Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DONIZETTI GAETANO (1797-1848)

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Un nouveau lyrisme

La dizaine d'opéras qu'a laissés Bellini témoigne d'une continuité qui, à beaucoup d'égards, donne l'impression d'un même opéra perpétuellement recommencé. Plus variée, plus inégale, plus abondante aussi, la production de Donizetti se coule aisément dans un moule éprouvé : après une ouverture – ou sinfonia –, une introduzione mettant en place le chœur, comme dans la tragédie antique, avec l'entrée retardée de la prima donna et la succession des numéros.

Un tel art repose sur la juxtaposition plus que sur le renouvellement constant dans le développement. Une belle invention mélodique peut être exposée de manière brève, presque fugitive. Les scènes s'organisent en plusieurs mouvements enchaînés (la confrontation suivant le sextuor, à l'acte II de Maria Stuarda). Cette juxtaposition, qui incite le musicien à jeter comme à pleines poignées ses inventions mélodiques, explique les reprises de motifs à l'intérieur d'un même opéra, ou même d'un opéra à l'autre. Dans Linda di Chamounix (1842), Donizetti fait chanter de nouveau, à la fin de l'ouvrage, le duo de Linda et de Carlo tel qu'ils l'avaient chanté au premier acte ; et, par un puissant effet dramatique, c'est à ce moment-là que la raison revient à la jeune fille.

Le bel canto, chez Donizetti comme chez Bellini, est l'expression pure des passions. Ce serait abaisser l'art de Donizetti, et tout aussi bien celui de Bellini, que de le réduire à ce mélodrame qui fut en vogue à Paris au début du xixe siècle. Leur œuvre n'est attardée ni dramatiquement ni musicalement. Elle est dominée par la hantise de la démence, qui fut bien, dans le cas de Donizetti, une hantise personnelle. Ici, le sommeil de la raison n'engendre pas de monstres, comme dans les Caprichos de Goya. Il crée un état de latence d'où resurgira, éclatante, une lumière finale. C'est la longue, l'immense scène de la folie, à l'acte III de Lucia, « grand morceau de bravoure pour soprano », écrit Gustave Kobbé, « qui a le mérite de s'incorporer parfaitement à l'action ». Il n'y manque ni la reprise (celle du duo d'amour du premier acte entre Edgardo et Lucia), ni l'effet pathétique des larmes du désespoir, ni le jeu de la flûte qui s'enroule à la voix, ni la strette finale, renouvelant l'effet de cabalette.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite de littérature comparée à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRUNEL. DONIZETTI GAETANO (1797-1848) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 20/03/2024

Médias

Gaetano Donizetti - crédits : AKG-images

Gaetano Donizetti

Joan Sutherland et Alfredo Kraus dans <it>Lucia di Lammermoor</it> - crédits : Johan Elbers/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

Joan Sutherland et Alfredo Kraus dans Lucia di Lammermoor

Autres références

  • LUCIA DI LAMMERMOOR (G. Donizetti)

    • Écrit par
    • 1 709 mots
    • 1 média

    Dramma tragico en trois actes de Gaetano Donizetti sur un livret de Salvatore Cammarano, Lucia di Lammermoor est créé triomphalement au Teatro San Carlo de Naples le 26 septembre 1835. Avec Norma de Vincenzo Bellini, Lucia di Lammermoor constitue l'autre sommet du romantisme italien pré-verdien....

  • LUCIA DI LAMMERMOOR (G. Donizetti), en bref

    • Écrit par
    • 210 mots
    • 2 médias

    On néglige parfois les apports de Donizetti en faisant de lui un simple épigone du néo-belcantisme italien, tout dévoué à la mise en valeur des voix. La réalité est plus complexe. Archétype de l'opéra romantique italien, Lucia di Lammermoor, créé triomphalement le 26 septembre 1835...

  • BEL CANTO

    • Écrit par
    • 2 752 mots
    • 5 médias
    Le premier romantisme, celui deDonizetti, et surtout de Bellini, cultive, comme il a été dit plus haut, une certaine nostalgie des formes extérieures du belcantisme. Les héroïnes féminines apparaissent dans des atours vocaux inspirés d'une certaine idéalisation ou d'un angélisme innocent, et les mélismes...
  • FLÓREZ JUAN DIEGO (1973- )

    • Écrit par et
    • 802 mots

    Lorsqu'il incarna Tonio dans La Fille du régiment de Donizetti au Metropolitan Opera de New York, en avril 2008, le ténor péruvien Juan Diego Flórez brisa, avec l'accord de la direction, l'interdit ancestral qui pesait sur les bis lorsqu'il chanta une seconde fois l'aria « Ah ! mes amis, quel...

  • MARIO GIOVANNI MATTEO (1810-1883)

    • Écrit par
    • 394 mots

    Ténor romantique italien, né le 17 octobre 1810, à Cagliari, en Sardaigne, mort le 11 décembre 1883, à Rome, Giovanni Mario est réputé pour sa grande beauté, sa grâce et son charme ainsi que pour la large tessiture de sa magnifique voix.

    Issu d'une famille noble et fils d'un général de la...

  • NOURRIT ADOLPHE (1802-1839)

    • Écrit par
    • 530 mots

    Ténor dramatique français, considéré comme le plus grand de l'époque romantique, Adolphe Nourrit, né le 3 mars 1802 à Montpellier, créa un grand nombre de rôles à l'Opéra de Paris (salle Le Peletier).

    Après avoir étudié l'art lyrique auprès de Manuel García père (Manuel...

  • Afficher les 9 références