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DÜHRING KARL EUGEN (1833-1921)

Fils d'un petit fonctionnaire prussien, Karl Dühring mène de front des études de droit et de mathématiques à l'université de Berlin. Il envisage une carrière dans la magistrature, mais devient aveugle et doit renoncer (1861). Il se dirige alors vers l'enseignement et est chargé de cours (Privat-Dozent) de philosophie et d'économie à l'université de Berlin. Très influencé par Auguste Comte (il sera considéré avec Richard Avenarius et Ernst Mach comme l'un des positivistes les plus importants), intéressé par la question ouvrière, il rédige un mémoire sur ce problème à l'intention d'un conseiller de Bismarck, avec lequel il sera d'ailleurs en procès peu après, celui-ci ayant publié le mémoire sous son propre nom.

C'est en 1870 que Dühring se découvre une pensée socialiste ; son éloge de la Commune de Paris est très remarqué. Cependant, il rejette la dialectique hégélienne au nom d'un idéalisme fait de valeurs éternelles ; par ailleurs, tant son activité de « socialiste » que son enseignement économique ont pour but de supprimer les contradictions du capital, non le capitalisme lui-même. En ce sens, il répond parfaitement (et bien mieux que Ferdinand Lassalle) aux besoins historiques de l'État allemand naissant et aux tentatives de Bismarck d'intégrer la jeune classe ouvrière.

Son influence grandissante auprès de l'élite révolutionnaire allemande inquiète Marx et Engels ; ce dernier se charge de démystifier ce curieux socialiste : c'est M. Eugen Dühring bouleverse la science, plus connu sous le nom d'Anti-Dühring, qui vaudra à celui-ci de passer à la postérité. Le pamphlet d'Engels est publié sous forme d'articles, de janvier 1875 à juillet 1878, dans le Vorwärts (En avant), journal de la social-démocratie allemande. La dénonciation est violente. Dans le même temps, Bismarck a échoué dans ses tentatives d'intégration des organisations ouvrières et est revenu aux méthodes coercitives : Dühring est relevé de ses fonctions universitaires. Les socialistes allemands organisent sa défense, mais Eugen Dühring décourage lui-même ses défenseurs ; il se consacre dès lors à la philosophie : sa période « socialiste » est terminée.

Dans sa théorie de la connaissance, Dühring part d'un concept de la réalité qu'il exprime en termes scientifiques : notre intellect est susceptible d'appréhender la totalité du réel puisque ses lois sont celles du réel. Mais, si, dans ses premières œuvres, Dühring se préoccupe des problèmes épistémologiques que soulève cette thèse, dans ses écrits postérieurs, son concept de réalité se fige dans un matérialisme dogmatique. Pour remplacer la métaphysique mystique répandue à son époque, Dühring a cherché à construire un système total caractérisé par l'antagonisme de différentes puissances et une « loi de la différence » qui gouvernerait le monde physique et la conscience. Il affirmait que la nature vise généralement à une combinaison des puissances. Cette vision optimiste est maintenue dans sa morale : pour Dühring, ce sont nos instincts sympathiques qui, naturellement, se trouvent à l'origine de la moralité. L'individualisme et le socialisme vont inévitablement de pair. Économiste, Dühring a fait passer les facteurs sociologiques avant les facteurs économiques. Il a refusé la « lutte pour la vie » de Darwin et l'a remplacée par l'idée d'une société libre dans laquelle toutes les relations fondées sur la puissance sont abolies et où toutes les relations humaines sont socialisées. À la suite de H. C. Carey et de F. List, il a mis l'accent sur le caractère « national » de l'économie.

Par ailleurs, Dühring fut un antisémite convaincu et publia deux ouvrages pour défendre ses idées sur ce point, La Question juive[...]

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