Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GINZBURG CARLO (1939- )

Traces, déplacements, lapsus

Cette démarche intellectuelle peut s'appliquer au Baptême, à La Flagellation et à tout le cycle de la Vraie Croix du peintre d'Arezzo (Enquête sur Piero della Francesca, 1981 ; trad. franç. 1983), ici replacés dans leur contexte géopolitique, à savoir les projets de reconquête de la Grèce et de nouvelles croisades en Orient. Une même attitude anime Le Juge et l'Historien (1997). Dans ces Considérations en marge du procès Sofri, à travers la figure du « repenti » et le peu de cas fait par les juges du statut de la preuve, on y voit l'institution judiciaire italienne prendre la suite de l'Inquisition à l'encontre des anciens responsables de l'extrême gauche.

Plusieurs recueils d'études, Mythes, emblèmes, traces (1986 ; trad. franç. 1989), À distance (1998 ; trad. franç. 2001), Rapports de force (2000 ; trad. franç. 2003), Le Fil et les traces (2006 ; trad. franç. 2010) ou encore Nulle île est une île : quatre regards sur la littérature anglaise (2002 ; trad. franç. 2005) multiplient les objets d'étude et développent une méthode irréductible à un système. On peut la définir par le va-et-vient entre un cas particulier et une réflexion générale, entre la microhistoire qui suit pas à pas une aventure individuelle et des hypothèses globales. Seul ce double jeu évite à l'historien de s'enfermer dans le confort d'un discours tout fait pour mieux interroger les glissements et les ratés des systèmes. Carlo Ginzburg valorise les transitions, les décalages d'une langue à l'autre, de la parole à l'écriture, des mots aux images. L'estrangement ou la distanciation (dont l'étude ouvre À distance) consiste à tenir le discours de l'étranger, du sauvage ou du fou pour dénoncer sa propre société. De Montaigne et Diderot à Proust, le procédé littéraire est bien connu. Il devient l'image d'une écriture historienne qui se met en scène tout en déployant une érudition impressionnante pour échapper à l'illusion relativiste. Considérer l'analyse historique comme le récit d'une quête intellectuelle ne signifie pas que toute histoire soit une fiction. Carlo Ginzburg brasse les savoirs et les disciplines, les époques et les langues dans une euphorie de comprendre dont on n'a pas encore mesuré toute la puissance créatrice.

— Michel DELON

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Michel DELON. GINZBURG CARLO (1939- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

Voir aussi