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MENDEL GREGOR JOHANN (1822-1884)

Portée de l'œuvre

Mendel attribuait sans doute à sa découverte une portée très large. Ses sondages faisaient apparaître les mêmes « lois de série développée » (Entwicklungsgesetze) dans des genres différents, notamment Phaseolus (le haricot) où il supposait, pour expliquer la diversité des formes en F2, que tel caractère (fleurs rouges chez Phaseolus multiflorus W.) était déterminé par une pluralité de facteurs indépendants. Pensait-il que le même schéma se retrouvât pour l'hybridation animale ? Il faudrait savoir pour cela ce qu'il attendait de ses expériences sur les abeilles. En tout cas, l'application du concept d'hybridation à des caractères se manifestant isolément assimilait finalement l'« Hybridologie » à une théorie formelle de l'hérédité des caractères individuels. Mendel s'en est probablement rendu compte, bien que son texte, très sobre et très prudent, ne l'explicite pas.

Ses contemporains ne décelèrent dans son travail ni lois de l'hérédité ni théorie de l'hybridation dignes d'intérêt : pas de commentaires ni de discussions à l'issue de ses deux exposés devant le Naturforschender Verein de Brünn (8 févr.-8 mars 1865) ; le texte, paru dans le tome IV des Verhandlungen de l'Association, ne suscita pas plus d'émotion. En Russie, I. F. Schmalhausen résume, dans une note de sa thèse (1874), les schémas de Mendel surtout comme une curiosité, semble-t-il. W. O. Focke, dans son ouvrage de synthèse sur les hybrides végétaux (Die Pflanzenmischlinge, 1881), cite comme méritoires les recherches de Mendel sur Phaseolus, Pisum, Hieracium, mais ne fait aucun cas de ses formules combinatoires.

Cette indifférence du monde scientifique s'explique sans doute par le caractère insolite du mode de pensée mendélien, qui pouvait paraître « antibiologique », surtout en 1865 ; par la coupure séculaire séparant, aux yeux des naturalistes, les problèmes de l'hérédité de ceux de l'hybridation ; peut-être aussi par l'allure apparemment « fixiste » des conclusions de l'auteur, en une époque marquée par le retentissement de L'Origine des espèces.

Mendel lui-même eut la déception de ne pas retrouver ses lois dans le genre Hieracium, dont C. von Nägeli lui avait signalé l'étrangeté. Il se demande en 1869 (tome VIII des Verhandlungen) s'il n'y a pas un groupe de végétaux comprenant Hieracium, Salix (travaux de Wichura), etc. qui échappe à sa théorie (on établira au début du xxe siècle que ces anomalies sont dues à une parthénogenèse inaperçue).

— Jacques PIQUEMAL

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Montpellier

Classification

Pour citer cet article

Jacques PIQUEMAL. MENDEL GREGOR JOHANN (1822-1884) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Gregor Johann Mendel - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Gregor Johann Mendel

Transmission du patrimoine génétique - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Transmission du patrimoine génétique

Autres références

  • LOIS MENDÉLIENNES DE L'HÉRÉDITÉ

    • Écrit par Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS
    • 259 mots

    Moine et botaniste, Gregor Mendel (1822-1884) s'intéressait à la transmission héréditaire de l'aspect des graines de petits pois, en étudiant statistiquement les produits de croisement de différentes variétés. Il découvre ainsi que des caractères distincts, par exemple la couleur et la forme,...

  • RECHERCHES SUR DES HYBRIDES VÉGÉTAUX (G. Mendel)

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 901 mots
    • 1 média

    Au cours de deux conférences successives devant la Société des sciences naturelles de Brünn (selon l’appellation autrichienne, Brno en République tchèque), les 8 février et 8 mars 1865, Gregor Mendel rapporte les résultats qu’il a obtenus sur l’hybridation des végétaux et sur la manière dont les...

  • BATESON WILLIAM (1861-1926)

    • Écrit par Jacqueline BROSSOLLET
    • 211 mots

    Zoologiste et généticien anglais. Lorsqu'en 1900 Bateson prend connaissance des lois de Mendel, il est biologiste à Cambridge et ses Materials for the Study of Variation Treated with Especial Regards to Discontinuity in the Origin of Species (1894) sont une thèse rigoureuse, mais révolutionnaire,...

  • ÉPIGÉNÉTIQUE

    • Écrit par Pierre-Antoine DEFOSSEZ, Olivier KIRSH, Ikrame NACIRI
    • 5 994 mots
    • 4 médias
    La génétique mendélienne décrit les modalités habituelles de la transmission de l’information génétique à la descendance. Cependant, il arrive que des observations ne puissent pas être interprétées au travers du prisme de la seule génétique classique, c’est-à-dire par une information seulement portée...
  • ÉVOLUTION

    • Écrit par Armand de RICQLÈS, Stéphane SCHMITT
    • 15 123 mots
    • 10 médias
    ...en 1901. C'est en partie au sein de cette école de pensée que naquit la génétique, dont l'acte fondateur correspond à la « redécouverte » des lois de Mendel en 1900 (énoncées en 1866, elles avaient été largement connues, contrairement à ce qu'on lit parfois, mais leur importance n'avait pas été mesurée,...
  • FRAUDE SCIENTIFIQUE

    • Écrit par Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS
    • 4 397 mots
    • 4 médias
    ...résultat dont il a l'intuition sous une forme particulièrement aboutie. Deux exemples historiques classiques de ces embellissements de données sont ceux de Gregor Mendel (1822-1884) dans son travail fondateur de la génétique moderne sur les petits pois et Robert A. Millikan (1868-1953) dans sa détermination...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi