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CRITIQUE DE LA RAISON PURE, Emmanuel Kant Fiche de lecture

Enjeux d'interprétation

La portée historique de la Critique de la raison pure est considérable. Kant entend désormais par « métaphysique » la science des limites et des fins de la raison et, localement, la partie rationnelle d'une science (connaissance par les seuls concepts a priori) – c'est en ce sens qu'il parle de « métaphysique de la nature », ou encore de Métaphysique des mœurs. Renouvelant complètement un thème très ancien, la « méthodologie transcendantale », dans la dernière partie de l'ouvrage, distingue soigneusement, à partir d'une réflexion sur la croyance, « l'opinion, la foi et le savoir ». La métaphysique classique, critique des preuves de l'existence de Dieu, n'a plus lieu d'être, d'où de profondes conséquences pour la théologie et la philosophie modernes, comme pour la naissance des « sciences humaines ».

La « révolution copernicienne » opérée par le kantisme apparaît comme le point d'orgue de la pensée des Lumières. À ce titre, elle tiendra le rôle de pensée quasi officielle en France au xixe siècle (Jules Barni par exemple, l'un des premiers traducteurs de Kant, a été proche conseiller de Gambetta). La Critique de la raison pure a enfin connu un sort particulier en Allemagne, avec le néo-kantisme dit de l'école de Marbourg ; en réaction à cette lecture incarnée à ses yeux principalement par Ernst Cassirer et qu'il jugeait trop épistémologique, Heidegger a soutenu, dans Kant et le problème de la métaphysique (1929), que « Kant ne remplace pas la métaphysique par une théorie de la connaissance, mais s'interroge sur la possibilité intrinsèque de l'ontologie ». La révolution kantienne est ici interprétée comme démonstration de la « finitude » de l'esprit humain, et primat de « l'imagination transcendantale » sur la raison. Ce déplacement ne serait assumé au fond que par Heidegger lui-même, et la deuxième édition de la Critique témoignerait d'un recul de Kant, préparant le systématisme de la philosophie allemande après lui, à travers notamment « l'idéalisme absolu » de Hegel. Ainsi la postérité de l'œuvre est-elle au moins triple, avec l'idéalisme post-kantien, le criticisme néo-kantien, et le projet heideggerien de déconstruction de la métaphysique...

— François TRÉMOLIÈRES

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François TRÉMOLIÈRES. CRITIQUE DE LA RAISON PURE, Emmanuel Kant - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Emmanuel Kant - crédits : AKG-images

Emmanuel Kant

Autres références

  • SENSIBILITÉ, psychologie et philosophie

    • Écrit par Michaël FOESSEL
    • 1 033 mots

    En raison du devenir et du changement qui le caractérisent, le sensible est traditionnellement opposé à la fixité et à la permanence de l'intelligible. Dans ces conditions, la sensibilité, comme propriété d'un sujet d'être modifié ou informé par le milieu sensible, peut être opposée...

  • EMPIRISME

    • Écrit par Edmond ORTIGUES
    • 13 324 mots
    • 1 média
    ...possibilités de l'expérience, est justement ce qui va disparaître chez Kant au profit d'une anticipation globale des possibilités de l'expérience en général. Dans l'introduction à la Critique de la raison pure (2e éd.), Kant écrit : « Si toute connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle...
  • EXPÉRIENCE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 783 mots
    ...rapportait initialement à la seule sensibilité – signification qu’il conserve encore au xviiie siècle, comme le montre par exemple le nom de la partie de la Critique de la raison pured’Emmanuel Kant (1724-1804) consacrée à nos sens et dénommée « esthétique transcendantale » –, il a fini par désigner tout...
  • AUTRUI (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 534 mots
    ...déterminés, qui produit en nous un sentiment moral. « Le respect s’applique toujours uniquement à des personnes, jamais aux choses », peut-on lire dans la Critique de la raison pratique (1788). Rousseau avait le premier considéré la conduite morale comme indépendante des connaissances dont nous disposons,...
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