matériau est vitreux, les raies d'émission sont élargies en raison de la variation continue de la géométrie des sites cristallographiques occupés par la terre rare.
L'analyse et la modélisation de la dynamique des propriétés d'émission sont très importantes lors de la quête de nouveaux matériaux, luminophores ou lasers. Puisque les transitions intraconfiguration (4fN → 4fN) sont en théorie interdites, leurs durées de vie (temps de décroissance de l'intensité lumineuse, après l'arrêt de l'excitation) sont plus longues (entre quelques microsecondes et quelques millisecondes) que pour les transitions interconfigurations (4fN–15d → 4fN) autorisées (quelques dizaines de nanosecondes). L'excitation de la fluorescence par une source à large bande permet de peupler les niveaux d'énergie de la matrice cristalline, eux-mêmes à large bande : états singulet et triplet, bande de transfert de charge. À l'aide des phonons propres à la matrice, l'énergie migre ensuite d'une manière non radiative vers les niveaux d'énergie discrets de la terre rare. Ces derniers émettent alors de façon visible (émission radiative). L'étude de cette dynamique et des rendements de fluorescence concomitants décidera de l'application potentielle du matériau.
Origine des propriétés magnétiques
Le magnétisme est le résultat d'un comportement plus ou moins collectif des électrons constituant le cortège électronique d'un atome, sous l'effet d'un champ magnétique extérieurement appliqué. Si l'on peut dire que tous les éléments sont magnétiques, il existe toutefois plusieurs types de réponses possibles, parmi lesquelles :
– Le diamagnétisme, qui est le plus faible, car tous les mouvements électroniques se neutralisent. De tels matériaux sont repoussés par les aimants. Dans les composés transparents, les terres rares à couches électroniques pleines sont diamagnétiques (La3+, Lu3+, Sc3+ et Y3+). Leur moment magnétique est nul (tabl. 6).
– Le paramagnétisme, pour lequel la magnétisation ne s'opère que sous un champ externe. Par cette opération on dit que les moments magnétiques de l'ion s'orientent. Toutes les autres terres rares dans des composés transparents ou faiblement colorés sont paramagnétiques, chacune avec un moment dépendant de la configuration électronique et un peu de la géométrie du composé considéré.
– Le ferromagnétisme. En abaissant la température au-dessous d'une température critique dite température d'ordre magnétique ou de Curie, Tc, les composés paramagnétiques peuvent faire apparaître un état de ferromagnétisme. Dans cet état, les moments magnétiques sont spontanément alignés. Pour être démagnétisés, il faut leur appliquer un champ d'orientation opposé dit champ coercitif. Le cycle magnétisation-démagnétisation est connu sous le nom de « cycle d'hystérésis ». On définit comme « aimants permanents » ceux qui, ayant un cycle d'hystérésis large, requièrent un champ coercitif élevé.
La particularité, soulignée plus haut, des orbitales f confère à ces éléments un comportement magnétique différent de celui des éléments de transition des groupes IV à VIII du tableau de Mendeleïev. Dans le cas de ces derniers, les électrons des couches insaturées d, responsables du magnétisme, sont également partie prenante dans la liaison chimique. On parle du « blocage » de leurs moments orbitaux par le champ cristallin des atomes voisins. Les orbitales f, internes, ne prennent pas part à la liaison chimique et sont peu influencées par le champ cristallin. Le moment magnétique, μ, se calcule d'une manière très simple par la relation : μ = g[J(J+1)]1/2, où g est le facteur de Landé et J, la valeur du moment angulaire total du niveau de base. À l'exception de l'europium, ayant un comportement particulier (paramagnétisme de Van Vleck), les valeurs expérimentales et calculées sont très proches (tabl. 6).
