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BEAUDOUIN EUGÈNE (1898-1983)

Né à Paris, fils et neveu d'architecte, Eugène Beaudouin fit ses études à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans l'atelier d'Emmanuel Pontremoli, archéologue qui passait une grande partie de son temps sur des chantiers de restauration. Premier grand prix de Rome en 1928, Beaudouin fait, à partir de la Villa Médicis, de longs déplacements de recherche dont il présentera les résultats à l'Académie des beaux-arts, en particulier un relevé des monastères byzantins du mont Athos et une reconstitution d'Ispahan au xviie siècle.

Après son séjour réglementaire de trois ans à Rome, il prend la succession de son père et s'associe avec Marcel Lods, lui aussi ancien élève de l'École de la rue Bonaparte. Pionniers de l'industrialisation du bâtiment, les deux hommes seront engagés dans les entreprises de constructions à usage collectif les plus significatives de l'entre-deux-guerres.

Séparé de Marcel Lods à partir de 1941, Beaudouin poursuivra seul son œuvre. Nommé après la guerre professeur à l'École des beaux-arts, il sera architecte en chef des bâtiments civils et des palais nationaux et membre de l'Institut. Jamais il n'abandonnera ses préoccupations premières, toujours à l'échelle de la cité : sa création la plus importante de l'après-guerre est la résidence universitaire d'Antony ; il établira des plans d'urbanisme pour La Havane, Capetown et Saigon.

Beaudouin aurait pu s'affirmer comme un « maître » dans la tradition éclectique ou néo-classique du xixe siècle, amoureux de la belle stéréotomie et pourfendeur du béton, « matériau bolchevik », dans les revues des tenants de l'académisme. À l'opposé, il a accumulé les expériences les plus audacieuses et rejeté d'emblée, sans jamais y revenir, le vocabulaire archéologique des colonnes, frontons et péristyles auquel même un Auguste Perret — qui pourtant n'avait pas voulu aller jusqu'au bout de ses études d'architecture — ne parviendra pas à renoncer.

En 1930, Beaudouin et Lods se mesurent à leur premier chantier, la cité du Champ des Oiseaux, à Bagneux, dans la banlieue sud de Paris. Il s'agit d'un ensemble d'immeubles destinés à loger deux mille cinq cents personnes. Ils proposent des bâtiments à ossature métallique remplie par des éléments de béton préfabriqués. Le caractère nouveau et confortable de l'ensemble tranche sur les autres lotissements d'une commune dépecée par les spéculateurs depuis 1920 ; cependant, des malfaçons se révèlent, et il apparaît que le problème de l'insonorisation n'avait pas été étudié. Après cette expérience, Beaudouin et Lods entrent dans l'équipe d'architectes réunie autour d'Henri Sellier, président de l'Office public d'habitations à bon marché de la Seine depuis sa fondation, en 1914. Sellier est socialiste — il occupera un poste de ministre dans le gouvernement de Léon Blum en 1936 ; il a donné une impulsion décisive au logement social dans la région parisienne dès les années 1920 par la réalisation d'opérations de cités-jardins et la construction d'immeubles sur l'emplacement des anciennes fortifications entourant la capitale depuis 1845.

Sellier confiera à l'équipe Beaudouin-Lods l'école de plein air de Suresnes que l'on viendra visiter du monde entier et qui est encore en activité. Il n'en est pas de même, hélas, de l'œuvre maîtresse des deux hommes, la cité de Drancy, dont le nom — la Muette — semble vraiment chargé d'une signification funeste. Cette réalisation marque un tournant dans les conceptions de Sellier, qui avait préféré jusqu'à ce programme clore Paris d'une ceinture de cités-jardins pour fournir des modèles aux lotisseurs et bloquer l'extension en tache d'huile de la banlieue. Devant la crise, il se propose[...]

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Pour citer cet article

Roger-Henri GUERRAND. BEAUDOUIN EUGÈNE (1898-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LODS MARCEL (1891-1978)

    • Écrit par Bernard HAMBURGER, Jean-Michel SAVIGNAT
    • 716 mots

    « Le bâtiment de demain se fera en usine. » Cette simple phrase, qui revient dans tous les écrits et toutes les déclarations de Marcel Lods, pourrait à elle seule décrire l'état d'esprit dans lequel celui-ci a travaillé toute sa vie. Ce déplacement de la conception technique de l'architecture vers...

  • PROUVÉ JEAN (1901-1984)

    • Écrit par Joseph ABRAM
    • 2 027 mots
    C'est sa collaboration avec Eugène Beaudouin et Marcel Lods qui permettra à Jean Prouvé d'accomplir pleinement sa vocation de constructeur. Un état d'esprit industriel est né du vaste chantier de Drancy auquel participe aussi l'ingénieur russe Vladimir Bodiansky. Les quatre hommes se retrouvent...
  • URBANISME - L'urbanisme en France au XXe siècle

    • Écrit par Simon TEXIER
    • 10 204 mots
    • 3 médias
    ...véritable ville nouvelle –, La Courneuve (cité des 4 000, Charles Delacroix et Clément Tambuté) ou Arcueil-Gentilly (Le « Chaperon-Vert », Jacques Poirrier). À Strasbourg, Eugène Beaudouin remporte en 1950 le concours pour la construction de huit cents logements : la Cité Rotterdam ; son plan se distingue...

Voir aussi