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CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION EUROPÉENNE

Une portée inconnue

Telle qu'elle a été proclamée à Nice, la Charte ne fait pas partie du droit positif de l'Union. Dès le sommet de Cologne, il avait été précisé que l'intégration de ce document dans les traités ferait l'objet d'un examen ultérieur. Cela a été confirmé lors du sommet de Nice, avec mandat aux instances compétentes de réfléchir, d'ici à la conférence intergouvernementale de 2004, au statut de la Charte, en particulier à sa reprise dans les traités européens. Dans la déclaration de Laeken (15 décembre 2001) sur « l'avenir de l'Union européenne », les chefs d'État ou de gouvernement des Quinze considèrent que parmi les « défis et réformes » qui attendent une « Union renouvelée » figure le statut de la Charte : « Il faut se demander si la Charte des droits fondamentaux doit être intégrée dans le traité de base et se poser la question de l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l'homme. » Nul doute que cette question sera débattue dans le cadre de la nouvelle « Convention sur l'avenir de l'Europe » qui, à compter du 1er mars 2002, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, aura à réfléchir à l'architecture de l'Europe des années 2010 à 2020. Il est probable qu'en cas d'adoption en 2004 d'un texte dénommé, à tort ou à raison, « Constitution de l'Union européenne », la Charte y trouverait sa place en tant que catalogue des droits fondamentaux de l'Union.

Entre 2001 et, le cas échéant, 2004, la Charte ne pourra être considérée que comme un élément de référence aux principes fondamentaux reconnus par les quinze pays membres de l'Union et appliqués par les institutions de celle-ci. Il ne sera pas difficile à la Cour de justice des Communautés européennes, dès qu'elle en aura l'occasion, d'incorporer le contenu de tel ou tel article de la Charte dans le droit positif dont elle assure le respect. Quant aux juridictions nationales, elles ne devraient pas, en principe, faire usage de cette Charte dans les relations entre les justiciables et les autorités nationales, tant du moins qu'il ne s'agit pas de la mise en œuvre de compétences de l'Union. Comme celles-ci ont tendance à s'élargir et à concerner, de plus en plus, des questions sensibles du point de vue des droits de l'homme (l'asile, les contrôles aux frontières...), il est aisé de penser qu'une juridiction nationale aura assez vite, sous la pression des plaideurs ou de sa propre initiative, la tentation de s'appuyer sur la Charte pour résoudre le litige pendant devant elle et qu'elle y succombera. En tout cas, les rédacteurs de la Charte ont pris la précaution de la rédiger de manière à ce qu'elle devienne automatiquement un texte normatif. Les commentateurs ont d'ailleurs pris l'habitude, à tort d'un strict point de vue juridique, de considérer que la « Charte autorise » ou que « la Charte interdit », ce qui ne fait qu'anticiper sur son futur statut.

Pour reprendre une expression de Guy Braibant, lors de la présentation du texte au Conseil européen de Biarritz le 14 octobre 2000, cette Charte « correspond aux besoins et à l'état de l'Europe de l'an 2000 [et] pourra assurer une protection meilleure de ses citoyens et un contrôle plus efficace de ses institutions ». Elle marque une étape, la dernière du xxe siècle, la première du xxie, dans l'histoire des libertés en Europe.

— Didier MAUS

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Écrit par

  • : ancien conseiller d'État, ancien président du tribunal constitutionnel d'Andorre, président émérite de l'Association internationale de droit constitutionnel

Classification

Pour citer cet article

Didier MAUS. CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION EUROPÉENNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • EUROPE - Diversité religieuse

    • Écrit par Michel MIAILLE, Kathy ROUSSELET
    • 11 341 mots
    ...légitimation. La naturalité apparente de ces termes en fait un instrument propice à toutes les manipulations – en tout cas à des usages contradictoires. L'adoption, en tant que traité, de toute la Charte des libertés et des droits fondamentaux conclue à Nice (2000) redouble la difficulté, puisque le Préambule...

Voir aussi