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Concepcion CASCALES
:
cientifico titular - Patrick MAESTRO : auteur
- Pierre-Charles PORCHER : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Regino SAEZ PUCHE : professeur de chimie inorganique
Classification
Médias
Autres références
-
COMPLEXES, chimie
- Écrit par René-Antoine PARIS et Jean-Pierre SCHARFF
- 4 306 mots
- 5 médias
...éliminer les cations métalliques des eaux résiduaires par coagulation-floculation. En outre, les séparations très délicates des éléments du groupe des lanthanides et du groupe des actinides n'ont pu être réalisées commodément que selon deux techniques utilisées soit séparément, soit conjointement :... -
IONS ÉCHANGEURS D'
- Écrit par Robert ROSSET
- 6 110 mots
- 13 médias
La séparation deslanthanides : elle est effectuée sur un échangeur de cations en superposant à la réaction d'échange simple, pour laquelle les différences d'affinité sont quasi nulles, une réaction de formation de complexes, en solution, avec l'acide α-hydroxyisobutyrique (CH... -
MAGNÉSIUM
- Écrit par Maurice HARDOUIN et Michel SCHEIDECKER
- 4 275 mots
- 8 médias
L'addition de thorium (radioactif), delanthanides ou d'argent permet de maintenir les propriétés mécaniques mesurées à chaud. Ces éléments sont compatibles avec le zirconium, et les propriétés spécifiques des deux types d'addition sont cumulatives. Ces alliages sont susceptibles de durcissement... -
MAGNÉTISME
- Écrit par Damien GIGNOUX , Étienne de LACHEISSERIE et Louis NÉEL
- 15 620 mots
- 14 médias
Le magnétisme le plus marqué et le mieux compris est celui des terres rares, oulanthanides, dont les électrons « magnétiques » sont ceux de la couche profonde 4f, écrantée par d'autres couches complètes extérieures, 5s et 5p. Les effets de l'environnement, sans bouleverser totalement... - Afficher les 7 références
Voir aussi
- LASERS À SOLIDES
- ORBITALES ATOMIQUES
- MATÉRIAUX MAGNÉTIQUES
- MOTEURS À EXPLOSION
- FIBRES OPTIQUES
- FLUORESCENCE
- EXTRACTION, métallurgie
- CATALYSEURS
- PHOSPHORESCENCE
- LUMINOPHORES
- LAMPE, technologie
- ÉLECTROLUMINESCENCE
- ACIER, technologie
- RADIOGRAPHIE
- EXTRACTION, chimie
- CRAQUAGE ou CRACKING, chimie
- SÉPARATION, chimie
- PURIFICATION, physico-chimie
- POLISSAGE
- CRISTALLOCHIMIE
- ÉLÉMENTS CHIMIQUES
- BASTNAÉSITE
- CÉRIUM
- EUROPIUM
- GADOLINIUM
- ÉCLAIRAGE
- CÉRAMIQUES INDUSTRIELLES
- RADIOLOGIE
- MONAZITE
- MISCHMÉTAL
- PRASÉODYME
- NÉODYME
- PROMÉTHIUM
- SAMARIUM
- YTTERBIUM
- NANOLASERS
- GADOLIN JOHAN (1760-1852)
- MOSANDER CARL GUSTAV (1797-1858)
- ÉLECTRONIQUE STRUCTURE
- LIQUIDE-LIQUIDE SÉPARATION
- ENRICHISSEMENT, technologie
- NIVEAU, physique atomique
- CONFIGURATION ÉLECTRONIQUE
- RÉFRIGÉRATION
- TUBE CATHODIQUE
- OXYDES
- FLUORURES
- CHIMIE HISTOIRE DE LA
- SOLUTION, chimie
- IMAGE ENREGISTREMENT & REPRODUCTION DE L'
- BATTERIE, électrotechnique
- GAZ D'ÉCHAPPEMENT
- TERRES RARES
- IONIQUE RAYON
- IRM (imagerie par résonance magnétique) ou RMN (résonance magnétique nucléaire), applications biomédicales
- POT CATALYTIQUE
- ÉCRAN DE VISUALISATION
- ADDITIF CHIMIQUE
- LAMPE ET TUBE FLUORESCENTS