Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GESTALTISME

Principes et portée de la Gestalttheorie

Dans les théories de l'école de Graz, les analyses qui annoncent la notion de forme visaient à mettre en évidence une superstructure mentale qui viendrait accomplir les potentialités des éléments sensoriels constitutifs. La Gestalttheorie franchit un pas décisif lorsqu'elle affirme, à l'encontre de cette distinction, que la forme elle-même est perçue immédiatement. La forme n'est donc pas une production de l'activité cognitive ; elle n'est ni la compréhension d'une relation entre les éléments sensoriels, ni l'émergence d'une représentation. Reprenant un exemple classique tiré de la Tonpsychologie de Stumpf, D. Katz souligne que l'analyse des multiples relations existant entre les constituants sensoriels d'un son complexe diffère fondamentalement de la perception immédiate de celui-ci. « Le son, écrit-il, est immédiatement présent et s'offre à l'auditeur. Mais on ne peut pas en dire autant des relations entre les notes ; celles-ci doivent être recherchées. De toute évidence, la forme sonore ne saurait être identique à la compréhension de la position relative de ses notes constitutives. » En bref, la Gestalttheorie rejette les implications analytiques de l'acte brentanien pour se centrer sur l'expérience perceptive considérée comme un ensemble incluant dans son organisation même la totalité de l'expérience subjective. Elle se présente donc comme une psychologie générale, distincte aussi bien de l'élémentarisme résiduel de l'école autrichienne que de la phénoménologie husserlienne. Cette situation historique intermédiaire explique que la Gestalttheorie soit restée un empirisme et se soit principalement développée dans la direction de la psychologie expérimentale. Outre les recherches fondamentales de M. Wertheimer (1912) sur le mouvement stroboscopique, il faut rappeler, parmi les œuvres fondatrices, les recherches de W. Köhler sur l'intelligence des singes supérieurs (1921). De même que Wertheimer voit dans le mouvement apparent un phénomène clé capable de mettre en évidence l'indépendance des formes par rapport au substrat sensoriel, Köhler interprète l'« apprentissage brusque » comme la preuve de l'émergence de structures non associatives dans la solution des situations problèmes. Une longue série de recherches expérimentales constituant une tradition d'école étendra progressivement le concept de forme, comme principe explicatif, à tous les types de comportement, de la simple perception aux opérations mentales supérieures (cf. M. Wertheimer, Productive Thinking, La Pensée créatrice, 1943). Cependant, c'est au domaine perceptif que sont empruntées la majorité des démonstrations classiques sur les formes ; elles reposent en général sur une analyse descriptive des attributs phénoménaux des structures visuelles, qui se réfère lointainement à la phénoménologie expérimentale de Stumpf.

Les lois de la structuration perceptive

Le principe essentiel de la Gestalttheorie est celui de la structuration phénoménale, selon lequel tout champ perceptif se différencie en un fond et en une forme. L'analyse descriptive d'un champ structuré permet de dégager les lois suivantes :

Figure réversible due à J. Albers - crédits : Encyclopædia Universalis France

Figure réversible due à J. Albers

Effet d'appartenance locale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Effet d'appartenance locale

– La forme est nettement distincte du fond.

– La forme est close et structurée. C'est à elle que le contour semble appartenir.

– Son émergence dépend des caractères objectifs de structuration (relations géométriques, relations de contraste, etc.).

– Son émergence dépend également de facteurs subjectifs (fixation, attention, etc.).

– Le résultat phénoménal dépend de l'action convergente des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs, les premiers pouvant dominer les seconds et réciproquement.

– L'ensemble détermine les caractéristiques phénoménales des parties et réciproquement.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

Classification

Pour citer cet article

Georges THINÈS. GESTALTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Effet d'appartenance locale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Effet d'appartenance locale

Figure réversible due à J. Albers - crédits : Encyclopædia Universalis France

Figure réversible due à J. Albers

Autres références

  • ASCH SOLOMON (1907-1996)

    • Écrit par Olivier KLEIN
    • 306 mots

    Psychologue social d'inspiration gestaltiste, Solomon Asch soulignait la nécessité d'envisager l'individu dans sa globalité en prenant en compte le contexte dans lequel s'insère le comportement social. Né à Varsovie en 1907, il émigre à New York avec sa famille en 1920. Il effectue un doctorat sur...

  • ASSOCIATIONNISME

    • Écrit par Frederic Charles BARTLETT
    • 633 mots

    C'est pour expliquer des phénomènes propres à la mémoire qu'on élabora la théorie relative à l'association mentale. Celle-ci n'a posé un problème philosophique que lorsque, sous le nom d'associationnisme, des penseurs ont constitué une théorie psychologique globale. ...

  • COGNITION SOCIALE

    • Écrit par Vincent YZERBYT
    • 1 026 mots

    Si la psychologie sociale étudie la manière dont les pensées, les émotions et les comportements sont influencés par autrui et l’affectent, la cognition occupe une place tout à fait privilégiée dans la discipline. Mobilisant de façon intensive les modèles de l’attention, de la mémoire...

  • COGNITIVES SCIENCES

    • Écrit par Daniel ANDLER
    • 19 262 mots
    • 4 médias
    Les sciences cognitives ont également des sources européennes. C'est en Europe, au début du xxe siècle, que naîtla Gestalttheorie, une école de psychologie qui place la perception au centre de la cognition. La plupart de ses fondateurs, fuyant le nazisme, s'établirent aux États-Unis, et participèrent,...
  • Afficher les 23 références

Voir aussi