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TUTSI GÉNOCIDE DES

Les massacres de masse dirigés en 1994 contre la population tutsi du Rwanda constituent le troisième cas de génocide reconnu officiellement par la communauté internationale, après ceux commis contre les Arméniens et contre les Juifs. En l'espace d'à peine trois mois, du 7 avril à la fin du mois de juin, environ un million de Tutsi furent éliminés pour ce qu'ils étaient, dans des souffrances effroyables. En kinyarwanda, cet événement est appelé Itsembabwoko. En même temps que les Tutsi, de nombreux Hutu soupçonnés de ne pas adhérer au projet furent tués. Plusieurs facteurs expliquent la terrible efficacité de cette entreprise. Pour commencer, il faut rappeler la campagne médiatique qui, pendant trois ans environ, a fait du Tutsi un ennemi mortel, invitant au fichage, à la chasse aux « infiltrés » Tutsi qui ont dissimulé leur identité ethnique pour mieux dominer et détruire le peuple Hutu. Il faut ajouter la mémoire de la violence ethnique et prédatrice qui a accompagné le processus révolutionnaire et qui a marqué les premières années de la République (1959-1964). Il convient en outre de souligner la détermination des planificateurs qui s'étaient emparés de l'État et ont mis sans réserve ses moyens et ses forces au service d'une entreprise d'extermination, ainsi que la participation populaire massive à l'extermination et du recours à des armes disponibles et faciles d'utilisation. Enfin il faut évoquer l'indifférence ou les intérêts calculés des instances qui avaient les moyens de s'y opposer : le Conseil de sécurité des Nations unies et certains de ses États impliqués au Rwanda, en particulier la France et, dans une moindre mesure, la Belgique.

Le monde peine à reconnaître et à juger toutes les responsabilités dans ce génocide qu'il a pourtant officiellement reconnu, ce qui donne libre cours au négationnisme. Néanmoins, ce génocide commis en plein essor de la société de l'information et des cultes mémoriels est, par opposition à ceux qui l'ont précédé, celui qui a été le plus rapidement documenté. Les témoignages recueillis par les associations humanitaires, par les journalistes et les cinéastes, les enquêtes diligentées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ainsi que par les tribunaux rwandais, enfin les récits des survivants, permettent, relativement peu d'années après les faits, de reconstituer le fil des événements, d'en démonter les mécanismes.

La guerre du FPR et la campagne de haine

Le 1er octobre 1990, les exilés et fils d'exilés tutsi de la décennie 1960-1970, rassemblés dans le Front patriotique rwandais (FPR), lancent une attaque contre le Rwanda depuis la frontière ougandaise au nord. Ils cherchent à recouvrer par la force le droit au retour dans la patrie que le gouvernement de Kigali leur refuse. Dès le déclenchement de cette guerre, une idée se forme et nourrit une constante campagne : celle d'un « problème tutsi » à résoudre. Un hebdomadaire, Kangura, consacra ses pages, de 1990 à 1994, à cette campagne contre les Tutsi accusés de subvertir la République, d'avoir repris le pouvoir politique et économique malgré les apparences et de préparer l'extermination des Hutu et l'asservissement de ceux qui survivront, selon la technique bien connue de l'accusation en miroir. Dans son numéro 6 de décembre 1990, le journal publiait les « Dix commandements des Bahutu ». Ce texte recommandait de mettre les Tutsi à l'écart, de ne pas s'associer à eux dans les affaires, de ne pas épouser leurs filles, de les exclure de la fonction publique et de l'armée. En novembre 1991, le journal posait cette question : « Quelles sont les armes que nous utiliserons pour vaincre définitivement les Inyenzi ? » Placée sous cette phrase, la photo d'une machette posée à côté de[...]

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Pour citer cet article

Marcel KABANDA. TUTSI GÉNOCIDE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

Autres références

  • UNE SAISON DE MACHETTES (J. Hatzfeld)

    • Écrit par Mona CHOLLET
    • 988 mots

    « Nous connaissons mieux les victimes, nous les avons écoutées, alors qu'il ne nous reste presque rien des bourreaux, constatait un jour l'écrivain biélorusse Svetlana Alexievitch. Ils ont dissimulé et laissé sous scellés dans leurs archives secrètes l'expérience la plus importante du siècle passé. »...

  • AUDOIN-ROUZEAU STÉPHANE (1955- )

    • Écrit par Paula COSSART
    • 922 mots
    • 1 média
    À partir de la fin des années 2000, Stéphane Audoin-Rouzeau dirige un séminaire de recherche sur les pratiques et les imaginaires du génocide des Tutsi perpétré par les Hutu au Rwanda en 1994. Y sont privilégiées les études de terrain, celles qui placent la focale sur les pratiques, les gestuelles...
  • DANS LE NU DE LA VIE. RÉCITS DES MARAIS RWANDAIS (J. Hatzfeld)

    • Écrit par Mona CHOLLET
    • 995 mots

    « En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsi, sur une population d'environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9 h 30 à 16 heures, par des miliciens et voisins hutu, sur les collines...

  • DES FORGES ALISON (1942-2009)

    • Écrit par Catherine CHOQUET
    • 943 mots

    Née le 20 août 1942 à Schenectady, dans l'État de New York, Alison Bowe Des Forges, née Liebhafsky, a disparu le 12 février 2009. Cette historienne, spécialiste de la région des Grands Lacs, était une femme extraordinaire, au sens littéral du mot, une personnalité hors du commun, d'une rare intelligence...

  • FRANCE - L'année politique 2021

    • Écrit par Nicolas TENZER
    • 6 168 mots
    • 5 médias
    À la suite du rapport de la commission présidée par l’historien Vincent Duclert, le chef de l’État se rend à Kigali le 27 mai pour reconnaître la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide rwandais, tout en se refusant à employer le terme de « complicité ».
  • Afficher les 8 références

Voir aussi