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LA TOUR GEORGES DE (1593-1652)

Une chronologie incertaine

Sur moins de cinquante œuvres originales de La Tour parvenues jusqu'à nous, deux seulement, des nocturnes, hélas fort rapprochés dans le temps, portent une date encore lisible : Les Larmes de saint Pierre (1645, Museum of Art, Cleveland) et Le Reniement de saint Pierre, 1650, musée des Beaux-Arts, Nantes). À ces points de repère s'ajoutent cependant quelques éléments plus hypothétiques : l'identification du Saint Sébastien peint pour Louis XIII avec une composition en largeur dont l'original est perdu mais dont les copies sont nombreuses (preuve de sa renommée), l'identification possible également de quatre des six tableaux peints pour le marquis de La Ferté avec L'Adoration des bergers du Louvre (1644 ?), un Saint Alexis probablement analogue à celui du Musée historique lorrain de Nancy (1648 ?), le grand Saint Sébastien en hauteur de Bois-Anzeray conservé au Louvre (1649 ?) et Le Reniement de saint Pierre déjà cité. C'est assez pour se faire une idée précise de l'art de La Tour à la fin de sa vie, trop peu pour reconstruire la chronologie de toute une production. La critique s'est donc attachée à déceler dans les œuvres elles-mêmes les jalons d'une évolution stylistique plausible. En fait, les principaux spécialistes de La Tour tombent à peu près d'accord pour situer dans la première partie de la carrière de l'artiste, soit avant l'incendie de Lunéville et le voyage à Paris, les œuvres diurnes, et dans la seconde les nocturnes, avec, naturellement, la possibilité d'une phase intermédiaire où les deux inspirations auraient coexisté. Si, à l'intérieur de ces deux groupes, la répartition des œuvres peut varier d'un auteur à l'autre, le schéma d'évolution qui se dégage des différentes chronologies proposées est toujours le même. Des Mangeurs de pois de Berlin aux deux versions du Tricheur (Kimbell Art Museum, Fort Worth, et Louvre), et de la Madeleine Fabius (National Gallery of Arts, Washington) au Saint Sébastien de Bois-Anzeray, La Tour serait ainsi passé d'un art brillamment descriptif, non dénué d'archaïsmes et de maladresses, à un langage plus synthétique, tout de retenue et de maîtrise, jouant de la sobriété et de la monumentalité des formes, du recueillement des gestes et des expressions, de la concentration des effets lumineux (Job et sa femme, musée d'Épinal ; Saint Jean-Baptiste dans le désert, musée de Vic-sur-Seille), l'unité de l'ensemble tenant à une qualité de « silence » qui n'appartient qu'à lui. Divers éléments imposent au demeurant de relativiser la valeur de ce schéma par trop conforme à nos sensibilités modernes : en premier lieu, plusieurs compositions de La Tour, comme le Saint François méditant, ne sont connues que par des copies qui, si habiles soient-elles, ne permettent pas de situer avec certitude la place de l'œuvre originale. D'autre part, la faiblesse relative des tout derniers tableaux, tels Le Reniement de saint Pierre de 1650 ou Les Joueurs de dés (Teesside Museums, Middlesbrough), dont les radiographies dévoilent la préparation sommaire, contrarie l'idée d'une élévation constante, chez La Tour, de la qualité d'exécution comme de l'inspiration – à cette époque intervient de plus en plus Étienne, auquel est peut-être abandonné le gros du travail, le maître se contentant, dans le meilleur des cas, d'apporter la dernière touche. Enfin, la réapparition, juste avant l'exposition de l'Orangerie (1972), de L'Argent versé du musée de Lviv (Ukraine), tableau portant une date indéchiffrable (1624 ? 1634 ? 1641 ?), a semé quelque confusion dans la partition habituelle des œuvres diurnes et des œuvres nocturnes : cette « nuit » au sujet si déroutant, à la composition encore hésitante offre en effet[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. LA TOUR GEORGES DE (1593-1652) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Rixe des musiciens</it>, G. de La Tour - crédits : Christie's Images,  Bridgeman Images

La Rixe des musiciens, G. de La Tour

<it>Saint Sébastien soigné par sainte Irène</it>, G. de La Tour - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

Saint Sébastien soigné par sainte Irène, G. de La Tour

Le Tricheur à l'as de carreau, G. de La Tour - crédits : Picturenow/ Universal Images Group/ Getty Images

Le Tricheur à l'as de carreau, G. de La Tour

Autres références

  • GEORGES DE LA TOUR (exposition)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 1 155 mots

    En 1972, une mémorable exposition tenue à l'Orangerie des Tuileries a fait connaître à un large public l'envergure de Georges de La Tour (1593-1652), redécouvert depuis à peine une soixantaine d'années. Les relations du peintre avec le milieu artistique lorrain, si actif à son époque,...

  • ORANGERIE, 1934 : LES PEINTRES DE LA RÉALITÉ (exposition)

    • Écrit par Milovan STANIC
    • 1 417 mots

    Des expositions sur les « peintres de la réalité », il y en eut plusieurs : celle organisée à Paris par le musée de l'Orangerie et la Réunion des musées nationaux du 22 novembre 2006 au 5 mars 2007, destinée à établir un lien symbolique entre le passé et l'avenir de la maison des ...

  • TÉNÉBRISME

    • Écrit par Jean-Pierre MOUILLESEAUX
    • 818 mots
    • 3 médias

    Historiquement, le ténébrisme s'affirme autour des peintres du xviie siècle qui ont suivi la leçon de Caravage dans l'utilisation de l'ombre comme moyen d'expression plastique, peintres appelés pour cela tenebrosi. Il faut donc remonter à Caravage, à son sens de la lumière...

Voir aussi