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TRINTIGNANT JEAN-LOUIS (1930-2022)

L’amour de la scène

À deux reprises, Jean-Louis Trintignant a accompli son rêve de devenir réalisateur. En 1973, Une journée bien remplie rappelle l'humour noir britannique de la fin des années 1940. Une ironie plus cruelle marque, en 1979, Le Maître-nageur. Deux échecs commerciaux cuisants. Alors qu'il avait annoncé son retrait au début des années 1980, il tourne avec Bertrand Blier (Merci la vie, 1991), Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber, 1994 ; Un héros très discret, 1996), Krzysztof Kieslowski (Trois Couleurs : rouge, 1994) ou encore Patrice Chéreau (Ceux qui m'aiment prendront le train, 1998). Il choisit aussi par goût personnel des petites productions très discrètes telles que C’est jamais loin, d’Alain Centonze (1996), et surtout Fiesta, de Pierre Boutron (1995), où il campe un cynique, sadique et déplaisant colonel franquiste homosexuel.

Mais, en dehors de ses vignes près d’Uzès, Trintignant se consacre de plus en plus au théâtre, avec Art, de Yasmina Reza, La Valse des adieux, de Louis Aragon… Il travaille avec sa fille Marie, en particulier pour Apollinaire-Poèmes à Lou. Son gendre Samuel Benchetrit écrit pour eux Comédie sur un quai de gare, sur les relations entre un père et sa fille. De son côté, Trintignant joue un petit rôle en 2002 dans un film de ce dernier, Janis et John, qui vaut surtout pour la belle et dernière apparition de Marie Trintignant. En effet, en 2003, celle-ci meurt à Vilnius après avoir été frappée par son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat. Jean-Louis Trintignant ne retrouvera la capacité de travailler que des mois plus tard. D’abord en montant plusieurs spectacles de 2005 à 2009 : sur trois poètes « libertaires » qu’il adore (Prévert, Boris Vian et Robert Desnos), ou d’après le Journal de JulesRenard, puis avec une pièce de Benchetrit, Moins 2.

Avant de faire ses adieux au théâtre à Vannes en 2013, et à la poésie salle Pleyel à Paris en 2017, Jean-Louis Trintignant a beaucoup hésité à jouer dans Amour (2012), réalisé par Michael Haneke. Outre Isabelle Huppert, Trintignant y a pour partenaire Emmanuelle Riva dans un film d’amour autour d’un couple octogénaire dont le mari assiste, impuissant, à l’agonie de son épouse. Le film est unanimement salué par la presse et le public. Haneke remporte sa seconde palme d’or cannoise (après celle qui fut attribuée en 2009 au Ruban blanc). Le film obtient cinq césars dont deux récompensent le couple principal, et Trintignant reçoit de son côté le trophée du meilleur acteur aux European Film Awards 2012… Amour, assurait-il, serait sa dernière apparition au cinéma… Pourtant, sous la pression de Haneke, aidé par la persuasive Margaret Menegoz (Les Films du Losange), déjà productrice d’Amour, Trintignant accepte d’être le protagoniste de Happy End, avec Isabelle Huppert et Mathieu Kassovitz, présenté au festival de Cannes en 2017. Sa dernière prestation sera, sous la direction de Claude Lelouch, Les Plus Belles Années d’une vie (2019). L’acteur retrouve Anouk Aimée pour ce film qui se présente comme une nouvelle « suite » d’Un homme et une femme.

Jean-Louis Trintignant meurt le 17 juin 2022 à Collias (Gard).

— Joël MAGNY

— Universalis

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Joël MAGNY. TRINTIGNANT JEAN-LOUIS (1930-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean-Louis Trintignant - crédits : Patrick Jacob/ Opale.photo

Jean-Louis Trintignant

Autres références

  • AUDRAN STÉPHANE (1932-2018)

    • Écrit par Alain GAREL
    • 636 mots
    • 1 média

    Née Colette Dacheville le 8 novembre 1932 à Versailles, Stéphane Audran suit les cours d’art dramatique de Tania Balachova, Charles Dullin, Michel Vitold et René Simon. Elle épouse en 1954 Jean-Louis Trintignant, son condisciple du cours Simon, avec qui elle débute sur scène, en 1955, dans...

  • MA NUIT CHEZ MAUD, film de Éric Rohmer

    • Écrit par Michel MARIE
    • 954 mots

    En 1969, la Nouvelle Vague est déjà loin. Éric Rohmer (1920-2010), chef de file des « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma, a totalement manqué son entrée dans la carrière de réalisateur avec un film très personnel, Le Signe du lion (1962), qui n'est distribué que confidentiellement dans...

  • Z, film de Constantin Costa-Gavras

    • Écrit par Kristian FEIGELSON
    • 913 mots

    Après avoir été l'assistant d'Yves Allégret, de René Clair et de Jacques Demy, Costa-Gavras, né en 1933 à Athènes, réalise deux films : l'un policier, Compartiment tueurs, en 1965, et l'autre sur la Résistance, Un homme de trop, en 1967. À trente-cinq ans, il entreprend...

Voir aussi