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GODESCALC ou GOTESCALC D'ORBAIS (805 env.-env. 868)

Godescalc (Gottschalk) d'Orbais est un des personnages les plus originaux de l'époque carolingienne et en même temps un des plus représentatifs de sa culture et de ses conflits. Né en Saxe au début du ixe siècle, moine à Fulda, puis à Orbais (actuel département de la Marne), il parcourt l'Italie et les Balkans. Ses thèses sur la prédestination lui valent d'être condamné au synode de Quierzy (849) et de passer les seize dernières années de sa vie emprisonné à l'abbaye de Hautvillers. Godescalc a écrit des poèmes qui témoignent d'une grande science de la versification latine, et où s'exprime une intériorité religieuse tout imprégnée d'augustinisme. Il reste aussi de lui des textes en prose de formes variées : brèves notes sur des sujets grammaticaux ou écrits théologiques très étudiés, d'une forme raffinée, voire contournée. La culture de Godescalc est essentiellement biblique, patristique (il connaît particulièrement saint Augustin, qu'il met très haut : « le premier maître après les Apôtres ») et grammaticale ; il ne connaît que très peu la dialectique.

De ses doctrines, celle qu'on évoque le plus souvent concerne la prédestination : elle a suscité en son temps une large controverse, a valu à Godescalc ses plus grands malheurs et a trouvé un regain d'intérêt au xviie siècle du fait du jansénisme et des controverses sur la grâce. Godescalc enseigne que la prédestination est double : prédestination « des élus au repos, des réprouvés à la mort ». Dieu prédestine les réprouvés non certes au mal, c'est-à-dire au péché, mais à la peine qui sanctionne leurs péchés connus de toute éternité par l'infaillible prescience divine ; et c'est seulement pour les élus que le Christ est mort.

Moins connue, mais importante pour l'histoire de la culture médiévale, est la controverse soutenue par Godescalc, de sa prison, avec l'archevêque de Reims Hincmar, à propos de la Trinité : la formule deitas trina, « déité trine », revient-elle ou non à poser l'existence de trois dieux ? Godescalc estime, contre Hincmar, qu'elle est pleinement correcte, parce qu'elle équivaut à la formule admise Deus trinus, « Dieu trine », un être parfait en son genre pouvant être nommé par le substantif abstrait qui désigne cette perfection. Ainsi, Godescalc met en jeu la seule science qu'il connaisse, la grammaire, et fonde sur elle une ontologie spontanément platonisante, les noms abstraits devenant les signifiants d'archétypes personnels et historiques, c'est-à-dire en somme, dans une pensée structurée par la grammaire et la Bible, les substituts des Idées.

— Jean JOLIVET

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Jean JOLIVET. GODESCALC ou GOTESCALC D'ORBAIS (805 env.-env. 868) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUGUSTINISME

    • Écrit par Michel MESLIN, Jeannine QUILLET
    • 5 572 mots
    ...pieusement conservés dans les monastères, devait reprendre ce problème et en appeler d'un augustinisme jugé hétérodoxe à une meilleure lecture d'Augustin. Le moine saxon Gottschalk, vers 840, élabora une théorie de la double prédestination, celle des élus et celle des réprouvés. Par une simplification hardie...
  • CAROLINGIENS

    • Écrit par Robert FOLZ, Carol HEITZ
    • 12 125 mots
    • 7 médias
    Un autre moine, Godescalc, qui avait fait partie de la suite de Charlemagne lors du voyage en Italie de 780-781, s'inspira également des traditions méditerranéennes pour enluminer un évangéliaire qu'il offrit à la reine Hildegarde, qui mourut jeune en 783. La fontaine de vie, thème qui sera repris plus...
  • PALAIS ÉCOLE DU, enluminure

    • Écrit par Danielle GABORIT-CHOPIN
    • 788 mots

    Deux séries d'œuvres carolingiennes sont regroupées sous le nom d'école du Palais : l'école du palais de Charlemagne et celle du palais de Charles le Chauve. L'une et l'autre dépendent étroitement du mécénat des deux princes et ne survécurent pas à leur disparition....

  • PRÉDESTINATION

    • Écrit par André DUMAS
    • 2 869 mots
    La querelle autour de la prédestination rebondit au ixe siècle. Gottschalk d'Orbais soutient contre Hincmar la double prédestination, celle des élus avant la prévisibilité de leurs mérites, celle des réprouvés à cause de la prévisibilité de leurs fautes (thèses approuvées aux conciles de Quierzy en...

Voir aussi