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CORTÁZAR JULIO (1914-1984)

Un romancier métaphysique

Dans ses deux grands romans, Cortázar institue à la fois plusieurs dimensions. Chacun est à lui seul plusieurs livres.

Les Gagnants (Los Premios, Buenos Aires, 1960), réunis par le hasard à bord du Malcolm, se groupent ou s'affrontent dans l'espace clos du bateau, où l'insolite fait son apparition dès le début. Mais cette croisière se double d'un voyage intérieur de chaque passager vers la confrontation avec lui-même dans la recherche de sa propre réalisation. À l'intérêt psychologique et sociologique s'ajoute une dimension métaphysique grâce aux soliloques de Persio, qui donnent de la réalité courante une vision plus structurelle et poétique.

Ce roman, d'un intérêt soutenu, où l'humour et le drame se mêlent, présente en même temps une évocation intelligente et neuve de la complexe réalité argentine.

Lors de sa parution en 1963, Marelle(Rayuela) provoque l'enthousiasme. Carlos Fuentes compare cette œuvre à la boîte de Pandore. Premier roman latino-américain à se prendre lui-même comme sujet central, il invite le lecteur à participer au processus créateur. En dehors de la vie d'Oliveira, à Paris et à Buenos Aires, jusqu'à sa fin énigmatique (suicide ou folie ?), Marelle est la chronique d'une extraordinaire aventure spirituelle, une dénonciation imparfaite et désespérée de l'establishment dans le domaine des lettres. Rien d'étonnant à ce qu'on ait pu le comparer à l'Ulyssede Joyce. Points de vue esthétique et métaphysique s'y rejoignent contre la dialectique vide de la civilisation occidentale et la tradition rationaliste.

Dans sa dernière œuvre parue, Le Tour du jour en quatre-vingts mondes (La Vuelta al día en ochenta mundos, Mexico, 1967), Cortázar met en scène sa femme, son chat, lui-même et ses amis, morts ou vivants : Carlos Gardel, Louis Armstrong, Julio Silva, José Lezama Lima. Il y précise ainsi sa conception du cronopio : « La juxtaposition de la vision enfantine et de la vision adulte fait le poète, le criminel, le cronopio et l'humaniste. » Il répond aux critiques, porte des jugements, prend parti sur des problèmes brûlants, rappelle des souvenirs, égrène quelques confidences, donne des recettes magiques... Ce livre ne se laisse pas résumer ; il donne au lecteur l'impression passionnante d'avoir partagé pendant quelques instants l'intimité d'un écrivain actuel terriblement vivant et intelligent.

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université
  • : ancien maître de conférences, université de Paris-IV-Sorbonne, U.F.R. de langue et littérature espagnoles

Classification

Pour citer cet article

Jacqueline OUTIN et Jean-Pierre RESSOT. CORTÁZAR JULIO (1914-1984) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Julio Cortázar - crédits : Francois Lehr/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Julio Cortázar

Autres références

  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

    • Écrit par Albert BENSOUSSAN, Michel BERVEILLER, François DELPRAT, Jean-Marie SAINT-LU
    • 16 898 mots
    • 7 médias
    Julio Cortázar (1914-1984), originaire d’Argentine, a d'abord campé dans les fulgurantes nouvelles de Bestiario (1951, Bestiaire) et de Lasarmas secretas (1959, LesArmes secrètes) un monde irrationnel et étrange, voire hallucinant et angoissant dans Todos los fuegos el fuego(1966,Tous...
  • FÉNELON PHILIPPE (1952- )

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 2 178 mots
    • 1 média
    ...les costumes de la création sont de Yannis Kokkos. Le livret, élaboré par le compositeur, est adapté du poème dramatique Los Reyes de l'Argentin Julio Cortázar. Cortázar et Philippe Fénelon proposent une relecture du mythe du Minotaure, de sa demi-sœur Ariane et du roi Minos. Dans Los Reyes...
  • MARELLE, Julio Cortázar - Fiche de lecture

    • Écrit par Claude FELL
    • 839 mots
    • 1 média

    S'il fallait trouver un dénominateur commun à une majorité de prosateurs argentins contemporains, on pourrait dire que nouvelles et romans nationaux combinent à la fois l'usage de l'humour et l'interrogation sur ce que Borges appelle les grandes « conjectures existentielles » et Cortázar « la gifle...

Voir aussi