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FRIEDRICH CASPAR DAVID (1774-1840)

La vision intérieure

Autre œuvre emblématique, La Mer de glace [1823-1824, Hambourg, Kunsthalle], représente dans un paysage polaire dépourvu de végétation une frêle embarcation prise dans des blocs de glaces, dont la monumentalité envahit l'avant-plan. Là encore le sujet historique du naufrage – l'œuvre fait référence au drame d'une expédition dans le Grand Nord – est littéralement englouti par un paysage élémentaire réalisé à partir d'études des formations de glace sur l'Elbe. On retrouve dans cette œuvre un mélange, déjà dénoncé par Ramdohr à propos du Retable de Tetschen, entre un traitement quasi naturaliste du détail et une irréalité de l'ensemble (usage de la symétrie, réduction des plans et de la perspective aérienne).

Le Watzmann, C.D. Friedrich - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Watzmann, C.D. Friedrich

Il faut préciser qu'avant de réaliser ses premières œuvres à l'huile, Friedrich a rassemblé dans ses carnets d'esquisses des centaines de fragments de paysage dessinés sur le motif à différentes périodes et en différentes régions d'Allemagne (arbres, buissons, voiliers, rochers, etc.). Ils sont ensuite utilisés pour composer ses toiles en atelier. C'est la raison pour laquelle, tout en ayant un caractère familier, rares sont les peintures de Friedrich dans lesquels on peut reconnaître un lieu réel. Cette oscillation entre fidélité à la nature et réappropriation subjective, entre apparences extérieures et vision intérieure, est radicalisée par la fameuse formule de l'artiste opposant œil physique et œil spirituel : « Ferme ton œil corporel, afin de voir d'abord ton tableau avec l'œil de l'esprit. » Cependant, ses toiles témoignent plutôt d'une synthèse nouvelle entre perception et création, qui subvertit les règles de l'imitation académique. Alors que l'esthétique classique préconise la combinaison d'éléments préalablement standardisés (non tel arbre particulier, mais un arbre idéal) dans un espace vraisemblable (régi par les lois de la perspective centrale et aérienne), Friedrich propose à l'inverse la combinaison d'éléments naturels fortement détaillés et individualisés dans un espace souvent jugé irréaliste.

La Fenêtre de l'atelier, C. D. Friedrich - crédits : Österreichische Galerie Belvedere, Vienne

La Fenêtre de l'atelier, C. D. Friedrich

Trois Âges de la vie (ou Les Trois Âges de l'homme), C. D. Friedrich - crédits : Museum der Bildenden Künste, Leipzig, Allemagne

Trois Âges de la vie (ou Les Trois Âges de l'homme), C. D. Friedrich

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain, université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Julie RAMOS. FRIEDRICH CASPAR DAVID (1774-1840) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Moine au bord de la mer, C. D. Friedrich - crédits : J. P. Anders, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz, Berlin

Moine au bord de la mer, C. D. Friedrich

Le Watzmann, C.D. Friedrich - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Watzmann, C.D. Friedrich

La Fenêtre de l'atelier, C. D. Friedrich - crédits : Österreichische Galerie Belvedere, Vienne

La Fenêtre de l'atelier, C. D. Friedrich

Autres références

  • CASPAR DAVID FRIEDRICH ET LE PAYSAGE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 846 mots

    1797 Élève à l'Académie de Copenhague, Friedrich exécute ses premières œuvres importantes, une série d'aquarelles représentant des vues de parcs de la ville ou de ses environs, qui dénote son goût précoce pour la peinture de paysage et pour l'émotion procurée par la nature, même...

  • MATIN SUR LE RIESENGEBIRGE (C. D. Friedrich)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 271 mots
    • 1 média

    À l'exception de quelques portraits, et de quelques tableaux où les figures prennent le pas sur leur environnement, Caspar David Friedrich (1774-1840), contrairement à son contemporain Philipp Otto Runge, n'a exécuté que des paysages. Il les charge toutefois d'une signification nouvelle pour...

  • L'ÂGE D'OR DU ROMANTISME ALLEMAND (exposition)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 063 mots

    Le musée de la Vie romantique (Paris) a consacré du 4 mars au 15 juin 2008 une exposition à L'Âge d'or du romantisme allemand, aquarelles et dessins à l'époque de Goethe. Dans sa Préface au catalogue, Pierre Rosenberg avoue préférer le sous-titre : Aquarelles et dessin à l'époque...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...l'Allemagne, à l'Angleterre, pays où la théorie académique était bien moins solidement établie. En Allemagne, la personnalité la plus marquante est celle de Caspar David Friedrich (1774-1840) qui, dès les premières années du xixe siècle, a donné au romantisme une forme picturale entièrement originale....

Voir aussi