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GRÉGOIRE VII saint, HILDEBRAND (1020 env.-1085), pape (1073-1085)

Réformateur ou dominateur ?

Une œuvre aussi importante, qui fut accomplie au prix d'une activité harassante et provoqua une lutte d'une extrême gravité, devait être jugée très différemment par les historiens, selon la façon dont ceux-ci posaient les problèmes et comprenaient la personnalité du pontife, en fonction aussi de leurs propres conceptions, particulièrement de leurs convictions religieuses.

Pour les uns, généralement les plus récents et de tendance catholique, Grégoire VII est avant tout un réformateur, le principal inspirateur et le plus prestigieux réalisateur de la réforme qui porte son nom. À leurs yeux, son attitude et sa doctrine sont simples à saisir : il veut lutter dans la chrétienté contre l'emprise du démon, contre le péché, contre le mal ; pour ce faire, il doit, d'une part, mettre en place un instrument capable de mener à bien ce combat, c'est-à-dire un clergé digne et saint – d'où la lutte contre la simonie et le nicolaïsme, contre l'investiture laïque qu'il considérait à juste titre comme à l'origine de ces vices ; d'autre part, il veut élaborer des structures et établir une autorité aptes à utiliser au mieux cet instrument – c'est-à-dire proclamer et instituer la primauté romaine, faire du pape le chef réel de tous les évêques, transformer l'organisation ecclésiastique en un système de type monarchique. Ainsi considérée, l'exaltation de l'autorité pontificale, exprimée dans les Dictatus papae, ne serait qu'un moyen de réaliser une réforme saine et juste.

De même, c'est au nom de la réforme et poussé par la nécessité de s'opposer au péché que Grégoire VII, selon cette thèse, intervient contre l'empereur, l'excommunie et le dépose, proclame qu'il a sur tous les princes une autorité prééminente et des droits incontestables – ce qui revient à faire du pape le seul dépositaire de la souveraineté dans le monde. Mais Grégoire VII ne prétend pas à une direction effective de la société temporelle ; il n'envisage jamais de bouleverser l'organisation des pouvoirs politiques ; il veut seulement que l'empereur et les rois collaborent dans leur sphère à l'œuvre religieuse de l'Église, telle qu'elle est définie par le Saint-Siège ; en s'y opposant, ils favoriseraient les forces du mal.

Prenant le contre-pied de cette explication, sans nier toutefois qu'à la base de l'action du pontife il y eût avant tout des préoccupations religieuses, d'autres historiens, le plus souvent protestants, ont été frappés non seulement par les mesures prises à l'encontre de Henri IV, mais par l'attitude de Grégoire à l'égard de certains pays (dans la péninsule Ibérique particulièrement) devenus officiellement vassaux du Saint-Siège. Cette interprétation les a conduits à penser que le principe objectif de ce pape avait été d'exalter la puissance romaine.

Autrement dit, Grégoire VII aurait, selon ces historiens, d'abord voulu imposer l'autorité pontificale directe à tous les évêques et faire de l'Église une monarchie ; et, une fois ce résultat obtenu, il aurait conçu que le pape dirigeât en même temps les princes, les vassaux étant liés par un accord juridique précis et l'empereur par un contrat moral faisant de lui le chef temporel de la chrétienté – en réalité, l'exécutant suprême du programme de l'Église –, les autres rois étant contrôlés d'une façon plus indirecte mais obligés de respecter les normes définies. Finalement, ce programme aurait tendu à faire pénétrer davantage le christianisme dans la société et à faire régner la vertu, la justice et la paix ; mais pratiquement, il aurait essentiellement abouti à la plenitudo potestatis de l'évêque de Rome, qui était tenu pour infaillible, ainsi[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Lyon-II-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Marcel PACAUT. GRÉGOIRE VII saint, HILDEBRAND (1020 env.-1085), pape (1073-1085) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CANOSSA (1077)

    • Écrit par Jean-Marie MARTIN
    • 413 mots

    Épisode célèbre de la lutte entre le pape Grégoire VII et l'empereur Henri IV. Depuis le milieu du xie siècle, les papes tentent de réformer l'Église pour la débarrasser de la simonie et du nicolaïsme et la soustraire à l'emprise laïque. Ils rompent ainsi avec la tradition constantinienne,...

  • CATHOLICISME - Histoire de l'Église catholique des origines au pontificat de Jean-Paul II

    • Écrit par Jean DANIÉLOU, André DUVAL
    • 16 441 mots
    • 10 médias
    ...« Le pontife romain, qui seul mérite d'être appelé universel, à tout pouvoir sur les évêques, qu'il peut à son gré déposer. » Ces affirmations de Grégoire VII révèlent une nouvelle manière de penser les réalités de l'Église, à savoir en termes de pouvoirs plutôt qu'en termes de communion. Elles...
  • DICTATUS PAPAE

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 213 mots

    En 1074, le pape Grégoire VII condamne la simonie (trafic des choses saintes et des fonctions ecclésiastiques) et le nicolaïsme (mariage ou concubinage des prêtres). Comme ces réformes sont mal acceptées, le pape pense que le mal vient de l'investiture laïque – la désignation des évêques par les...

  • ÉTATS DU PAPE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Vincent GOURDON
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    755-756 À l'appel du pape Étienne II, menacé par les Lombards, l'armée franque de Pépin descend en Italie. Les territoires conquis sur les Lombards, autour de Ravenne et de Rome, sont donnés au pape, sous le nom de « Patrimoine de Saint-Pierre ».

    846 Les basiliques Saint-Pierre...

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Voir aussi