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CLAIR RENÉ CHOMETTE dit RENÉ (1898-1981)

Maurice Chevalier et René Clair - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maurice Chevalier et René Clair

Auteur de films et, accessoirement, critique, essayiste et romancier. Après des débuts comme journaliste (L'Intransigeant), comme parolier (pour Damia), comme comédien (notamment pour Feuillade), comme assistant, comme critique (à Théâtre et Comœdia illustré), il tourne Paris qui dort (1923), puis Entr'acte (1924), qui veulent étonner et choquer, dans la ligne du dadaïsme (Clair est ami de Picabia et de Satie). Admirateur de Jacques Feyder, il va chercher dans l'image muette les façons d'exprimer l'intraduisible, dans deux films fantastiques d'abord (Le Fantôme du Moulin-Rouge, 1924 ; Le Voyage imaginaire, 1925), puis dans l'adaptation visuelle de deux comédies de Labiche, Un chapeau de paille d'Italie (1927) et Les Deux Timides (1928). Il y accumule les trouvailles, la verve, le rythme dans un montage analytique d'images minutieusement prévues dans un découpage précis.

Le parlant ne l'étourdit pas : au contraire, il le déçoit. « Il aurait dû venir, déclare-t-il, après la couleur et le relief. » Il se défend contre son ingérence, et s'amuse à introduire la chanson à couplets et la musique apparemment légère (mais signée Georges Auric, Georges Van Parys, Maurice Jaubert). C'est sa manière à lui de refuser le parlant intégral. Sous les toits de Paris, Le Million (1930), À nous la liberté (1931), Quatorze Juillet (1932), Le Dernier Milliardaire (1934) : pour d'aucuns, c'est la période faste, celle du « grand » René Clair, tendre, souriant, mélancolique parfois, un peu « fleur bleue », en pleine maîtrise de sa plume, de sa caméra et des possibilités offertes par le microphone. C'est l'époque aussi de la solide équipe de travail, avec Lazare Meerson aux décors et un petit groupe fidèle d'interprètes.

Passé en Angleterre (Fantôme à vendre, 1935 ; Fausses Nouvelles, 1937), puis aux États-Unis (La Belle Ensorceleuse, 1940 ; Ma femme est une sorcière, 1942 ; C'est arrivé demain, 1943 ; Dix Petits Indiens, 1945), il reste fidèle à son style. Clair joue avec les trucages, les fondus, les associations d'images ou de mots pour faire apparaître une mécanique du songe ou du fantastique. Il traite le rêve en technicien alors qu'il se prend pour un poète. Ce cinéma se veut un cinéma « d'auteur » : du scénario (ou de son adaptation) au poli final, Clair aura été l'un des premiers en France à faire d'un film un tout orchestré par un seul homme, aidé de comédiens (et non dominé par eux), travaillant en équipe homogène.

<it>Les Grandes Manœuvres</it>, R. Clair - crédits : Cinétel, Filmsonor, Rizzoli Film, SECA/ Cinédis/ Diltz/ Bridgeman images

Les Grandes Manœuvres, R. Clair

Allait-on, à son retour des États-Unis, retrouver le Clair d'antan ? Le silence est d'or (1947), L'École des femmes dans les décors de Sous les toits de Paris l'ont fait espérer un moment. Mais le maître ne pouvait reconstituer son groupe de collaborateurs amis, il cédait aussi à la tentation de « rédiger » avec plus d'apprêt ses dialogues, de recourir à des vedettes. L'ambition de La Beauté du diable (1949) dépassait ses moyens. Sa verve souriante, son amitié pour les humbles, son art de la poursuite réapparurent dans Les Belles de nuit (1953), au mécanisme si parfaitement huilé qu'il en perdait sa chaleur. Les couleurs pastel des Grandes Manœuvres (1955) évoquaient, comme le camaïeu délicat du Silence est d'or, en noir et blanc, les souvenirs de la Belle Époque. Malgré Brassens, Porte des Lilas (1957) accentuait un déclin que ne démentirent ni Tout l'or du monde (1961), ni Les Fêtes galantes (1965).

Opposant un démenti à Gide qui niait qu'on pût faire de l'art avec des bons sentiments, René Clair est un auteur de films souriants, pleins d'esprit, fantaisistes mais grêles : l'œuvre est à prendre ou à laisser quasiment en bloc, donc elle existe. Mais même ses admirateurs conviennent de son éclipse. Réflexion faite, notes pour[...]

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Pour citer cet article

Victor BACHY. CLAIR RENÉ CHOMETTE dit RENÉ (1898-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Maurice Chevalier et René Clair - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maurice Chevalier et René Clair

<it>Les Grandes Manœuvres</it>, R. Clair - crédits : Cinétel, Filmsonor, Rizzoli Film, SECA/ Cinédis/ Diltz/ Bridgeman images

Les Grandes Manœuvres, R. Clair

Autres références

  • SOUS LES TOITS DE PARIS, film de René Clair

    • Écrit par Michel MARIE
    • 938 mots

    En 1927, Le Chanteur de jazz (The Jazz Singer) d'Alan Crosland, avec Al Jolson comme vedette, remporte le premier grand succès international du cinéma sonore et parlant, bien que les dialogues y soient de très courte durée (deux minutes). Le film est distribué à Paris fin 1929 après avoir triomphé...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    À cette époque, René Clair donne Paris qui dort (1924), Entracte (1924), Un chapeau de paille d'Italie (1927), qui sont sans aucun doute, avec ses premiers films parlants, ce qu'il a fait de meilleur. La « course-poursuite », héritée de l'école burlesque d'avant la guerre, devient la cellule...
  • CINÉMA (Réalisation d'un film) - Musique de film

    • Écrit par Alain GAREL
    • 6 489 mots
    • 5 médias
    ...cinéma sonore, avec dialogues, mais sans musique de fosse, y alternent avec des scènes de muet, avec accompagnement musical, voire avec des bruitages. Il en est de même de Sous les toits de Paris de René Clair (1930) où se mêlent cinéma chantant, le protagoniste étant chanteur de rues, cinéma sonore,...
  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS, René PRÉDAL
    • 11 105 mots
    • 7 médias
    C'est pourtant ce même René Clair qui avait écrit en 1927 « on n'apprendra pas sans frémir que certains industriels américains parmi les plus dangereux voient dans le cinéma parlant le spectacle de l'avenir » qui tournait en 1930 Sous les toits de Paris, film admiré aussi à Berlin...
  • PARLANT CINÉMA

    • Écrit par Michel CHION
    • 8 140 mots
    • 6 médias
    ...quoi l'art cinématographique doit être jugé. » Il reproche aussi au parlant d'amener la vulgarité, la promiscuité. Il rejoint par là les griefs de René Clair, déplorant que le parlant nous plonge dans la trivialité et nous ramène au théâtre : c'est pourquoi, dans son premier film parlant, Sous...

Voir aussi