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ÉLICITINES

La résistance des plantes aux micro-organismes pathogènes met en jeu leur aptitude à percevoir une grande diversité de molécules étrangères en tant que signaux (éliciteurs) activant des mécanismes de défense. Les élicitines (découvertes au centre I.N.R.A. d'Antibes à la fin des années 1980) sont de petites protéines sécrétées par un groupe de champignons Oomycètes (Phytophthora, Pythium) particulièrement dommageables pour les cultures. Ces protéines, libérées dans la plante agressée, sont reconnues comme éliciteurs par certaines espèces végétales, dont le tabac.

Chez ces espèces, les élicitines déclenchent la réaction d'hypersensibilité qui associe la mort programmée des cellules immédiatement stimulées avec l'activation locale intense de réponses de défense conduisant à une consolidation des parois végétales et à la production de protéines et de métabolites secondaires antimicrobiens. Cette combinaison d'effets assure le confinement de l'agent pathogène à son site de pénétration. La réponse du tabac aux élicitines fournit un modèle de signalisation chez les cellules végétales. Elle implique une reconnaissance par des sites de haute affinité localisés sur la membrane plasmique, une cascade de phosphorylations, un influx de calcium qui joue le rôle de second messager pour d'autres effets (efflux de chlore et de potassium, dépolarisation de la membrane plasmique et inhibition de la pompe à protons, acidification du cytosol, activation d'une oxydase à NADPH produisant des formes réactives de l'oxygène, activation de gènes...) qui aboutissent aux réponses de défense. À la suite de cette réaction rapide et localisée, les tabacs traités par des élicitines acquièrent en outre une protection durable et systémique contre des infections ultérieures. Cette résistance acquise requiert l'intervention de signaux synthétisés par la plante, notamment l'acide salicylique.

La chaîne primaire des élicitines, longue d'une centaine d'acides aminés, est repliée sous forme globulaire maintenue par trois ponts disulfure. La structure tridimensionnelle, établie par cristallographie, montre l'existence d'une cavité hydrophobe qui peut accommoder une molécule de stérol. Les élicitines ont effectivement la capacité de fixer les stérols et de les transférer entre membranes, ce qui constitue probablement leur fonction biologique pour les Oomycètes qui les produisent. Ceux-ci utilisent en effet les phytostérols comme stimulateurs de leur croissance et de leur reproduction, mais sont incapables de les synthétiser et doivent donc se les procurer à partir des tissus végétaux qu'ils colonisent.

Les élicitines sont des protéines très conservées chez l'ensemble des Phytophthora. L'aptitude du tabac à réagir de manière hypersensible aux élicitines lui confère donc une résistance générale à ces agents pathogènes. Cependant certaines souches du champignon contournent cette résistance en réprimant l'expression de leurs gènes d'élicitine ; elles provoquent une maladie grave des cultures de tabac. Expérimentalement, on a introduit chez le tabac un gène d'élicitine en plaçant son expression sous le contrôle d'un promoteur induit par des agressions parasitaires. En réponse à l'infection par ces souches, c'est la plante transgénique qui synthétise l'élicitine et la sécrète dans l'espace intercellulaire, ce qui déclenche la réaction d'hypersensibilité. Ces tabacs « génétiquement vaccinés » présentent un bon niveau de résistance non seulement aux Phytophthora, mais à plusieurs autres champignons pathogènes. Outre son large spectre d'efficacité, cette stratégie d'amélioration de la résistance des plantes expérimentée avec les élicitines offre l'intérêt de n'exprimer le transgène que de manière restreinte,[...]

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Écrit par

  • : chef du département Santé des plantes et environnement à l'Institut national de la recherche agronomique, ingénieur agronome, docteur ès sciences, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique

Classification

Pour citer cet article

Pierre RICCI. ÉLICITINES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • PHYTOPATHOLOGIE

    • Écrit par
    • 5 840 mots
    • 9 médias
    ...gène », qui sera illustré à partir de 1983 par l’isolement des gènes postulés par lestravaux de Harold Flor.Il s’ensuit également la notion d’  « éliciteur » (terme issu du verbe anglais to elicit, « provoquer »), d’abord énoncée par Noël T. Keen (1940-2002) en 1975, c’est-à-dire de molécules...