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JAUSS HANS ROBERT (1921-1997)

Né à Göppingen, Hans Robert Jauss est avec Wolfgang Iser le fondateur d'un groupe de recherche littéraire connu sous le nom d'école de Constance. À la théorie traditionnelle de la production et de l'imitation littéraires, celle-ci oppose une théorie de la réception qui, pour la première fois, fait du lecteur un protagoniste essentiel de la communication littéraire.

Hans Robert Jauss, professeur de littératures romanes et de théorie de la littérature à l'université de Constance, où il enseigna de 1966 à 1987, commença sa carrière académique avec une thèse très remarquée sur À la recherche du temps perdu (1957). Sa thèse d'habilitation, La Poésie des animaux au Moyen Âge (1959), démontre, à travers une analyse du prologue de la première branche du Roman de Renart, de quelle manière ce roman prend en compte les attentes d'un public contemporain et à quel point la forme de l'œuvre nouvelle est fonction de celles-ci. Dans ce contexte, Jauss se sert pour la première fois du terme d'« horizon d'attente » qui devait devenir une des conceptions fondamentales de sa nouvelle esthétique de la réception. Les travaux qui suivront cette étude, et particulièrement ceux concernant l'allégorie médiévale, la querelle des Anciens et des Modernes et sa continuation chez Schiller et Schlegel, aussi bien que ses études sur Diderot et Baudelaire, sont centrés autour d'une poétique de la modernité ayant son origine dans le Moyen Âge chrétien, poétique qui contredit la doctrine d'une permanence extratemporelle des topoi littéraires, telle qu'Ernst Robert Curtius l'avait proposée dans La Littérature européenne et le Moyen Âge latin.

Par ses recherches dans le domaine de l'allégorie médiévale, mais aussi par le Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters qu'il dirigea avec Erich Köhler et qui continue le Grundriss der romanischen Philologie de Gustav Gröber, Jauss a donné une impulsion importante à la philologie médiévale.

Sa leçon inaugurale à la nouvelle université de Constance, L'Histoire littéraire comme provocation de la science des lettres (1966 ; traduite en français en 1978 sous le titre de Pour une esthétique de la réception), amena un changement de paradigme dans la théorie littéraire. C'est dans un dialogue critique avec le structuralisme, le formalisme, le positivisme historique et le marxisme, et tout en s'inspirant de certaines suggestions de la philosophieherméneutique de Hans Georg Gadamer que Jauss marqua sa nouvelle position théorique. Le programme d'une esthétique de la réception formulé ici est centré d'une part autour de la reconstitution de l'horizon d'attente du lecteur contemporain, d'autre part autour de la concrétisation dialogique du sens de l'œuvre dans le processus de son appropriation par des générations toujours nouvelles de lecteurs. Jauss a fait de ce programme un instrument permettant toute une série d'approches nouvelles de l'histoire littéraire.

Dans son œuvre principale L'Expérience esthétique et l'herméneutique littéraire (1982, trad. franç. partielle : Pour une herméneutique littéraire, 1988), tissu dense de réflexions théoriques et d'exégèses de textes littéraires qui vont du Moyen Âge au temps présent, Jauss se sert du concept d'expérience esthétique pour réhabiliter la jouissance esthétique du texte, mais aussi pour réconcilier le point de vue de la réception avec celui de la perception (aisthesis) et celui de la production (poiesis). Tout le champ de la culture occidentale, de l'Ancien Testament au travail poétique de Goethe et de Valéry sur le mythe de Faust, en passant par Le Roman de Renart, La Nouvelle Héloïse, Le Neveu de Rameau et Le Spleen de Paris, s'y trouve pris en compte. Dans Wege des Verstehens (1994), Jauss s'interroge[...]

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Pour citer cet article

Karlheinz STIERLE. JAUSS HANS ROBERT (1921-1997) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CRITIQUE LITTÉRAIRE

    • Écrit par Marc CERISUELO, Antoine COMPAGNON
    • 12 918 mots
    • 4 médias
    Sur la base de la phénoménologie d'Ingarden, Hans Robert Jauss a cherché à historiciser, ou à contextualiser, le procès de la lecture. La concrétisation du texte par la lecture est à ses yeux historique, car elle dépend des « horizons d'attente » selon lesquels on lit et évalue les textes à une date...
  • LITTÉRATURE - Sociologie de la littérature

    • Écrit par Gisèle SAPIRO
    • 6 823 mots
    • 1 média
    Contre l'herméneutique anhistorique d'un côté, mais aussi contre l'histoire littéraire positiviste et la théorie du reflet marxiste de l'autre, Hans-Robert Jauss a prôné une histoire littéraire antipositiviste fondée sur une approche de la réception conçue comme l'histoire des effets produits par...
  • LITTÉRATURE - La littérature comparée

    • Écrit par Pierre BRUNEL
    • 11 096 mots
    • 2 médias
    ...cesse le domaine de la littérature comparée ». Il en est sorti toute une série d'importantes études, dans le droit fil de l'« école française », avant une remise en question à laquelle n'est pas étranger ce qu'on pourrait appeler le « jaussisme », c'est-à-dire la réflexion de Hans-Robert Jauss et de ses...
  • RÉCEPTION, art et littérature

    • Écrit par Elsa MARPEAU, François-René MARTIN
    • 2 287 mots
    Pour prendre en compte l'effet de l'art sur son destinataire, au-delà de ces manifestations explicites,Hans Robert Jauss propose d'élaborer une « esthétique de la réception ». « [Par] tout un jeu d'annonces, de signaux – manifestes ou latents – de références implicites, de caractéristiques déjà familières,...

Voir aussi