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GEERTZ CLIFFORD (1926-2006)

Anthropologue américain, Clifford Geertz a enseigné aux universités de Berkeley, Chicago, et enfin Princeton, à la School of Social Science, qu'il contribua à fonder en 1970. Comme penseur, théoricien mais aussi ethnographe, il a exercé une influence déterminante sur sa discipline, participant à son renouvellement, notamment dans l'étude de la culture en tant que système symbolique.

Né à San Francisco le 2 août 1926, Geertz grandit dans un milieu rural alors durement frappé par la grande crise. Engagé à dix-sept ans dans l'U.S. Navy, démobilisé en 1946, il bénéficie de la G.I. Bill qui lui permet de suivre des études à l'université et de s'orienter vers la philosophie puis vers l'anthropologie. Après une première étude réalisée dans le sud-ouest des États-Unis, il mène avec son épouse Hildred Geertz ses grands travaux d'anthropologue en Indonésie, d'abord dans l'île musulmane de Java (1952-1953) puis dans celle hindouiste et bouddhiste de Bali (1957-1958), soutenant dans l'intervalle (1956) à Harvard une thèse sur la religion de Java (The Religion of Java, New York, 1961). Ses recherches le conduisent ensuite au Maroc (1964, 1965-1966, 1968-1969, 1972), où il étudie notamment le souk de Séfrou, une petite ville de l'Atlas (1979 ; trad. franç., Le Souk de Séfrou. Sur l'économie du bazar, Bouchène, Paris, 2003).

Ces terrains indonésiens et marocains alimenteront sa pensée, fonctionnant souvent comme deux modèles à la fois contraires (« le sec et l'humide ») et s'éclairant mutuellement, notamment dans ses réflexions sur la religion et l'islam, sur les structures politiques ou sur les systèmes traditionnels d'irrigation. L'un de ses textes les plus connus est sans doute celui sur le combat de coqs, véritable « jeu d'enfer » (1973, trad. franç., Bali, interprétation d'une culture, 1984). Clifford Geertz y raconte comment, assistant à un de ces combats illicites dans un village balinais, une descente de police l'obligea à fuir avec les autres participants. Cette épreuve partagée lui permit d'être accepté par les villageois et de réaliser son travail de terrain. Il en est sorti une analyse du combat de coqs permettant de comprendre la conception balinaise de la hiérarchie de statuts et d'approcher au plus près une réflexion des Balinais sur leur propre violence, mais aussi sur leur tempérament et sur l'état d'esprit de leur société.

Clifford Geertz promeut de fait une anthropologie culturelle dite interprétative (Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, 1986), c'est-à-dire une anthropologie qui considère et aborde la culture avant tout comme « un ensemble de textes [...] que l'anthropologie s'efforce de lire par-dessus l'épaule de ceux à qui ils appartiennent en propre ». Dans cette démarche de mise en textes de la culture, Geertz se démarque de Bronislaw Malinowski (1884-1942) pour qui l'anthropologue devait « voir les choses du point de vue de l'indigène », se glisser en quelque sorte dans sa peau et s'efforcer de penser comme lui. Pour Geertz, « l'astuce n'est pas d'entrer en quelque interne correspondance d'esprit avec les informateurs [...] mais d'arriver à comprendre ce que diable ils pensent être en train de faire ». Autrement dit, il s'agit d'analyser « les formes symboliques, mots, images, institutions, comportements, au travers desquels [...] les gens effectivement se voient eux-mêmes et se voient les uns les autres » (Ici et là-bas. L'anthropologue comme auteur, 1996).

Cette approche, affirmant le caractère sémiotique des faits de culture, s'appuie sur une « description dense » (thick description) et sur la capacité à révéler et à interpréter par le dialogue avec les informateurs le système symbolique tel qu'il[...]

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Écrit par

  • : anthropologue, maître de conférences à l'université de Lyon-II-Lumière

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