CHANGE L'intégration monétaire européenne
L'intégration monétaire est une situation où plusieurs économies – entre lesquelles la mobilité des capitaux est parfaite – ont soit des monnaies liées entre elles par des taux de change fixes, soit une monnaie unique (union monétaire). Mais l'expression est aussi utilisée pour désigner le processus – plus ou moins long – au cours duquel l'intégration est en voie de réalisation. La fixité des taux de change et la mobilité des capitaux sont alors loin d'être parfaites et, a fortiori, on est loin de la monnaie unique, mais ce sont des objectifs plus ou moins clairement affichés. Dans tous les cas, l'intégration monétaire renvoie à la stabilité des taux de change et est associée à une perte plus ou moins grande d'autonomie de la politique monétaire nationale.
On peut faire remonter l'histoire moderne de l'intégration monétaire européenne au xixe siècle. En 1865, la constitution de l'Union monétaire latine – à laquelle participent la Belgique, la Bulgarie, la France, la Grèce et la Suisse – répond déjà à la volonté d'établir une zone de stabilité des changes en Europe. Cet objectif ressurgit entre les deux guerres mondiales quand s'imposent les changes flexibles et l'instabilité monétaire qui les accompagne. Mais, plus raisonnablement, c'est à la fin de la Seconde Guerre mondiale qu'il faut revenir. De grands hommes politiques européens tirent alors les leçons de la crise des années 1930 et des conflits qui ont dévasté l'Europe, afin d'éviter que de tels événements se reproduisent. Le projet d'intégration européenne est donc animé, dès le début, par des motivations autant politiques – empêcher le retour de la guerre en réconciliant durablement France et Allemagne – qu'économiques – réinsérer l'Europe au sein de l'économie internationale d'après guerre. Il en sera toujours ainsi par la suite. Même si l'économique semble jouer le rôle intégrateur, la dimension politique reste au cœur de la dynamique européenne.
Les explications de l'intégration monétaire européenne privilégient l'une ou l'autre de ces deux dimensions. Dans les approches centrées sur les facteurs économiques, elle est la conséquence de l'intégration des marchés des biens – la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires dans le cadre du Marché commun a alors un rôle décisif – ou des capitaux – qui vient limiter les marges de manœuvre de la politique monétaire. Les approches privilégiant le politique insistent sur la politique intérieure – plus précisément sur l'uniformisation des préférences et des idées des responsables européens en matière de politique économique –, sur les compensations politiques et fonctionnelles – tout particulièrement entre la France et l'Allemagne – ou encore sur la politique étrangère – avec la volonté de faire contrepoids à la puissance des États-Unis (Henning, 1998). En réalité, tous ces facteurs sont étroitement imbriqués et il est bien difficile de les démêler. Dans ces conditions, mieux vaut suivre le fil de l'histoire.
L'Europe dans le système de Bretton Woods
L'idée d'une Europe unie naît simultanément dans beaucoup de lieux différents. Dans les années qui suivent immédiatement la Seconde Guerre mondiale, elle s'exprime avec force en Europe même – où, par exemple, Winston Churchill appelle de ses vœux en 1947 « les États-Unis d'Europe » – mais aussi aux États-Unis – où l'Administration et le Congrès apparaissent entièrement acquis à la cause d'une Europe unifiée (Marjolin, 1999). Sans se prononcer sur le poids des uns et des autres, on s'accorde pour dire que le Plan Marshall a joué un rôle décisif dans le démarrage du processus d'intégration de l'Europe occidentale.[...]
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Écrit par
- Christian BORDES : professeur à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Médias
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