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SOTTSASS ETTORE (1917-2007)

La Foire internationale du meuble qui se tient chaque année à Milan suscite, au moins depuis 1970, un succès croissant tant l'équipement de la maison a provoqué l'inventivité des créateurs transalpins soutenus par des industriels à l'affût du moindre signe de modernité. Reprenant l'exemple des maîtres de l'Art nouveau, certains architectes se comportent aussi en designers : Gio Ponti, l'initiateur du mouvement moderne en Italie et le fondateur de Domus, l'une des plus célèbres revues de décoration du xxe siècle, n'a pas hésité, dans les années 1950, à dessiner lui-même un bidet, accessoire de salle de bains dont les Italiens ont conquis aujourd'hui le marché mondial.

En octobre 1981, une date maintenant historique, dans le cadre de la fameuse foire, surgissent les productions d'un groupe tout nouveau. En compagnie de l'industriel Ernesto Gismondi, un personnage qui n'est pourtant pas tout jeune s'impose soudain : né en 1917 à Innsbruck (Autriche), Ettore Sottsass a en effet soixante-quatre ans. Les deux hommes viennent de fonder le groupe Memphis et leurs productions affolent le dernier carré des fonctionnalistes présents à Milan. Jusqu'alors, depuis les doctrinaires du Bauhaus jusqu'à leurs successeurs spirituels de l'école d'Ulm, les créations résultant du design devaient représenter des réalités rationnelles pour une société empreinte de rationalité et hautement industrialisée. Cette fois, la forme l'emportait systématiquement sur la fonction. Une table se présentait avec quatre pieds différents et les étagères d'une bibliothèque pouvaient ne pas être droites tandis que de violentes couleurs laquées agressaient le regard.

Un design postmoderniste

Le design, comme le postmodernisme en architecture, rejetait le dépouillement prôné par le mouvement moderne depuis les années 1920, quand les ennemis de la moindre ornementation faisaient la loi dans les agences. Cette révolte cheminait souterrainement à l'initiative, dans les années 1960, d'un groupe d'étudiants et d'architectes. Ils avaient fondé Archigram, un journal et une association qui se proposaient de dynamiter l'espace de la ville traditionnelle où à « l'homme-besoins » des C.I.A.M. (Congrès internationaux d'architecture moderne) de Le Corbusier et de ses disciples succéderait un être de fiction s'inventant son théâtre personnel dans un cadre totalement renouvelé.

C'est cet homme nouveau qui intéresse le collectif Memphis dont le chef a tout de même attendu un certain temps pour libérer ses démons intérieurs. Fils d'une autrichienne et d'un père italien et architecte qui avait été l'élève et le collaborateur d'Otto Wagner à Vienne, Ettore Sottsass passe son enfance dans la région de Trente dans les Dolomites, et sort diplômé de l'Institut polytechnique de Turin – la ville emblématique du peintre surréaliste Giorgio De Chirico – en 1939. Installé à Milan en 1947, où il ouvre son agence d'architecture, il construit d'abord des logements sociaux très sobres, aménage des expositions et dessine ses premiers meubles. Après un voyage en Asie, il séjourne un an aux États-Unis, à Palo Alto (Californie) afin de soigner une lésion des reins et fréquente la colonie des poètes beatnik de la côte ouest dont Jack Kerouac est le prophète.

À cette époque, la firme Olivetti – créée en 1908 par un ingénieur pour fabriquer du matériel de bureau – avait produit en série, dès 1911, les premières machines à écrire italiennes puis, en 1932, les premières portables. Elles étaient alors carrossées de noir, comme toutes les machines à écrire. En 1958, Sottsass devient – en échange d'une liberté complète – le collaborateur régulier d'une des firmes les plus renommées du monde. Pour elle, il dessine [...]

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Pour citer cet article

Roger-Henri GUERRAND. SOTTSASS ETTORE (1917-2007) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • VALENTINE, MACHINE À ÉCRIRE (E. Sottsass et P. King)

    • Écrit par Stéphane LAURENT
    • 247 mots

    Mise au point aux États-Unis, mal acceptée au départ, la machine à écrire a connu une série de perfectionnements qui lui ont apporté sa fiabilité et ont permis sa démocratisation. Dans les années 1960, certaines machines tranchent délibérément sur la belle austérité de la Selectric d'I.B.M., conçue...

  • DESIGN

    • Écrit par Christine COLIN
    • 8 028 mots
    • 1 média
    ...exclure pour autant du design. L'Art nouveau, par exemple, est systématiquement présenté comme une source du design par les historiens. Par ailleurs, Ettore Sottsass, fondateur du groupe Memphis en 1981, à Milan, a déclaré la fin des restrictions en matière décorative, et il est l'un des designers...
  • KINGELEZ BODYS ISEK (1948-2015)

    • Écrit par André MAGNIN
    • 1 023 mots

    En Afrique noire, la sculpture traditionnelle a souvent joué un rôle de cohésion sociale en incarnant un pouvoir, un absolu. Depuis les années 1980, des artistes africains fortement individualistes défendent la liberté de la création et à travers elle l'expression de leur personnalité. Un certain...

  • KURAMATA SHIRO (1934-1991)

    • Écrit par Brigitte FITOUSSI
    • 551 mots

    Tout au long de sa carrière, le designer japonais Kuramata Shiro a su associer à son savoir-faire professionnel une dimension poétique peu commune. Célèbre dans son pays, il reste longtemps méconnu à l'étranger et n'acquiert un renom international qu'à partir des années 1980. Il participe, dès 1981,...

  • NEOTU GALERIE, Paris

    • Écrit par Constance RUBINI
    • 1 937 mots

    À la fin de l'année 1984, Pierre Staudenmeyer et Gérard Dalmon ouvrent à Paris la galerie Neotu, dans le quartier traditionnel des antiquaires, rue de Verneuil, avant de s'installer définitivement, en 1985, rue du Renard, à quelques pas du Centre Georges-Pompidou. Ils se sont rencontrés à...

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