Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GUÉRILLA

« Petite guerre », dont le vocable tient à l'insurrection populaire espagnole dressée de 1808 à 1813 contre les forces d'occupation napoléoniennes, la guérilla est, en première approche, une lutte armée du faible contre le fort, menée par des bandes ou des éléments légers qui s'efforcent de surprendre, de déséquilibrer, d'user l'adversaire, de le priver de sa liberté d'action et ainsi de sa supériorité par des actions multiples et incisives, toutes de souplesse, de mobilité et d'ubiquité.

Ce mode de combat répond à plusieurs logiques historiques, qu'il convient de distinguer :

– le soulèvement d'ordre sociologique de populations, plus ou moins minoritaires et opprimées, défendant leur intégrité, leurs biens, ou se battant pour une cause sociale, religieuse ou ethnique ; il s'agit là de violences souvent spontanées, voire primitives, que l'on retrouve dans les affrontements de clans propres aux sociétés pré-étatiques ou aux sociétés marquées par la désagrégation du cadre collectif ;

– la révolte à dominante idéologique et politique de partisans cherchant, en s'appuyant sur le peuple, à liquider un régime ou des dirigeants honnis ;

– la réaction nationale, enfin, contre un envahisseur ou un occupant, que celle-ci se présente sous la forme d'une « résistance » œuvrant au côté ou en complément d'une armée régulière chargée de la défense du pays ou bien qu'elle soit le fait, au contraire, de francs-tireurs ou de maquisards livrés à eux-mêmes.

De l'une à l'autre de ces hypothèses diffèrent non seulement les motivations, mais un certain nombre d'éléments, comme la structuration du mouvement, l'encadrement idéologique ou la formation des combattants. En revanche, sous réserve de l'évolution des matériels, les techniques ne varient guère, tandis que s'imposent deux facteurs communs essentiels : l'un est le temps, puisqu'il s'agit non pas de détruire l'ennemi à l'emporte-pièce, comme dans le combat classique, mais de le miner ou de le grignoter sous l'angle moral comme sous l'angle physique dans une lutte par essence prolongée ; l'autre facteur est le soutien populaire, atout majeur pour les insurgés, trame de la bataille et, de part et d'autre, enjeu véritable.

C'est là que les choses ont sans doute le plus changé. Vieille comme le monde, en effet, la guérilla a très souvent reflété des velléités diffuses, une effervescence anarchique, des pulsions antagonistes qu'épisodiquement quelques personnalités exceptionnelles réussissaient à contrôler et à transcender. Or, prolongeant l'analyse de Clausewitz, les écoles marxistes russe, puis asiatique ont systématisé et rationalisé le phénomène, non point jusqu'à le rendre irrésistible comme certains esprits simplistes l'ont affirmé, du moins en lui donnant une dimension nouvelle et, de là, de plus grandes chances de succès.

Le concept de guérilla n'en est pas pour autant limpide. D'une part, il se situe entre le combat classique et, à l'opposé, certaines formes de violences fragmentaires ou englobantes comme le terrorisme ou la guerre subversive ; d'autre part, il se présente différemment selon le cadre spatial et chronologique où on l'appréhende. Spécificité et évolution, tel sera l'objet de nos principales réflexions.

Les ambiguïtés de la « petite guerre »

Guérilla et guerre classique

La guerre classique, dominée par la notion de bataille décisive, cette « Marseillaise prussienne » chère à Clausewitz, ne se réduit pas à un choc frontal. Elle implique de manœuvrer l'ennemi, qu'on le surprenne, l'attaque de flanc, le fragmente, tel Horace contre les Curiaces, ou l'encercle, voire, comme disait Jomini, grand observateur des batailles napoléoniennes, « qu'on porte[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, ancien président de la Fondation pour les études de défense nationale

Classification

Pour citer cet article

Pierre DABEZIES. GUÉRILLA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Draza Mihajlovic - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Draza Mihajlovic

Tranchée au Vietnam - crédits : Hulton-Deutsch/ Corbis Historical/ Getty Images

Tranchée au Vietnam

Partisans vietcong - crédits : MPI/ Archive Photos/ Getty Images

Partisans vietcong

Autres références

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Face à la coalition des mécontentements voilés et des premières actions violentes de guérilla, la peu nombreuse minorité qui avait pris le pouvoir ne put s'empêcher de déclencher une répression d'autant plus incohérente que les rivalités entre Khalq et Parcham avaient repris de plus belle. Qui plus...
  • ALMEIDA JUAN (1927-2009)

    • Écrit par Universalis
    • 269 mots

    Révolutionnaire et homme politique cubain. Compagnon d'armes de Fidel Castro dès 1953, Juan Almeida Bosque participe à l'attaque de la caserne du Moncada à Santiago de Cuba pour renverser le régime de Fulgencio Batista, à la suite de laquelle il est condamné à dix ans de prison. Amnistié...

  • AMÉRIQUE LATINE - La question indienne

    • Écrit par David RECONDO
    • 2 825 mots
    • 2 médias
    ...Comme d'autres mouvements sociaux paysans ou urbains, les mouvements indiens ont parfois basculé dans l'action armée. Souvent prises entre deux feux –  celui des guérillas marxistes-léninistes et celui des forces armées et de leurs alliés paramilitaires –, les organisations indiennes ont parfois eu recours...
  • ARAFAT YASSER (1929-2004)

    • Écrit par Nadine PICAUDOU
    • 1 397 mots
    • 1 média
    ...engagé dans tous les combats de la résistance sous le nom de guerre d'Abou Ammar, un homme dont le courage physique a impressionné plus d'un observateur. L'écrasante défaite des armées arabes en juin 1967 fait de la guérilla palestinienne l'unique alternative face à Israël. Dernier atout...
  • Afficher les 44 références

Voir aussi