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OCKEGHEM JOHANNES (1410 env.-1497)

Un des génies de l'école franco-flamande, entre Guillaume Dufay et Josquin Des Prés, à côté d'Anthoine Busnois, tel est Johannes Ockeghem, dont la puissance créatrice ouvrit le chemin au style polyphonique qui se développa pendant plus d'un siècle. Ses contemporains du milieu du xve siècle saluèrent en lui le premier musicien de ce temps, jugement qui est ratifié par la musicologie contemporaine : « Tous les musiciens de la pré-Renaissance ont subi plus ou moins directement son influence » (Jean Vigué) ; et Ernst Křenek a judicieusement remarqué : « C'est son habileté à évoquer non seulement un intérêt intellectuel, mais encore d'immédiates réactions émotionnelles, qui prouve que la musique d'Ockeghem est toujours vivante. »

France, terre d'élection

La musicologie a, au xxe siècle, accordé une dizaine d'années de plus à la vie d'Ockeghem : sa naissance aurait eu lieu vers 1410 et non vers 1420. Le lieu de celle-ci demeure toujours incertain. Sa famille était peut-être originaire du village d'Okegem, sis à une vingtaine de kilomètres de Bruxelles, mais Johannes a pu naître aussi dans le Hainaut, ou encore à Dendermonde, en Flandre orientale. Le premier document assuré que nous possédions le désigne comme chantre à Notre-Dame d'Anvers, entre juin 1443 et juin 1444 : Ockeghem est dans sa trentaine. Puis la France devient sa terre d'élection : de 1446 à 1448, il figure parmi les douze chapelains de Charles Ier, duc de Bourbon, au château de Moulins. En 1452, il est nommé premier chapelain et compositeur de la chapelle royale installée sur les bords de la Loire ; en 1465, il devient « maître de la chapelle du chant du roy ». Sa carrière se déroule dès lors au service exclusif des monarques français, successivement Charles VII, Louis XI et Charles VIII. Le premier d'entre eux lui accorde de riches prébendes ; c'est ainsi qu'il le nomme, entre 1456 et 1459, trésorier de l'abbaye Saint-Martin de Tours, dignité lucrative et assortie de privilèges. Contrairement à nombre de compositeurs franco-flamands qui parcoururent l'Europe et vécurent notamment en Italie, Ockeghem voyagea peu ; à peine connaît-on un déplacement en Espagne (1470), car il faisait partie d'une mission diplomatique, et un autre en Flandre (1484). Mais sa renommée s'étend, de son vivant, dans toute l'Europe musicale. Ses œuvres furent souvent reproduites, surtout dans des manuscrits italiens. Gilles Binchois lui a dédié son motetIn hydraulis ; Loyset Compère l'a cité dans son motet Omnium bonorum plena ; Johannes Tinctoris lui a dédié, ainsi qu'à Anthoine Busnois, le Liber de natura et proprietate tonorum (1476), témoignant de son admiration pour les deux « praestantissimi ac celeberrimi artis musicae professores ». À sa mort en 1497 (et non 1495), plusieurs complaintes furent écrites : deux par Jean Molinet, dont une fut mise en musique par Josquin Des Prés (Sol lucens super omnes), une par Érasme, dédiée au « musicus summus » et mise en musique par Johannes Lupi (Ergo ne conti cuit) et, la plus célèbre, la Déploration de Guillaume Crétin sur le trépas de Johannes Ockeghem, qui comprend plus de quatre cents vers et commence par cette invitation : « Acoutrez-vous d'habitz de deuil : Josquin, Brumel, Pinchon, Compère... »

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Paul LACAS. OCKEGHEM JOHANNES (1410 env.-1497) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONTREPOINT

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 4 643 mots
    Dufay et surtout Ockeghem en arrivent à échafauder des canons d'une rigueur inhumaine où le nombre de voix ne cesse d'augmenter, allant même jusqu'à trente-six voix dans un motet célèbre. Combinaisons savantes, jeux de mandarin valables pour le papier plus que pour l'oreille, car c'est une vérité d'expérience...

Voir aussi