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WINCKELMANN JOHANN JOACHIM (1717-1768)

Indéniablement l'une des personnalités les plus fascinantes de ce xviiie siècle que Goethe appelait le « siècle de Winckelmann », Winckelmann est un précurseur du néo-classicisme européen et notamment allemand. Il est le fondateur de l' archéologie en tant que discipline moderne ; grâce à ses écrits, l' histoire de l'art et l'histoire de l'archéologie allemande purent connaître une diffusion européenne. Suivant un parti pris rigoureux, il consacra la validité exclusive de certaines caractéristiques bien déterminées de l'art grec. Le Beau est au cœur même de sa réflexion esthétique. Pleinement conscient de son originalité, il poursuit son objectif avec une assurance admirable et évoque les « miracles » de son existence dans sa correspondance qui comprend près de mille lettres. Ses penchants homosexuels et sa mort violente ont contribué à la naissance de sa légende.

L'ascension

Johann Joachim Winckelmann naquit à Stendal (Vieille Marche), nom que Henri Beyle prit comme pseudonyme. Fils de cordonnier, il étudia à contrecœur la théologie protestante à Halle, et parvint à devenir aspirant. Il mena tout d'abord une existence misérable comme instituteur et précepteur. Tout changea à Dresde. Après avoir été six ans bibliothécaire chez l'historien von Bünau, l'admirateur de Pierre Bayle et de Voltaire se convertit au catholicisme afin, doté d'une bourse par la cour de Saxe, de pouvoir visiter les antiquités romaines. À Dresde encore, il publia son premier écrit qui constitue un programme et qui fit date : Gedanken über die Nachahmung der griechischen Werke in der Malerei und Bildhauerkunst (1755, Réflexions sur l'imitation des œuvres grecques dans la sculpture et la peinture), un essai de quarante pages tiré à cinquante exemplaires, qu'il fit suivre un an plus tard d'une réplique fictive, Sendschreiben über die Gedanken (L'Épître sur les Réflexions), à laquelle il répondit par une Erläuterung der Gedanken (Explication des Réflexions). Les Réflexions parurent dès 1755-1756 en traduction française, puis anglaise. Attaché à Rome à la cour pontificale, président des Antiquités et scriptor de la bibliothèque vaticane, il conseilla son protecteur, le cardinal Albani, lorsque celui-ci décora sa villa de sculptures antiques. Il rejeta des offres émanant de princes allemands, notamment du roi de Prusse, pour conserver son indépendance. En 1768, il voulut cependant se rendre à Berlin mais se ravisa bientôt et retourna en Italie en passant par Vienne, où il fut reçu par l'impératrice Marie-Thérèse. Il mourut le 8 juin 1768 à Trieste, assassiné par un jeune homme qui tentait de le voler.

Dès le premier écrit de Winckelmann, on peut lire ces phrases formulées de manière apodictique, qui firent de lui le héraut du classicisme : « Le seul moyen que nous ayons d'être grands, voire inimitables si c'est possible, est d'imiter les Anciens [...]. L'éminente caractéristique générale des chefs-d'œuvre grecs est [...] une noble simplicité et une grandeur silencieuse [...]. De même que le fond des mers demeure toujours en repos quelle que soit la fureur des flots en surface, les figures des Grecs expriment dans toutes les passions une âme grande et sereine. » Ces phrases condamnent la théorie et la pratique artistiques du baroque et du rococo pour lesquelles, conscient de sa vocation hellénique, il n'éprouvait que mépris. À l'encontre de l'humanisme et du classicisme des pays latins, notamment de la France, qui se réclament principalement de l'héritage romain, Winckelmann proclame l'évangile des Grecs qui, grâce à lui et à ses disciples, Herder, Goethe, Hölderlin et même Nietzsche, est devenu le modèle du néo-humanisme allemand.

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur ordinaire de littérature comparée à l'université de Bonn

Classification

Pour citer cet article

Horst RÜDIGER. WINCKELMANN JOHANN JOACHIM (1717-1768) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

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Laocoon

Autres références

  • JOHANN JOACHIM WINCKELMANN. ENQUÊTE SUR LA GENÈSE DE L'HISTOIRE DE L'ART (É. Décultot)

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 1 030 mots

    L'histoire de l'art, écrit-on souvent, commencerait avec Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) assignant pour la première fois aux œuvres de l'art antique une véritable histoire, c'est-à-dire des styles, des cycles et des territoires. Cette formation de ce que l'on décrit communément comme...

  • RÉFLEXIONS SUR L'IMITATION DES ŒUVRES GRECQUES EN PEINTURE ET EN SCULPTURE, Johann Joachim Winckelmann - Fiche de lecture

    • Écrit par Elisabeth DÉCULTOT
    • 1 137 mots

    C'est en juin 1755 que Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) fait paraître les Réflexions sur l'imitation des œuvres grecques en peinture et en sculpture, son premier livre. Initialement publié en une cinquantaine d'exemplaires, ce court essai attire aussitôt l'attention. Dès le printemps...

  • ANTIQUAIRE

    • Écrit par Gérard ROUSSET-CHARNY
    • 1 223 mots

    Le terme d'antiquaire désigne aujourd'hui un marchand d'objets d'art, d'ameublement et de décoration anciens. Mais le nom avait autrefois un sens voisin de celui que nous attribuons maintenant à archéologue. L'Encyclopédie de Diderot proposait la définition suivante...

  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Histoire de l'archéologie

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 5 390 mots
    • 7 médias
    ...comme le fait le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778) pour les espèces animales et végétales. Pour l'Antiquité gréco-romaine, l'Allemand Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) jouera un rôle essentiel. Dans son Histoire de l'art de l'Antiquité publiée en 1764, il dresse la première...
  • ART (Le discours sur l'art) - L'histoire de l'art

    • Écrit par André CHASTEL
    • 4 725 mots
    • 1 média
    ...tous les aspects du « vasarisme », il fallait une double concentration sur le concret des formes et sur les articulations spécifiques du développement. Le Lehrgebäude der Geschichte der Kunst in der Altertum (Dresde, 1764), de Winckelmann, définit pour la première fois l'idée d'une histoire de l'art...
  • ESTHÉTIQUE - Histoire

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 11 892 mots
    • 3 médias
    ...l'imagination sur la raison, et d'Allemagne, avec la théorie du Gefühl que développent Sulzer (Origine des sentiments agréables ou désagréables, 1751) et Winckelmann (Histoire de l'art dans l'Antiquité, 1764), que vient le recul de la raison : désormais, l'expérience individuelle compte...
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Voir aussi