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RUSKIN JOHN (1819-1900)

L'action sociale de Ruskin

L'étude des mérites de l'architecture gothique conduisit Ruskin à méditer sur les vertus des hommes qui l'avaient créée, à passer de la critique d'art à la critique sociale. Sa conception de l'art, dépositaire de la vérité naturelle, indissociable des valeurs morales, le persuade que le travailleur trouve son épanouissement dans l'exécution d'une œuvre satisfaisante et utile. Il consacra l'essentiel des quarante dernières années de sa vie à développer ses théories sur la société industrielle.

Ruskin écrivit deux séries de lettres aux ouvriers, Time and Tide (Londres, 1888) et Fors Clavigera (Londres, 1871-1887). Il fonda, en 1871, la Company of Saint George, sorte de coopérative qu'il dota d'un capital de dix mille livres, et qui mit en œuvre ses doctrines économiques. Il se fit l'avocat d'un système d'éducation gratuite pour les enfants et les adultes, demanda des retraites pour les vieillards, des logements plus confortables, des espaces verts autour des villes, et mit sa fortune au service de ces fins. La justice sociale exige des conditions qui permettent à tous de partager avec l'artiste les joies de la création. L'art apparaît ainsi dans la pensée de Ruskin comme le principe de la vie spirituelle. Pour lui, les forces du progrès matériel, associées à la laideur industrielle et à l'égoïsme économique, s'opposent à l'ordre voulu par la nature.

Sa campagne contre l'utilitarisme des économistes et les maux de la civilisation industrielle, et en faveur du retour à un travail illuminé par cette foi et cette joie créatrice qui, pensait-il, étaient celles des artistes du Moyen Âge, trouva son expression dans une série de conférences et d'articles. Certains de ces essais, considérés comme révolutionnaires, éveillèrent une telle opposition que William Thackeray, rédacteur en chef du Cornhill, dut en arrêter la publication. Ils furent recueillis dans Unto This Last. L'expression la plus complète des vues de Ruskin sur la société future est contenue dans les vingt-cinq lettres à un ouvrier réunies dans Time and Tide. Mais le plus célèbre de ses essais reste Sesame and Lilies (Londres, 1865). Il dénonce l'abdication de la spiritualité, le machinisme, qui fait du travailleur l'esclave de l'outil, la loi de l'offre et de la demande, qui fait dépendre les prix d'une lutte entre deux égoïsmes rivaux. Il proclame son horreur d'un système social qui condamne la plupart des hommes à la pauvreté et à la laideur, et s'attaque enfin à l'ensemble du système capitaliste. Ces théories, souvent utopiques, mises en pratique avec une certaine naïveté, valent surtout par leur critique pénétrante de la société industrielle. Pour Ruskin, « la vie est la seule richesse » : ce n'est pas le goût de l'argent qui mène les hommes, mais « l'admiration, l'espoir et l'amour ».

— Claude JACQUET

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Pour citer cet article

Pierre GEORGEL et Claude JACQUET. RUSKIN JOHN (1819-1900) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Rossetti et Ruskin - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Rossetti et Ruskin

Autres références

  • RELIRE RUSKIN (ouvrage collectif)

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 983 mots

    C'est un Ruskin démultiplié que l'on découvre dans cet ouvrage collectif. Prenant place dans la collection « Principes et théories de l'histoire de l'art », publiée par le musée du Louvre et l'École nationale supérieure des beaux-arts, Relire Ruskin (2003) vient...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...sociale moderne dans Past and Present (1843). Enthousiaste de la littérature allemande, Carlyle en continua la divulgation commencée par Coleridge ; John Ruskin (1819-1900) combattit la menace de laideur issue de la civilisation industrielle (Unto this Last, 1860) et les conventions révolues de l'art...
  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Architecture

    • Écrit par Monique MOSSER
    • 7 827 mots
    • 30 médias
    ...sir Gilbert Scott (1811-1878), l'auteur de l'Albert Memorial et de l'hôtel St. Pancras. Ce moment du gothique fut en partie dominé par les théories de John Ruskin (1819-1900). Dans ses livres (Les Sept Lampes de l'architecture, Les Pierres de Venise), il développe une conception éthique et mystique...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et société

    • Écrit par Antoine PICON
    • 5 782 mots
    ...de ce genre d'utopie, la critique anglo-saxonne des méfaits de l'industrialisation atteint son paroxysme sous la plume de l'esthète et critique d'art John Ruskin (1819-1900) qui se fait le chantre d'un Moyen Âge caractérisé par une harmonie profonde entre organisation sociale et processus de production....
  • CARLYLE THOMAS (1795-1881)

    • Écrit par Michel FUCHS
    • 1 713 mots
    ...voir une préfiguration du nazisme. Les ambiguïtés ne disparaissent pas pour autant ; car si le héros est le « sage » donné en exemple, un peu comme pour Ruskin, chez qui les distinctions sociales deviennent métaphores morales, il est aussi celui que la masse des hommes ne peut imiter, quand bien même elle...
  • Afficher les 14 références

Voir aussi