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GRAFFITI

Un art populaire

L'intérêt et la valeur esthétique de certains des graffiti littéraires sont indiscutables. Il en est de même pour bon nombre de graffiti figuratifs, qui ont su inspirer des artistes tels que Picasso et Cocteau. C'est pourtant le poète Apollinaire qui comprit le mieux – comme le démontrent ses Calligrammes – que cette expression constitue un véritable art populaire, rivalisant parfois, par sa beauté et sa finesse, avec les œuvres des artistes professionnels et combinant avec un naturel irréfléchi l'écriture et le dessin dans une même composition.

Le goût, autant le goût des peuples et des époques que le goût des individus, reste et restera peut-être toujours une des grandes énigmes de l'esthétique. Il serait hors de propos d'aborder ici cette question en profondeur, mais aucune analyse sérieuse du phénomène qui constitue le sujet de cet article ne peut se permettre d'ignorer que l'attention particulière accordée de nos jours aux graffiti correspond à l'intérêt que porte le monde occidental à l'art primitif et à l'art brut. Ce n'est sûrement pas non plus un hasard si la première appréciation des qualités esthétiques des graffiti modernes (l'essai photographique de Brassaï) coïncide, d'une part, avec l'apparition, dans la peinture abstraite (chez les expressionnistes de l' école de New York), de procédés tels que la superposition et la striation, et, d'autre part, avec les œuvres de Dubuffet et de Giacometti, où la surface du tableau et de la sculpture et la représentation de l'être humain rappellent de façon surprenante celles de nombreux sites à graffiti.

Ce n'est pas seulement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale que les graffiti figuratifs modernes constituent un sujet de recherche. Le premier écrit de Brassaï au sujet des graffiti parisiens date de 1933 ; il est contemporain de la publication des graffiti abyssins relevés en Éthiopie par l'ethnographe Marcel Griaule ; il fut précédé par des articles du spécialiste de l'art enfantin G. H. Luquet. Cependant, ce n'est que depuis quelques décennies que l'on peut constater un engouement chez le grand public des pays occidentaux pour ce genre de phénomène. Malheureusement, il n'existe aucune publication importante sur les graffiti occidentaux modernes antérieurs à la documentation photographique de Brassaï. Il n'est donc pas possible d'établir s'il y a eu, en Occident, une évolution récente, dans le style de cette expression, qui correspondrait à une évolution du goût. Toutefois, la comparaison des graffiti expressionnistes du xxe siècle parisien avec les graffiti baroques et rococo de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, par exemple, permet d'avancer l'hypothèse que cette expression particulière, comme toute autre expression de l'art populaire, s'inspire des canons esthétiques de l'art formel qui lui est contemporain.

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Écrit par

  • : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
  • : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
  • : docteur en ethnologie de l'université de Paris
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Glen D. CURRY, Scott H. DECKER, Universalis et William P. MCLEAN. GRAFFITI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Graffiti à New York - crédits : L. Morin

Graffiti à New York

Autres références

  • ART URBAIN

    • Écrit par Stéphanie LEMOINE
    • 2 727 mots
    • 4 médias
    ...en effet sur la côte est des États-Unis un mouvement esthétique promis à une diffusion internationale : le writing (nom donné par les Anglo-Saxons au graffiti d'inspiration new-yorkaise et que les graffeurs préfèrent à celui, trop générique, de graffiti). Porté par l'essor du Civil Rights Movement,...
  • BANKSY (1974- )

    • Écrit par Stéphanie LEMOINE
    • 1 126 mots
    ...classe ouvrière, les très rares personnes qui acceptent d'évoquer sa biographie disent qu'il appartiendrait à la classe moyenne. À l'âge de quatorze ans, il se mêle à la scène graffiti du quartier de Barton Hill (Bristol), mais s'écarte rapidement des normes esthétiques du milieu, qui proscrit toute autre...
  • BASQUIAT JEAN MICHEL (1960-1988)

    • Écrit par Élisabeth LEBOVICI
    • 963 mots
    ...cartes postales et de sweat-shirts illustrés – le rapprochent d'une forme de culture populaire extrêmement vivace dans le New York des années 1970 : les graffitis. Organisés en une société hiérarchisée, les auteurs de Tags (« signatures ») doivent franchir toutes sortes d'épreuves avant de pouvoir...
  • BRASSAÏ GYULA HALÁSZ dit (1899-1984)

    • Écrit par Anne de MONDENARD
    • 1 866 mots
    • 1 média
    Parallèlement, depuis 1932, Brassaï photographie desgraffitis anonymes dessinés ou gravés sur les murs de la capitale. Il s'agit d'« objets trouvés » repérés lors de ses marches et rassemblés pour leur valeur poétique. On y voit des visages bruts, qui font écho à ceux des personnages étranges rencontrés...
  • Afficher les 12 références

Voir aussi