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LANGAGE (FONCTIONS DU)

La question des fonctions du langage, sur laquelle se sont penchés philosophes et grammairiens, est ancienne. Deux grandes traditions s'opposent en la matière : pour la première, la fonction fondamentale du langage consiste à permettre la représentation de la pensée ; pour la seconde, elle est d'abord et avant tout d'assurer la communication.

Si la plupart des comparatistes considèrent la langue comme un simple moyen de communication régi par des principes d'économie, en revanche Wilhelm von Humboldt (1767-1835) soutient l'idée que le langage est une propriété innée inhérente à l'esprit humain, dont la fonction première est de modeler la pensée et d'exprimer la conception du monde des sujets parlants.

Les moyens de la communication : le moment Jakobson

Un siècle plus tard, Karl Bühler propose une théorie du langage (Sprachtheorie, 1934) dans laquelle ce n'est plus la représentation de la pensée, mais l'acte de communication qui occupe la place centrale. D'après lui, cet acte engage trois dimensions constitutives : la représentation d'un contenu à communiquer, l'appel en direction du destinataire et l'expression de l'attitude du locuteur. Ces trois dimensions définissent autant de « fonctions » susceptibles d'être exprimées par des moyens linguistiques au sein d'un énoncé.

L'approche de Bühler a été reprise et développée par Roman Jakobson dans un article de 1960 intitulé « Linguistique et poétique » (des Essais de linguistique générale, 1963). Analysant le schéma de la communication, Jakobson distingue six facteurs constitutifs : le contexte (ou référent), le destinateur, le destinataire, le contact (ou canal), le code et le message. Chacun de ces facteurs joue un rôle dans le message, mettant ainsi en jeu une certaine « fonction du langage ». La « fonction référentielle » (dite aussi dénotative ou cognitive) marque la visée du référent : c'est l'aspect informatif du langage. La « fonction émotive » (ou expressive) correspond à la trace de l'émetteur dans son message. La « fonction conative » marque l'orientation du message vers le destinataire : même dans le soliloque, où le destinataire coïncide avec l'émetteur, cette fonction est présente. La « fonction phatique » reflète dans le message les conditions de communication à travers le canal : l'exemple type en est « Allô ! », qui n'a d'autre signification que de s'assurer que le contact est établi avec l'interlocuteur. La « fonction métalinguistique » traduit dans le message la prise de position explicite de l'émetteur à l'égard du code : usage des guillemets, emploi de termes métalinguistiques (par exemple, « le nom “maman” désigne la mère ») participent de cette fonction. Enfin, la « fonction poétique », définie comme « l'accent mis sur le message pour son propre compte », concerne la surcharge de signification prise par le message, du fait même de la forme de ses signifiants (formes sonores, rimes, allitérations, rythme, etc.).

Le prix de l'analyse de Jakobson est d'avoir montré que les six fonctions considérées coexistent nécessairement dans tout message, même si leur poids est variable d'un énoncé à l'autre en fonction de la situation. Il souligne ainsi l'impossibilité d'isoler, dans un énoncé, l'information objective, indépendamment des autres facteurs, notamment intersubjectifs, de la communication : l'interaction entre les fonctions référentielle, émotive et conative est au cœur du processus de constitution de la signification.

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Catherine FUCHS. LANGAGE (FONCTIONS DU) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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