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JORDAENS JACOB (1593-1678)

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Les premières influences

La période de jeunesse de Jordaens reste mal connue : le plus ancien tableau daté est de 1616 seulement (Sainte Famille, Metropolitan Museum de New York) et montre un remarquable emploi du clair-obscur caravagesque qui ne procède pas de l'art d'un débutant. Quant à l'influence de son maître Adam Van Noordt, elle est assez peu perceptible, ce qui ne laisse pas de surprendre quand on sait la durable cohabitation des deux peintres, déjà attestée en 1618 et encore en 1634 (Van Noordt meurt en 1641). Il semble, au contraire, que ce soit Jordaens qui ait marqué l'art de Van Noordt comme en témoigne, au musée de Bruxelles, Le Christ bénissant les enfants signé A. V. N. Néanmoins, toute une série d'œuvres regroupées ou identifiées par les études de Ludwig Burchard (1929) et de R. A. D'Hulst (1953 à 1967) peuvent être situées avant 1618 et montrent certains traits maniéristes.

Plus encore que sous le signe de Rubens, elles sont placées sous celui d' Abraham Janssens, dont l'art robuste n'a pu que convenir à la vigoureuse personnalité de Jordaens.

Si les schémas d'organisation sont rubéniens et, comme tels, obéissent à ce goût foncièrement maniériste pour les compositions entassées et disposées en frises horizontales de figures vues à mi-corps, le langage formel est très particulier et témoigne d'une savoureuse originalité : jeu des lignes souples et courbes qui dominent encore le rendu du corps humain, comme dans La Fuite en Égypte de Providence (Rhode Island), typique opposition maniériste entre les chairs pâles des femmes et le ton sombre des corps des hommes et des animaux, transitions fluides de la lumière à l'ombre, coloris froid aux ombres opaques et aux reflets violacés ou grisâtres. Par une véritable exagération hyperréaliste – mais le concept même de réalisme n'est nullement étranger à l'esprit maniériste –, les formes paraissent bossuées et rebondies, sans poids réel, tout à l'opposé du modelé dense et moelleux de Rubens : la Sainte Famille de Bruxelles (la Vierge y est coiffée du chapeau plat des bohémiennes, si fréquent dans les œuvres du maniériste par excellence, Bloemaert), Le Couronnement de Vénus à Copenhague, La Vocation de saint Pierre à l'église Saint-Jacques d'Anvers (tableau si longtemps attribué à Van Noordt et, comme tel, longuement vanté par Fromentin) sont de bons exemples de la production de Jordaens avant 1616. Vers cette même date se situent les excellents Portrait de famille de Saint-Pétersbourg et de Cassel, où l'artiste s'est peint avec les siens, puis avec sa belle-famille.

<it>Méléagre et Atalante</it>, J. Jordaens - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Méléagre et Atalante, J. Jordaens

Le caravagisme, cependant, exerce très tôt son influence sur le naturalisme latent de Jordaens, naturalisme qu'il ne fait qu'amplifier et superbement développer. Ici encore, le parallèle est frappant avec Abraham Janssens. Des œuvres extrêmement éloquentes par le sentiment intense du relief des formes, un éclat tout nouveau de la lumière et la vigueur réaliste des types humains surgissent ainsi vers 1616-1620 : Sainte Famille de New York, Crucifixion de Rennes (l'une des plus impressionnantes de l'artiste), de Saint-Paul d'Anvers et de la fondation Terninck de la même ville, Adoration des Mages de Grenoble entièrement fondée sur une « idée » rubénienne, Tentation de sainte Madeleine à Lille, Méléagre et Atalante à Madrid. Très vite, sous la double et heureuse influence du luminisme caravagesque et de Rubens, Jordaens parvient à sa véritable manière, réchauffant son coloris, enrichissant sa palette, tandis que sa touche se libère et découvre son propre rythme : l'essentiel en est fixé avec l'Adoration des bergers de Stockholm (1618) – dont d'autres versions se trouvent à La Haye et à Brunswick –, avec Les Filles de Cécrops d'Anvers (1617), ou [...]

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Écrit par

  • : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre

Classification

Pour citer cet article

Jacques FOUCART. JORDAENS JACOB (1593-1678) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

<it>Méléagre et Atalante</it>, J. Jordaens - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Méléagre et Atalante, J. Jordaens

<it>Le Roi boit</it>, J. Jordaens - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Roi boit, J. Jordaens

Autres références

  • ANVERS

    • Écrit par , et
    • 8 398 mots
    • 5 médias
    Jordaens apparaît, comme le constatent déjà ses contemporains, le premier parmi les peintres d'Anvers. Son décès ne survient qu'en 1678, mais, artistiquement, il survit à lui-même. L'exubérante vitalité du style rubénien, qu'il continue d'honorer, fait place, dès le milieu du siècle, à une expression...
  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE PEINTURE

    • Écrit par
    • 10 188 mots
    • 18 médias
    Peu après Rubens, voici Van Dyck et Jordaens. Tous trois se sont considérés comme des peintres d'histoire, bien qu'à nos yeux le troisième soit un peintre de genre et le second un portraitiste. Grâce à eux, Anvers n'est pas seulement la ville où sont passées les commandes de l'Église et des princes...
  • TAPISSERIE

    • Écrit par
    • 7 938 mots
    • 8 médias
    ...ensembles architectoniques, au lieu de les border comme ses prédécesseurs de simples encadrements à décor végétal. Rubens fut suivi par son disciple, Jacob Jordaens, qui livra les modèles de l'Histoire d'Ulysse, des Scènes de la vie champêtre, qui louent les agréments de l'existence rustique,...
  • VAN DYCK ANTOINE (1599-1641)

    • Écrit par
    • 5 734 mots
    • 6 médias
    ...Böhler, de Munich, à partir de 1914 environ, se trouve aujourd'hui très dispersée. Ces œuvres sont souvent confondues avec des œuvres équivalentes de Jordaens. Un faire frémissant, des accents lumineux dans le regard, des épaisseurs de pâte dans les parties éclairées, un dédain du correct et du sage...