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ÉTERNITÉ

Une durée indéfinie, un temps qui ne commence ni ne finit, n'est pas l'éternité. Selon les formules de Boèce, qui ont fait école, l'éternité est un présent qui se maintient stable, un permanent, un pur « maintenant » ; pour qu'il y ait éternité, il ne suffit pas, assure Boèce, de parcourir successivement les parties d'une existence sans terme (ce que Platon et Aristote attribuent au monde), il faut embrasser une existence infinie tout entière également présente (ce qui est le privilège de la divinité). Ce genre de définition a l'inconvénient de laisser croire que l'on s'aventure à penser l'éternité par-delà le temps, comme si la conscience pouvait cesser d'être temporelle, même lorsqu'elle domine et juge le flux de la durée. C'est pourquoi de nombreux philosophes préfèrent n'envisager que la corrélation temps-éternité. Pour Louis Lavelle, par exemple, l'éternité est bien un éternel présent, un pur « maintenant », mais accessible par négation de ce qu'il y a de négatif dans le temps, sans que cette négation soit celle du temps lui-même. C'est à l'intérieur de la durée qu'on retrouve l'éternel présent, dont le temps n'est qu'une expression affaiblie, une expression qui ne va pas sans perte. La philosophie contemporaine est résolument temporaliste : c'est dans le devenir et dans l'histoire qu'elle engage toute dialectique ; elle n'a que faire d'une éternité qui, pour elle, est tout entière mythique. On notera pourtant que le structuralisme, en exaltant la synchronie (le système), en tenant pour subordonnée la diachronie (l'évolution), restaure implicitement, comme tous les logicismes, le primat d'une certaine éternité, au sens de vérité anhistorique. Aussi bien le couple conceptuel temps-éternité, que d'aucuns estiment démodé, marque-t-il la double polarité qui commande les oscillations de grandes doctrines.

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. ÉTERNITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BERDIAEV NICOLAS (1874-1948)

    • Écrit par Olivier CLÉMENT, Marie-Madeleine DAVY
    • 2 309 mots
    Quand l'homme s'oriente totalement vers Dieu, il devient un lieu de métamorphose ; enfanté par l'éternité, il participe à un monde nouveau. Le mot éternité possède un sens très précis dans la pensée de Nicolas Berdiaev. « L'Éternel seul est réel. » L'Éternité n'est saisissable que dans le temps,...
  • BONHEUR (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 593 mots
    Le bonheur n’est envisageable que si une forme d’éternité nous est accessible. Cette condition n’apparaît folle qu’aussi longtemps que nous confondons l’éternité et le temps à l’état pur, l’instant pleinement vécu. Elle devient au contraire tout à fait raisonnable sitôt que nous découvrons, dans notre...
  • ESTHÉTIQUE - L'expérience esthétique

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 083 mots
    • 2 médias
    ...analogue, Spinoza considère la durée mesurable comme extensive ; la durée intensive, saisie « de l'intérieur », est au contraire « vue sous l'angle de l' éternité ». Que signifie ici l'éternité ? La durée en tant qu'elle m'est assignée une fois pour toutes ; ou, si l'on préfère, le destin, au sens de Derrick...
  • INFINI, philosophie

    • Écrit par Emmanuel LÉVINAS
    • 6 354 mots
    ...dans un sens différent du quantitatif, la dimension de l'infini où se placera l'Un infini des néo-platoniciens. Quant à Aristote, en admettant l' éternité du monde et de son mouvement, il laisse subsister comme un infini actuel dans la cause de ce mouvement éternel. L'acte, pur de toute puissance,...
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Voir aussi