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POMMERAT JOËL (1963- )

Le théâtre de Joël Pommerat est celui des mots qui se cherchent, des phrases qui s'élancent et se brisent et s'enroulent jusqu'à faire surgir, du plus profond des silences, les non-dits, les secrets inavoués. Faussement réaliste, réellement poétique, son verbe n'en obéit pas moins à des règles savantes. Inscrit dans le concret des existences en proie à la difficulté d'être, il traite tout à la fois des hommes et du monde, quand le présent et l'Histoire, le privé et le social ne font plus qu'un.

<em>La Réunification des deux Corées</em>, de Joël Pommerat. - crédits : Elizabeth Carecchio/ Théâtre de l'Odéon

La Réunification des deux Corées, de Joël Pommerat.

Joël Pommerat - crédits : Eric Fougere/ VIP Images/ Corbis/ Getty Images

Joël Pommerat

Un théâtre politique, donc, même si Joël Pommerat récuse l'expression, décliné depuis vingt ans en près d'une vingtaine de pièces qu'il a lui-même mises en scène, passant de la marginalité à la reconnaissance (il est lauréat du Grand Prix de littérature dramatique pour Les Marchands, en 2007).

Né en 1963 à Roanne, Joël Pommerat passe ses premières années à Rochefort, avant de s'installer à Chambéry avec ses parents. Au lycée, il découvre le théâtre grâce à son professeur de français. Son premier choc naît en 1977 d'un séjour au festival d'Avignon, durant les plus riches heures d'un théâtre héritier de Mai-68 et nourri d'utopies. Personnalité phare de la cité des papes depuis la « crise » qui secoua le festival en juillet 1968, Gérard Gélas crée Fantastic Miss Madona au Chêne Noir. Pour Joël Pommerat, c'est la révélation d'un théâtre de troupe à la fois épique et ouvert à l'imaginaire, en quête d'un nouveau public et de formes inédites, capables de briser les frontières entre les genres.

Sans doute n'imagine-t-il pas, alors, qu'il se lancera à son tour dans l'aventure. Abandonnant ses études en terminale, il s'inscrit à l'école hôtelière, puis travaille chez un pisciculteur. Ce n'est qu'en 1980, à dix-sept ans, qu'il revient à ses rêves et décide de devenir acteur, en « montant » à Paris. Un acte « socialement transgressif » rappelle-t-il, en une époque où ce métier, aujourd'hui à la mode, effraie encore les familles. Après un bref passage au conservatoire du XIIIe arrondissement, il rejoint un groupe d'amateurs à Château-Thierry, puis une compagnie professionnelle en Picardie.

Trois ans plus tard, Joël Pommerat revient à Paris, multiplie les stages et les rencontres, répète le rôle d'Ivanov sous la direction d'un ancien du Théâtre du Soleil. Au bout d'un an de travail, celui-ci abandonne le projet. Frustré, Joël Pommerat décide de renoncer au métier d'acteur, trop dépendant des autres et de leur désir. Il veut être maître de lui-même. C'est ainsi qu'en 1987 il achève son premier texte, construit à partir des correspondances et journaux intimes de Tchekhov, Tolstoï et Tourgueniev, 25 Années de littérature de Leon Talkoï. Suivent, en 1990, Théâtre, un monologue sur l'ennui, et Sur le chemin de Dakar, sorte de journal influencé par les surréalistes et Beckett. Pour que ces œuvres puissent être jouées, il loue des salles à Paris (le Théâtre Clavel, la Main d'or...) crée la compagnie Louis Brouillard et devient metteur en scène.

Au lendemain de la création de Treize Étroites Têtes en 1997, une ultime crise éloigne Joël Pommerat du théâtre pendant trois ans. Passionné par Raymond Depardon et les frères Dardenne, il se tourne vers le cinéma, réalise des courts-métrages et des documentaires. En 2000, il retrouve la scène définitivement avec une nouvelle pièce Mon ami, créée au Théâtre Paris-Villette, son fidèle soutien avec le Théâtre de Brétigny.

Depuis, de nouvelles créations se sont succédé : Qu'est-ce qu'on a fait ? (2003), Au monde et Le Petit Chaperon rouge (2004), D'une seule main (2005), Les Marchands et Cet Enfant (2006), Je tremble I (2007), Je tremble II et Pinocchio (2008), Cercles/Fictions[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification

Pour citer cet article

Didier MÉREUZE. POMMERAT JOËL (1963- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Joël Pommerat - crédits : Eric Fougere/ VIP Images/ Corbis/ Getty Images

Joël Pommerat

<em>Ç</em><em>a ira (1) Fin de Louis</em>, J. Pommerat - crédits : Elizabeth Carecchio

Ça ira (1) Fin de Louis, J. Pommerat

Autres références

  • ÇA IRA (1) FIN DE LOUIS (J. Pommerat)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 957 mots
    • 1 média

    Quatre heures trente de passions, de colères et de liesse, de tensions. Quatre heures trente de disputes, controverses et déclarations solennelles devant un public fasciné et tout ouïe. Ça ira (1) Fin de Louis, écrit et mis en scène par Joël Pommerat, se situe dans la continuité des grandes...

  • LES MARCHANDS (J. Pommerat)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 965 mots

    Autodidacte, mais riche d'expériences qui l'ont mené de Chambéry à Paris, Joël Pommerat (né en 1963) s'est lancé, dans les années 1990, dans l'écriture et la mise en scène en fondant sa propre compagnie, Louis Brouillard. Discret, secret presque, soutenu par des amitiés fidèles (le Théâtre...

  • CERCLES/FICTIONS (J. Pommerat)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 979 mots

    D'abord, il y a l'histoire de L'Homme aristocrate avouant son amour à son valet qui le repousse en s'excusant (« J'aime servir. J'aime obéir. Je veux faire ça toute ma vie. [...] mais je suis vraiment désolé. Je ne peux pas faire ce que vous me demandez. »). Ensuite, il y a celle de La Femme aristocrate...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - Crises et perspectives contemporaines

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 3 827 mots
    • 5 médias
    Enfin, un auteur fait depuis plusieurs années l’unanimité auprès du public. Animateur de la Compagnie Louis Brouillard, Joël Pommerat met en scène ses propres textes, à partir d’une écriture qui s’élabore autour d’un travail sur le plateau et demeure en mouvement jusqu’aux premières représentations....

Voir aussi