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GRÈVE

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Le droit de grève

Reconnaissance et limites en droit français

Après avoir été réprimée comme délit pénal jusqu'à la loi des 25-27 mai 1864, la grève a passé en moins de cent ans (1864-1946) du stade de la faute contractuelle au stade du droit reconnu. En effet, jusqu'en 1946, elle demeure une faute contractuelle, permettant de licencier les travailleurs (à l'issue du mouvement revendicatif). Elle est devenue un droit depuis le célèbre préambule constitutionnel du 27 octobre 1946 : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent. » Comme cette affirmation ne figurait qu'au préambule de la Constitution et non pas dans son corps même, une discussion doctrinale s'ensuivit, et certains en dénièrent la valeur constitutionnelle. Mais les interprétations dans leur ensemble considérèrent qu'elle valait règle de droit, puisque la disposition du préambule était une norme, une prescription précise. La controverse s'arrêta en 1950 par l' arrêt Dehaene du Conseil d'État en date du 7 juillet 1950, lequel proclama que la grève était « un principe fondamental de notre temps ».

Comme tout droit, le droit de grève est susceptible d'abus, et la jurisprudence a distingué les grèves illicites des grèves licites, le principe restant d'ailleurs la licéité. Sont illicites essentiellement les grèves politiques, car elles détournent l'arrêt de travail de sa destination normale et cause un préjudice injuste au chef d'entreprise (dont le comportement n'est pas en jeu). La jurisprudence, très sévère, de la Cour de cassation estime que tous les participants à une grève politique (et même à une grève mixte politico-professionnelle) sont lourdement fautifs et que leur contrat de travail peut valablement être rompu. Il en va de même de la grève perlée, qui diminue le rendement et par conséquent est considérée comme une violation des obligations prévues au contrat de travail.

Enfin sont abusives les grèves tournantes ou les grèves répétées qui ont engendré une grave désorganisation de l'entreprise, dès lors que cet effet était voulu et concerté par les grévistes.

De telles actions ne suspendent pas d'elles-mêmes le contrat de travail, mais constituent une faute lourde, susceptible d'entraîner par la suite une rupture de ce contrat ou autorisant le chef d'entreprise à prendre des sanctions disciplinaires.

En revanche, sont licites les grèves professionnelles quel que soit leur moment, même si la date prévue pour leur déclenchement est particulièrement spectaculaire ou nocive (lancement d'un paquebot, d'un nouveau modèle de voiture, visites de chefs d'État), même si elles se répètent souvent et ne durent que de brefs instants, dès lors qu'elles n'ont pas eu pour but la désorganisation de l'entreprise, fussent-elles sous la forme de grèves tournantes.

Quant aux grèves de fonctionnaires ou d'agents de services publics, elles sont licites depuis 1946, quoique dans les mêmes limites que les grèves du secteur privé. En outre, la loi du 31 juillet 1963 a interdit les grèves tournantes dans les services publics et a obligé les grévistes à envoyer, cinq jours avant la grève, un préavis au supérieur hiérarchique. Mais tout encadrement procédural des grèves est assez illusoire et, de fait, les grévistes ont très souvent fait la « grève du préavis », particulièrement lors des événements de mai-juin 1968. Bien que des sanctions assez sévères soient prévues, il n'en a jamais été fait application, la masse des insoumis étant trop grande.

Un problème demeure cependant, relatif à l'harmonie entre la grève et la liberté du travail. Les grévistes nuisent parfois à celle-ci, dans la personne des membres du personnel qui désirent travailler. Par les piquets de grève, par une persuasion tantôt[...]

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Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Hélène SINAY. GRÈVE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

Front populaire, 1936 - crédits : The Image Bank

Front populaire, 1936

Usine occupée en 1936 - crédits : AKG-images

Usine occupée en 1936

1968 dans le monde - crédits : Pathé

1968 dans le monde

Autres références

  • DROIT DE GRÈVE (France)

    • Écrit par
    • 208 mots
    • 1 média

    La loi votée le 25 mai 1864 modifie les articles 414-416 du Code pénal visant la grève. La répression n'est désormais prévue que dans le cas de violence, de menaces ou d'atteintes à la liberté du travail. La grève cesse donc d'être considérée comme un délit. Depuis la...

  • AFL-CIO (American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations)

    • Écrit par et
    • 6 913 mots
    • 2 médias
    C'est alors la grande époque de l'agitation sociale aux États-Unis. La grande grève de 1877, qui atteint tous les centres ferroviaires et voit la ville de Pittsburgh occupée par les insurgés ; les événements de Haymarket en 1886 ; les grèves de Homestead en 1892, de Pullman en 1894 et de Cœur d'Alene...
  • AMIENS CHARTE D' (1906)

    • Écrit par
    • 865 mots

    Motion votée au IXe congrès confédéral de la C.G.T., tenu du 8 au 16 octobre 1906, la Charte d'Amiens est considérée comme le texte fondamental du syndicalisme révolutionnaire.

    La C.G.T. avait été créée au congrès de Limoges en 1895 par la Fédération des Bourses du travail...

  • BELGIQUE - La période contemporaine

    • Écrit par , et
    • 9 047 mots
    • 2 médias
    Un des événements majeurs de l'époque se situe au cœur de l'hiver de 1960-1961 : il s'agit de la grande grève en opposition à un important projet de loi du gouvernement Eyskens. La coalition des sociaux-chrétiens et des libéraux, qui était alors au pouvoir, avait jugé habile de...
  • BRÉSIL - Le Brésil contemporain

    • Écrit par et
    • 5 681 mots
    • 4 médias
    ...syndicalisme combatif a charpenté l'opposition au régime. Entre 1960 et 1980, la proportion de travailleurs du secteur industriel passa de 12,9 à 24,4 %. Les grèves, déclenchées à partir de 1976, montraient que cette nouvelle classe ouvrière débordait les structures corporatives, héritées de la première...
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