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CRÉATION Les mythes de la création

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La division de la matière primordiale

Les Parents du monde

Selon la tradition transmise par Hésiode dans sa Théogonie, « Terre [Gaïa], elle, d'abord enfanta un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel [Ouranos] étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais » (trad. P. Mazon). Ce couple primordial donna naissance à la famille innombrable des dieux, des cyclopes et des autres êtres mythiques. Comme il les « haïssait dès le premier jour », Ouranos les cachait dans le corps de la Terre (Gaïa), qui souffrait et gémissait. Encouragé par Gaïa, le dernier des enfants, Kronos, attend que son père s'approche de la Terre, comme il le faisait toujours à la tombée de la nuit, lui coupe l'organe générateur et le jette dans la mer. La mutilation d'Ouranos met un terme à ses créations et, par là même, à sa souveraineté. Ouranos, le Ciel, s'éloigne définitivement de la terre.

Le motif cosmogonique du couple primordial Ciel-Terre est présent dans beaucoup de mythologies. Les Maoris appellent le Ciel Rangi et la Terre Papa ; au commencement, pareils en cela à Ouranos et à Gaïa, ils étaient réunis en un étroit embrassement. Les enfants qui étaient nés de cet accouplement sans fin et qui, assoiffés de lumière, tâtonnaient dans les ténèbres, se décidèrent à séparer leurs parents. C'est ainsi qu'un beau jour ils coupèrent les tendons qui reliaient le Ciel à la Terre et poussèrent leur père de plus en plus haut, jusqu'à ce que Rangi fût projeté dans l'air et que la lumière fît son apparition dans le monde.

Nout et Geb, papyrus - crédits :  Bridgeman Images

Nout et Geb, papyrus

Le mythe des « Parents du monde » est extrêmement répandu en Asie du Sud-Est et en Océanie, de l'Indonésie jusqu'en Micronésie. Le motif de la séparation brutale du Ciel et de la Terre réapparaît parfois sous une forme différente ; à Tahiti, par exemple, on croit que cette opération a été effectuée par une plante qui, en poussant, a élevé le Ciel. Le thème des « Parents du monde » se rencontre également en Afrique et dans les deux Amériques. Il s'agit, à coup sûr, d'un motif archaïque. Selon la tradition sumérienne, au commencement le Ciel et la Terre étaient confondus – et le dieu Enlil les sépara. La présence d'un mythe semblable est attestée en Égypte : la Terre et le Ciel se tenaient étroitement embrassés, le dieu Geb sous la déesse Nout. Leur père, Chou, les sépara, en haussant par-dessus sa tête la déesse qui devint la voûte céleste.

Le Chaos

Selon Hésiode (Théogonie, 116), le Chaos était avant toutes les choses. Il consistait en brumes et ténèbres, et donna naissance à Erebos et Nuit, à Éros et Désir. Dans les cosmogonies orphiques, Aither et Chaos furent engendrés par Chronos (le Temps) ; du Chaos se forma un œuf d'argent duquel sortit Phanes (Éros). Ces deux conceptions cosmogoniques trahissent une origine orientale. En effet, selon les traditions phéniciennes telles que les ont transmises Sanchoniaton et Mochos, Chaos était le principe primordial. En s'unissant à l'Esprit, il produisit le Désir. À son tour, le Désir se combina avec le Chaos et l'Esprit et engendra Mot (terme généralement rattaché à mo, eau). Celui-ci donna naissance à un œuf qui contenait en germe l'Univers tout entier. L'œuf se brisa en deux : une moitié devint le Ciel, l'autre moitié la Terre.

Dans nombre de mythologies, l'état originaire est présenté comme un vide, un abîme primordial, enveloppé dans les ténèbres. (Le terme utilisé par Hésiode, chaos, est apparenté à chasma, abîme.) L'Edda scandinave parle de ginnunga gap, « vide béant » ; dans le Genèse(i, 1), avant la Création la Terre était tôhû-wâbôhû, « désert et vide ». Un autre terme hébreu pour l'« abîme » est Tehôm, désignant les Eaux plongées dans la nuit ; Tehôm est[...]

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Pour citer cet article

Mircea ELIADE. CRÉATION - Les mythes de la création [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

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Nout et Geb, papyrus - crédits :  Bridgeman Images

Nout et Geb, papyrus

Prêtre en prière devant les symboles des dieux Marduk et Nabu - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Prêtre en prière devant les symboles des dieux Marduk et Nabu

Autres références

  • ABRABANEL (1437-1509)

    • Écrit par
    • 912 mots

    Le conflit entre les théories philosophiques universalistes et un attachement plus proprement religieux à la tradition existait depuis plus de deux siècles chez les penseurs juifs. La philosophie sous sa forme averroïste admettait généralement que la vérité philosophique ne différait de la vérité...

  • ABRAHAM IBN EZRA (1089-1164)

    • Écrit par
    • 813 mots

    Commentateur, grammairien, philosophe et astronome, Abraham ibn Ezra, né à Tudela, est l'une des plus grandes figures de la pensée juive du Moyen Âge. Sa carrière se divise en deux périodes bien distinctes. Pendant la première, jusqu'en 1140, il vit en Espagne, où des liens d'amitié le lient à...

  • ADAM

    • Écrit par
    • 1 758 mots

    En hébreu, le nom commun adam, toujours employé au singulier, signifie « homme » en tant qu'espèce et non en tant qu'individu de sexe masculin. L'étymologie en est discutée. Le récit de la Genèse(ii, 7) l'a rapproché du mot adamah, « terre », mais c'est peut-être là...

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par
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    • 1 média
    Dans de nombreuses religions africaines, le créateur de toutes choses est la plupart du temps inaccessible au point que, si les hommes s'y réfèrent dans les mythes d'origine, ils ne s'adressent pratiquement jamais à lui. Chez les Dogon, le dieu créateur, Amma, est relativement présent, ses ...
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